L’abbé de Gouvello a fait l’objet d’une récente sanction, ce qui a suscité de la part de Mgr Laurent Camiade, un communiqué aux paroissiens de Cahors. Voici un entretien de Mgr Laurent Camiade sur cette situation:
Dans 5 ans, la situation de l’abbé de Gouvello sera évaluée en vue de déterminer les conditions de son ministère à venir.
Ce qui a été retenu à l’encontre l’abbé Ronan de Gouvello, concerne des femmes majeures, sans que cela relève, je le répète une nouvelle fois, du code pénal, ce qui a été indiqué dès le départ, par le Procureur de la République du Lot. Cependant, ces faits d’ordre privé sont soumis au droit interne de l’Église. Il n’y a pas lieu de les porter sur la place publique. Nous nous devons de respecter la vie privée des personnes concernées, d’autant que les actes commis n’ont pas été publics.
Le jugement a été rendu par le tribunal canonique, il prévoit des sanctions. En quoi consistent-elles ? Qu’est-ce que cela implique concrètement pour la suite ?
L’abbé de Gouvello continuera d’exercer son ministère de prêtre, en respectant les restrictions qui lui sont imposées pour 5 ans, notamment l’interdiction d’accompagner spirituellement et de confesser des femmes. En lien avec lui, il a été décidé qu’il lui serait confié une mission adaptée et conforme aux sanctions prises. Il est basé dans un autre diocèse que celui de Cahors, en lien avec une équipe de prêtres informés de sa situation. Il est, pour cette mission, placé sous la vigilance du curé du lieu. Il aura à suivre un accompagnement spirituel, psychologique et pastoral, sous ma responsabilité. Les sanctions imposées visent essentiellement à permettre à l’intéressé de se reprendre, d’avancer, d’envisager son avenir en continuant à exercer son ministère.
Les femmes concernées ont-elles été informées ? Avez-vous des contacts ?
J’ai essayé, pour les informer des décisions prises, de recontacter celles avec qui j’avais déjà eu des échanges. Ce que j’avais alors compris, c’est qu’elles ont été éprouvées ou parfois désorientées par tout ce qui s’est passé. Cela me peine et je leur exprime des regrets sincères. Je suis aussi reconnaissant envers celles qui ont eu le courage de témoigner lors des auditions auxquelles elles ont pu se rendre. Elles ont aussi aidé l’Église à mieux prendre la mesure des désordres dont il fallait sortir. Les autres personnes, hommes ou femmes, qui ont été sollicités par ailleurs pour témoigner, ont ma sincère reconnaissance. Je souhaite dire aux femmes concernées que je reste disponible pour les écouter, si elles le souhaitent.
Avez-vous des nouvelles de l’abbé de Gouvello et savez-vous comment il a reçu ce jugement ?
Nous sommes restés en contact depuis son départ de Cahors et nous échangeons des nouvelles régulièrement. Je peux dire qu’il accueille le jugement de l’Église avec confiance et humilité. Il accepte les conditions qui lui sont imposées. Et je crois pouvoir ajouter qu’il est heureux d’avoir la possibilité de continuer à exercer son ministère avec ces restrictions.
Nombreux sont ceux et celles qui cherchent à savoir où il se trouve et quelle est sa vie aujourd’hui, qu’en est-il ?
L’abbé de Gouvello a souhaité partir à pied, en pèlerinage vers Jérusalem et cela va lui prendre plusieurs mois. Je connais son itinéraire et nous conservons le contact. Je lui ai permis de faire cette démarche, qui peut l’aider à se reconstruire et relancer sa vie spirituelle.
Dans la mesure où l’abbé de Gouvello, reste prêtre rattaché au diocèse de Cahors, vous paraît-il envisageable qu’il puisse retourner dans le Lot ?
Cette question est encore prématurée, tout simplement parce que nous ne l’avons pas encore abordée. Bien sûr, nous aurons à l’évaluer au cours de la période d’éloignement de 5 ans, qui lui est imposée.
L’abbé de Gouvello jouissait d’une aura assez exceptionnelle dans l’Église et dans la société civile ; son éloignement a donné lieu à toutes sortes de commentaires, quelle est votre réflexion ?
Évidemment, tout le monde s’interroge sur ce prêtre qui a été très estimé et qui a fait beaucoup de bien. Il a en même temps commis des manquements graves, il a été fragilisé à un moment donné. Et pour ma part, je me pose la question : l’ai-je bien accompagné ? Ne l’avons-nous pas laissé trop seul, être mis en vedette, sans se méfier assez des risques encourus ? On doit s’interroger sur ce que l’on attend d’un prêtre. Nous recevons du prêtre quelque chose qui le dépasse, la Grâce de Dieu. Certes, il est un transmetteur, un intermédiaire, mais en aucun cas il ne doit devenir le centre, qui ferait qu’on ne voit plus que lui ou surtout lui, et non le Christ, dont le prêtre est un serviteur.
Est-ce que le mariage des prêtres permettrait d’éviter ce type de manquement d’ordre sexuel, reproché à l’abbé de Gouvello ?
Le mariage ne peut être réduit à un remède pour ceux qui rencontrent des difficultés à maîtriser la pulsion sexuelle. L’objet du mariage est d’entrer dans une relation stable, d’amour, de don de soi avec une autre personne et de construire, si possible, une famille. Par ailleurs, on constate que bien des mariages rencontrent des difficultés, quant aux exigences de la fidélité. Ce qui prouve que tout le monde éprouve la fragilité humaine, marié ou pas. Ce qui est important c’est de savoir quel sens l’on veut donner à sa vie. Nous avons tous besoin sans cesse de raviver ou de retrouver ce sens, pour demeurer fidèles à nos engagements.
(…)
Est-ce que se pose la question d’un certain « isolement » des prêtres ?
Il y a forcément une forme de solitude consentie dans notre vie de prêtre, à travers ce célibat librement choisi et offert pour être « tout à tous ». Mais cela ne veut pas dire que nous sommes « isolés ». Les prêtres travaillent en collaboration avec les laïcs de leur paroisse. Ils retrouvent régulièrement les autres prêtres du diocèse, tissent avec eux des liens fraternels et réfléchissent ensemble aux enjeux de la mission afin de la porter tous ensemble. Mais vous avez raison, quand un prêtre ne va pas bien ou qu’il affronte des difficultés dans le ministère, la tentation de s’isoler existe. C’est toujours un signal d’alerte. Je note que chaque prêtre, avec ses charismes propres, doit rester vigilant à les développer toujours dans la communion de l’Église. S’il se laisse enfermer par un groupe particulier qui paraît le soutenir, mais, en réalité, l’empêche d’élargir son point de vue et son champ d’action, il en sera vite fragilisé et isolé vis-à-vis de ses confrères. Il ressentira une pression toxique visant à correspondre à l’idéal que son groupe de soutien dessine pour lui. Nous cherchons à accompagner du mieux possible, nos prêtres, en les aidant à relire ce qu’ils vivent. Il n’est pas question de les laisser seuls face aux multiples difficultés qu’ils rencontrent.
Est-ce particulièrement difficile aujourd’hui d’être prêtre ?
La mission de l’Église aujourd’hui est difficile, car nous avons à répondre à des attentes fortes de la part de personnes qui se tournent vers l’Église et qui attendent beaucoup d’elle. Et, en même temps, nous évoluons dans une société de plus en plus sécularisée, où la foi chrétienne n’est pas toujours bien considérée. Les abus sexuels qui ont marqué l’Église font que les prêtres aujourd’hui sont parfois regardés de manière suspicieuse. Tout ceci pèse sur les épaules des prêtres. Mais je crois que pour la grande majorité d’entre eux, la joie d’être prêtre et de servir demeure !
Y a-t-il encore des vocations de prêtres ?
Le dernier rassemblement national organisé à Paris, à l’automne dernier, a réuni plus de 600 séminaristes de France. Et parmi eux, un jeune Lotois, entré au séminaire de Toulouse où il se retrouve avec une trentaine d’autres jeunes de la région. Être prêtre est une vocation qui rend heureux ! Même si le nombre de prêtres a beaucoup baissé en Occident du fait du contexte (sécularisation, crise de l’engagement, de l’autorité et des institutions…) il est frappant de voir comment de jeunes hommes, aujourd’hui encore, sont capables grâce à leur relation personnelle avec Jésus-Christ, de dire : je suis disponible pour donner toute ma vie au service de Dieu et de son Peuple. Cela manifeste de leur part une très grande force intérieure et une capacité d’aimer les autres de façon généreuse. Pour moi, c’est un signe que Dieu continue de travailler en profondeur dans le cœur de notre humanité fragile.