Le cardinal François-Xavier Bustillo, évêque d’Ajaccio, a été interrogé sur Corsenetinfos à propos du projet de loi sur l’euthanasie. Extraits :
L’État a le pouvoir et le devoir d’offrir des lois à la société pour que les citoyens vivent au mieux. C’est le devoir de l’État et c’est sa responsabilité aussi. Dans ce cas précis, il y a une loi particulière : on parler d’aider à mourir. Beaucoup de philosophes, et de religieux – pas seulement catholiques – ont parlé de l’importance d’aider à vivre. La question que je me pose n’est pas juste technique, médicale ou juridique. Je me demande pourquoi on arrive à demander la mort ? Et c’est là, effectivement, que je souligne et je crois que c’est une cause grave, que notre société, depuis une cinquantaine d’années, va mal. Si des citoyens arrivent à la fin de la vie, qu’ils n’en peuvent plus et qu’ils demandent la mort, c’est qu’il y a un problème. Je peux parfaitement comprendre qu’on demande la fin de la souffrance, c’est tout à fait naturel. Pour cela, il y a les soins palliatifs. Il y a aussi la loi Leonetti, qui, à mon avis, n’est pas dépassée. C’est pour cela que je pense que la question du projet de loi de fin de vie est grave. Nous sommes en démocratie, le Parlement va parler, mais nous nous sommes prononcés avant. Je pense que dans un débat de société, sans vouloir imposer, mais sur le principe de responsabilité, il faut dire notre vision. Nous ne l’imposons pas, mais nous participons au débat social avec notre pensée, avec notre vision de l’homme et de sa destinée. Et je crois que la mission de l’État, par nature, est d’aider à vivre. […]
La volonté d’aller plus loin que la loi Leonetti est malgré tout un peu aussi dictée par le fait qu’on sait qu’aujourd’hui, de nombreux Français en fin de vie se déplacent dans des pays frontaliers qui ont légalisé l’euthanasie pour recevoir une aide à mourir. Le fait que la France n’ait pas encore tranché sur ce sujet et ferme les yeux sur ce phénomène n’est-il pas un peu hypocrite ?
Je pense que plus qu’hypocrite, c’est responsable de la part de l’État français. Quand on parle de Droits de l’Homme, quand on parle de la fraternité, de la liberté, de l’égalité, on fait tous de très beaux discours. Mais à la fin, où est le pays de Droits de l’Homme ? Le premier droit qu’on cite, c’est la vie. Et la fraternité, le soutien, la solidarité avec les plus vulnérables, où est-elle ? Parce que le danger, c’est que comme dans la loi de la jungle, à la fin les forts tiennent toujours et les faibles, on les élimine. Et quelque part, il pourrait y avoir une forme d’eugénisme social qui n’est pas sain : les faibles ont un défaut, une souffrance, alors on les élimine, on a la solution parce qu’on a la loi avec nous. Et cela, je trouve que c’est un peu dangereux. […]
Dans un entretien accordé au journal l’Humanité, l’Archevêque de Tours, Mgr Vincent Jordy, porte-parole de la confédération des évêques de France dans le cadre des débats sur cette réforme, s’est interrogé en faveur de l’opportunité d’organiser un référendum face à ce sujet de société. Un point de vue que vous partagez ?
Un référendum, c’est un moindre mal, déjà, par rapport à une loi qui nous tombe du haut. Après, je pense que le principe important, c’est le principe de la vie. On parle tellement de la mort de la planète, de la mort des systèmes économiques, politiques, de la mort de la démocratie, c’est anxiogène, quand même, tout ce qu’on nous dit. Et moi, je me dis que faisons-nous pour encourager la vie, pour exploiter les moyens que nous avons d’un point de vue humain, intellectuel et fraternel pour aider et soutenir les personnes ? Je pense que le but de la vie, c’est d’encourager. Je pense à la mort de Lazare dans le chapitre 11 de l’Évangile de Saint Jean, où il dit trois termes que je trouve fort intéressants pour notre société : « sors dehors, déliez-le, laissez-le aller ». Quelque part, Jésus nous sort de nos tombeaux ou de nos tentations thanatophiles pour nous dire : « vis, avance ». Je pense que la société, l’État, les institutions ont besoin d’encourager vers la vie et de soutenir tous ceux qui peinent. C’est quand on peine qu’on a besoin de quelqu’un. Quand on souffre, on risque de se sentir abandonné. Et la peur de l’abandon, c’est la peur ancestrale de l’homme. Si on légalise sur l’abandon des personnes en difficulté, quelque part, on va créer une société plus dure, plus cruelle et moins humaine.