Suite au dernier Pèlerinage de Chartres, le cardinal Gerhard Müller a répondu aux questions de l’Appel de Chartres (n°279, Juin 2024) dont une sur la messe traditionnelle et sa place dans l’Eglise (extrait ci dessous).
Notre pèlerinage, de Paris à Chartres, attire une jeunesse nombreuse comme vous l’avez vu hier. Ces pèlerins trouvent une nourriture spirituelle dans la messe célébrée selon le rite ancien. La liturgie traditionnelle joue-t-elle un rôle dans la mission de l’Église ?
Je dois dire fondamentalement qu’il n’y a qu’une seule liturgie. La substance des sacrements institués par le Christ transmet la grâce de Jésus-Christ à nous, humains, dans notre monde visible, monde communautaire, dans ces signes saints, dans les sept sacrements. Mais dès le début, différents rites se sont développés dans une seule Église, pas seulement les rites occidentaux et orientaux. Il existe également différentes formes de liturgie en Occident : le rite ambrosien, le rite mozarabe, le rite dominicain, etc. D’autres ordres présentent certaines différences, notamment dans le rite latin de base. Le rite latin s’est développé d’une certaine manière au Concile de Trente et plus tard, le Concile Vatican II ne voulait pas d’une nouvelle liturgie. Il n’y a donc ni nouvelle ni ancienne liturgie. Il n’y a que la liturgie toujours renouvelée, parce que la liturgie véhicule la nouveauté du Christ, ‘la nouveauté de Jésus Christ’. Le Christ est inattaquable.
Mais le cardinal Ratzinger, qui deviendra le pape Benoît XVI, a également déclaré que la réforme liturgique et la nouvelle liturgie avaient peut-être été mises en place de manière quelque peu abrupte, simplement par un décret. Ce n’était pas le cas en Allemagne, parce qu’il y avait ce mouvement liturgique en Allemagne depuis la Première Guerre mondiale : Romano Guardini et de grandes figures, et aussi Schottis, et le missel, toujours en allemand et en latin. Tous les croyants, même s’ils ne comprenaient pas le latin, pouvaient suivre. Il y avait beaucoup de chants, dont le Gloria et Credo et, à cet égard, le changement n’a pas été aussi brutal en Allemagne qu’en Italie ou en France. En France, bien sûr, il y eut aussi des mouvements liturgiques : Solesmes et les grands liturgistes français comme Martimort et bien d’autres aussi, et la théologie a pris le relais en France, avant le Concile Vatican II. La Première Guerre mondiale, après le XIXe siècle, a joué un rôle majeur ; la liturgie de langue française a également joué un rôle prépondérant. À cet égard, il ne faut pas opposer d’une manière ou d’une autre, l’ancienne et la nouvelle liturgie. Mais il est tout à fait justifié, en fin de compte, de dire que la spiritualité, qui est associée au Missel de Jean XXIII est légitime. C’est pourquoi on ne devrait pas créer de telles oppositions désormais.
J’ai également publiquement critiqué le fait que Rome adopte désormais une approche aussi restrictive. Il faut effectivement procéder de manière conciliante et ne pas être dogmatique, penser à partir de la substance du sacrement pour ensuite se diriger vers la forme liturgique concrète. Je pense que c’est important. Comme je l’ai déjà dit, nous n’avons pas une droite et une gauche, des traditionalistes et des progressistes. Ce sont en fait des catégories fallacieuses.
On ne peut être que catholique, ou non-catholique, ou bien protestant ou dans une autre direction, ou peut-être qu’on est hérétique ; ce sont nos catégories. Il est important qu’à la place de ces catégories sociologiques et psychologiques, davantage de catégories théologiques puissent à nouveau entrer en jeu, parce que la foi vient de la révélation et ne peut donc être interprétée que théologiquement, ‘logos to theos’, et non avec des moyens purement sociologiques ou psychologiques, tirés de la sociologie et psychologie modernes, comme la sociologie d’Auguste Comte positiviste et celle de Sigmund Freud, positiviste et idéologiquement contaminée.
Il ne s’agit pas d’une science purement orientée vers la raison, mais qui fait appel à d’autres normes. Nous ne devrions pas nous laisser influencer. La psychologie et la sociologie peuvent certes avoir quelque chose à voir avec la théologie pastorale et sont censées être des sciences auxiliaires, mais elles doivent être libérées de leur accoutrement idéologique. Nous ne pouvons pas non plus adopter tranquillement le socialisme de Marx parce qu’il est totalement corrompu par l’athéisme et repose sur une vision complètement erronée de l’humanité. On affirme vouloir libérer la personne alors qu’on en fait précisément un objet, on prétend qu’il n’est en fait qu’un conglomérat de conditions sociales et idéologiques. Toutes ces conditions jouent dans la vie humaine concrète, mais chaque personne est un sujet en soi.
Ce qui définit finalement l’identité d’une personne, c’est la relation avec le Dieu Créateur. L’homme n’est pas une créature de la société, mais une créature de Dieu. Dieu est vérité, Dieu est logos, Dieu est raison, Dieu est amour, et c’est cela qui nous correspond le plus, à nous les humains. Dieu n’avait pas besoin de nous créer, il n’avait pas besoin de tribunal, il n’a pas besoin de serviteurs, mais Dieu nous donne de sa plénitude et donc celui qui sert Dieu est libre.
On peut également lire l’homélie de l’abbé de Massia lors de la messe d’action de grâce à Paris (jour de la Fête Dieu)
En 2009 le cardinal Muller évêque de Ratisbonne voulait que les évêques de la Fraternité St Pie X cessent toute activité et demandait la fermeture du séminaire de Zaitzkofen.
J’espère que depuis il s’est ravisé et qu’il a un jugement un peu plus juste en faisant preuve d’un peu moins de sectarisme envers la Fraternité St Pie X.