Poitiers, Fontgombault : un faux prêtre belge sévit en France

Une enquête a été ouverte pour escroquerie et usage de fausse qualité contre un faux prêtre belge, qui se fait appeler “père Jourdain” ou “père Vitalis“, et se fait passer pour un domicain – bien qu’il porte l’habit gris des frères de Saint-Jean – après qu’il ait tenté de célébrer la messe dans les abbayes de Ligugé (Vienne) et Fontgombault (Indre).

“Accompagné d’un jeune homme, ce faux prêtre, se disant originaire de Belgique, est passé il y a quelques semaines par la Vienne où il a été reçu à l’abbaye de Ligugé, près de Poitiers, puis à l’abbaye de Fontgombault (Indre), selon le quotidien La Nouvelle République.”

Le diocèse de Toulouse a aussi alerté à son sujet sur sa page Facebook : ” “il utilise les noms de Père Vitalis ou Frère Jourdain et se déclare Prieur général et Fondateur de l’ordre de la congrégation autonome des frères et sœurs Lataste de Béthanie”. Ladite congrégation n’a aucune existence canonique… mais une page Facebook, visiblement gérée depuis la Belgique, existe depuis 2020 avec une photo qui ressemble beaucoup à celle de l’homme qui figure sur l’avertissement du diocèse de Toulouse.

Centre Presse ajoute à son sujet qu’il a concélébré un office dans une paroisse du diocèse de Poitiers et qu’il est intervenu devant les élèves d’une école catholique du diocèse : “quelque temps auparavant, le prêtre avait concélébré un office dans une église, dont le prêtre titulaire, le père Patrice Gourrier, avait rapidement constaté que l’usurpateur ne connaissait rien aux rites requis. Il avait également fait une escale à la chapelle de La Puye, comme en témoigne une photographie diffusée sur le site du diocèse de Toulouse. L’homme aurait également, selon France 3, pu intervenir devant des écoliers d’un établissement privé de Poitiers pour leur parler du père Lataste, fondateur d’une congrégation religieuse à laquelle lui-même affirme appartenir.

L’individu s’étant présenté comme rattaché à la paroisse de Charleroi en Belgique, le prieur de Ligugé a contacté par mail le curé de cette paroisse qui a dit ne pas connaître ce prêtre ni la congrégation dont il se réclame, inconnus dans le diocèse de Tournai. Lors de son passage dans la Vienne, le prétendu père Vitalis aurait indiqué à ses interlocuteurs qu’il se rendait à Lourdes. Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, que nous avons contacté, nous a fait savoir, dimanche 25 février 2024, par SMS, qu’il était au courant de ces événements mais n’avait aucune information à leur sujet“.

Le curé avec lequel il a concélébré, le père Patrice Gourrier, témoigne dans les colonnes de Centre Presse : ” j’ai été abusé dans ma confiance. Un soir, j’ai reçu un coup de téléphone qui me disait que deux pèlerins étaient à la rue devant Sainte-Croix. Il fallait leur trouver un logement. Comme je n’avais pas de solution, la personne qui m’appelait s’est débrouillée. Le lendemain, je suis allé rencontrer ces deux hommes. Et le soir même, nous avons concélébré la messe. C’est là que je me suis aperçu que le prétendu prêtre, malgré ses grandes connaissances, ne connaissait pas le rituel. Le lendemain, les deux hommes ont souhaité se rendre à Fontgombault. Je les ai accompagnés. Comme La Puye est sur la route, nous nous y sommes arrêtés. L’homme connaissait très bien l’histoire de La Puye. Il était vraiment convaincant. Quand nous sommes arrivés à Fontgombault, le père hôtelier et moi-même lui avons demandé son celebret. Les deux hommes ont alors disparu“.

Pour rappel, le diocèse de Poitiers, c’est celui où un diacre interdit la messe traditionnelle célébrée par un prêtre en mission dans un diocèse voisin. Mais visiblement faire intervenir un imposteur, mis en cause de surcroît dans une affaire de moeurs, dans un établissement de l’enseignement catholique diocésain ou lui faire concélébrer une messe sans faire de vérifications élémentaires ne semble poser aucun problème…

En réalité, c’est son passé qui inquiète particulièrement, comme le rappelle la presse belge : en 2015, le dénommé Saïd Boulaaras, de son vrai nom, a été condamné à quinze ans de prison à Charleroi dans une affaire particulièrement sordide, puis acquitté en appel. Alors, “habillé tout en noir avec un col romain” celui qui se “prétend membre de diverses communautés”, il offre un logement, des soins, etc. à trois jeunes toxicomanes qui se sont ensuite fait imposer des actes sexuels.

“Les trois victimes présentent des similitudes : paumés, fragilisés par la vie et toxicomanes, ils ont croisé la route du “bienfaisant” Saïd. Ce dernier, 45 ans, se revendique être membre de diverses communautés religieuses et prêtre lorsqu’il aborde les jeunes hommes. Pour paraître le plus crédible possible, l’individu se balade même habillé tout en noir, avec un col romain. Le quadragénaire prêche la bonne parole et amadoue ses victimes en prétendant vouloir les aider à retrouver le droit chemin“, explique alors La Dernière Heure. “Lors du réquisitoire, le parquet a rappelé que Saïd est loin d’être une oie blanche. Condamné à de multiples reprises depuis 1994 (essentiellement pour des vols [notamment à cinq ans de prison en 2011 pour 33 vols dans des écoles de la région de Namur], le prévenu a déjà épuisé toutes les mesures de faveur à sa disposition. Une peine de 10 ans de prison est sollicitée pour les abus sexuels. “Sa vie est un éternel mensonge et il est dans un déni permanent. Ce qui ne l’a pas empêché d’être acquitté en appel. C’est d’ailleurs lors d’un de ses séjours en prison, en 2019, qu’il utilise le surnom de “Jourdain” dans une lettre de la fraternité chrétienne des prisons.