Le site Cathobel publie la tribune libre d’André Friant, prêtre auxiliaire à Charleroi sur le (mauvais) emploi des prêtres retraités comme bouche-trous, béquilles et auxiliaires dans des paroisses en déclin, si ce n’est en voie d’effondrement avancé, et ce pour maintenir des activités ou des messes à bout de bras.
La situation n’est d’ailleurs pas propre à la Belgique et cette tribune peut avoir de l’intérêt en France aussi, où dans nombre de diocèses même plutôt encore (relativement) en bonne santé, lorsqu’un prêtre auxiliaire âgé quitte sa paroisse rurale pour rejoindre une maison de retraite, il s’agit d’un véritable bouleversement qui oblige les prêtres restant à diminuer drastiquement le nombre de messes. Même si la solution d’André Friant, en réalité, c’est son absence – désacraliser des églises et regrouper les paroisses pour limiter la charge des prêtres et l’adapter à l’effondrement du nombre de fidèles, encore plus net en Belgique qu’en France. Néanmoins les regroupements de paroisses, parfois poussés à l’extrême – cinq paroisses pour toute la Lozère – ou les fermetures de lieux de culte n’ont jamais limité la charge des prêtres ni enrayé le déclin.
“L’image du prêtre qui a soin (cure) de ses ouailles d’une seule paroisse est encore fort présente dans les mentalités. Elle est tout à fait inadaptée depuis plusieurs décennies. Quand ils furent nommés “par cumul” (et cumul, et en outre, et cumul encore), la vie, les tâches et la personnalité du prêtre ont bougé, plus que ce qu’on imagine. Outre l’augmentation des charges de gestion, le tissu de relations a éclaté. Le prêtre, comme modelé sur l’alliance du Christ et de son Eglise, a été forcé à la polygamie. De plus, ministre d’un culte de plus en plus formel auprès de chrétiens sociologiques, et enfermé par des pratiquants vieillissants, le poids de l’insignifiance, et parfois même du mépris, a pesé sur eux.
Bien sûr, des ouvertures et des tâches pastorales nouvelles sont arrivées. C’était cependant peu de choses par rapport au poids de tout le reste, d’autant que beaucoup de ces choses étaient fortement gangrénées par une autre maladie: la langue de bois.
Renaissance, nouvelle évangélisation, cheminement… sont des mots qui résonnent dans toutes les têtes. Ils furent travaillés dans des commissions et documents qui faisaient l’effervescence des hautes sphères mais qui, en pratique, laissaient les piliers et les repères à la même place.
On parlait et on ne voulait choquer personne. Ainsi, alignés sur les habitudes, tenant compte du poids énorme des personnes très âgées, on finit par se soumettre au dogme du “on ne quitte rien”. Et tant pis si les choses sont vidées de leur sens… Le prêtre en pastorale est à la charnière de ces contradictions et il s’épuise. Oubliant qu’une triste messe est une messe triste, les responsables diocésains ne mesurent pas le poids de la réalité et ne voient pas que le défaitisme s’installe. Comment pourrait-on, dans ce cadre, imaginer des fins de carrière correctes? Elles sont, au contraire, catastrophiques – on recharge encore le vieux curé et il a des loisirs bien sombres: boucher les trous, pallier les manques, ressasser les problèmes.
La joie de l’Evangile, ce n’est pas pour nous, car ici, on cherche à maintenir le système. Le Seigneur veut rassembler ses enfants, la pastorale les disperse dans de petits clochers tristes et renfermés. Bien sûr, il y a des germes qui poussent, mais ils sont l’exception. Ailleurs, on ouvre de nouveaux passages – réflexion sur le choix de célébrations pour fêter la naissance d’un enfant, proposition de confirmation pour les parrains, catéchuménat des adultes, articulation messe des familles et communauté chrétienne, animations catéchétiques plus centrées sur les adultes, initiation et accompagnement mieux suivis d’enfants sans courir après un sacrement…
Mais il faut remplacer un responsable d’Unité Pastorale de 70 ans. Le trou. Vite un super PDG-Doyen-deux U.P., oui, deux Unités pastorales pour un seul homme. Fini, les nouvelles perspectives d’évangélisation: retour au fonctionnement service public du culte, à la reproduction des modèles anciens. Avec moins de moyens et un souffle qui s’épuise. Dans ce contexte, le prêtre auxiliaire arrive pour renforcer ces défauts: on pourra garder une messe pour dix personnes, et, tant qu’on y est un mariage le Samedi saint puisque les gens veulent cette date. Et vite une messe du samedi soir pour soulager un confrère âgé qui en dit déjà deux – et tant pis pour la soirée avec les amis.
Les problèmes des prêtres qui partent à la retraite sont dus à la maladie de l’Eglise. Ils sont peut-être plus marquants parce que les retraités sont à la marge. Ce serait quand même plus tonifiant s’ils pouvaient accompagner les nouveaux passages, aérer la terre autour des nouvelles pousses… Les remèdes? Ils sont connus. En voici quelques-uns.
La foi, à demander et à redemander. La foi à la manière du père des croyants qui a quitté son pays, sa patrie. Cela peut prendre la forme de l’abandon du service public du culte et d’une religion à la mesure humaine.
Le regard vers Jésus-Christ, l’écoute de sa Parole dans l’humilité du partage.
Que les autorités écoutent les gens de terrains (et pas seulement les théoriciens en chambre).
La foi en la résurrection du Christ. Et, mieux: un appui sur lui seul. La foi au service de la charité qui aura la couleur d’une bienveillance envers tout homme – et aussi envers les lanceurs d’alerte et les vieux prêtres – et qui fera passer le souci de l’auto-préservation de l’Eglise loin derrière. Concrètement, oser quitter des petites paroisses, désacraliser quelques églises (notamment pour en aménager une convenable avec WC, accès PMR…). Développer un lieu source, offrir un jardin partagé, chercher de nouvelles collaborations avec des écoles, des mouvements de jeunesse…
Et cette affirmation de Christophe Théobald: “L’essentiel de l’attitude pastorale consiste à se rendre et à rester sensible aux ‘événements qui se produisent parmi nous’ (Lc 1,1) la plupart du temps à l’improviste.”
André FRIANT
La Foi… tout est là…mais comment faire quand même ceux qui fréquentent les paroisses n’ont pas la Doi.
Un prêtre africain, en poste dans le diocèse de Tarbes, disait à un ami :
” Si je devais virer tout les faux catholiques de la paroisse, il n’y aurait plus personne à la messe “.