Dans la dernière lettre des Moniales du Barroux, La Font de Pertus (n°127, 5 juin 2024), Mère Placide, abbesse, évoque ce temps de vacances qui va s’ouvrir à nous… où il ne faut pas oublier le Bon Dieu :
Chers amis,
Les vacances approchent. Quelle part y ferons-nous à Dieu ?
“Dans la conscience des hommes d’aujourd’hui, remarquait Benoît XVI, les choses de Dieu, et avec elles la liturgie, ne semblent pas du tout urgentes. Il y a urgence pour toutes les choses possibles. La chose de Dieu ne semble jamais urgente.” Effectivement, nous vivons de plus en plus vite, et nos journées, si nous n’y prenons garde, sont envahies par une multitude d’informations, souvent sans intérêt réel, qui laissent peu de place au Seigneur. Combien de personnes affirment avec conviction qu’Internet dévore leur temps, sans toutefois y remédier ?
Cette sur-information nuit également par la destruction du silence.qu’elle opère. Habitée par tant d’événements, notre âme peut-elle être disponible pour écouter Dieu ? Toujours moins de silence intérieur et un rythme qui s’accélère toujours plus: est-ce là ce qui convient à la nature humaine ? “Je veux qu’ils se nourrissent, pareils à des fruits qui s’achèvent, de silence et de lenteur”, notait Saint-Exupéry dans Citadelle. “Car il est urgent, certes, que l’homme mange […]. Mais l’amour et le sens de la vie et le goût de Dieu sont plus importants”
Nous devons – et chacun le peut- édifier un rempart contre l’invasion du bruit. Bâtir une digue contre cette marée informatique qui tourne parfois à la marée noire. Mais comment édifier cette digue ? Outre la grâce de Dieu, une forte ascèse est requise. Nous en avons trouvé l’exemple chez le cardinal Robert Sarah, qui nous rendit visite en 2017. Comment, préfet d’une Congrégation romaine, trouvait-il le temps de la prière parmi tant d’activités et de visites ? Le cardinal répondit qu’il fallait “soigner les premières heures de la journée, qui imprègnent toute notre activité : pas de téléphone, car ces heures doivent être réservées à Dieu. Si vous téléphonez, Dieu ne peut pas vous appeler ! Il faut se battre contre les moyens techniques, qui nous empêchent d’être à Dieu. Les médias nous montrent toujours les mêmes événements, catastrophiques, mais cela ne sert à rien d’être dépassé par les événements. Que Dieu ait la priorité. À midi, au bureau, on arrête tout pour réciter l’Angélus. Le soir, les dernières heures sont consacrées au Seigneur, sans communications.”
Un deuxième exemple de construction de digue nous vient d’une mère de famille, obligée de travailler au-dehors. “Je profite d’une semaine de vacances pour réaliser quelques projets, mais il me semble qu’un mois n’y suffirait pas. Enfin, une chose à la fois… Ma priorité est de réserver un vrai temps d’oraison, entre le départ de mon mari et le lever de mon petit dernier. J’ai un bon créneau, ainsi qu’un vrai temps de lecture, cela me fera une sorte de retraite, légère certes mais c’est toujours ça.” Mères chrétiennes, vous savez être ingénieuses pour prélever sur le labeur quotidien la part de Dieu. Tout en restant chez vous, vous voilà en montagne, comme en promenade avec l’Éternel, dans le silence. Celui qui revient de là-haut “redescend calme et grave, rapportant son miel ignoré sous sa pèlerine. Et ceux-là seuls rapporteront du miel qui ont eu le droit de quitter la foule. […] Car l’espace de l’esprit, là où il peut ouvrir ses ailes, c’est le silence”
Si de surcroît nous avons la chance de jouir du spectacle de la nature, nous pouvons prendre des provisions d’étendue” – selon une autre expression de Saint-Exupéry. Admirer la création donne une petite idée de la grandeur du Créateur, illumine l’humble quotidien et réduit l’engouement pour l’artificiel.Alors, chers amis, quelle sera la part de Dieu dans nos vacances ? Qu’elle soit celle enseignée par Jeanne, patronne secondaire de la France : “Messire Dieu premier servi !”
Sœur Placide o.s.b., abbesse
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