L’abbé Hubert Bizard, chapelain francophone de la Confraternité Saint-Pierre, évoque ce mois-ci, dans sa lettre de mars, le pouvoir de notre langue.
Chers amis membres de la Confraternité,
Nous parlons trop. Au moins parfois. Saint Jacques ne cesse de le dire dans son épitre, la langue (notre langue) est souvent responsable de grandes catastrophes :
Si quelqu’un ne faute pas en paroles, celui-là est un homme parfait, capable de maitriser tout son corps […] voyez combien petit est le feu qui incendie une grande forêt. La langue aussi est du feu […] les bêtes sauvages, les oiseaux, les reptiles et les animaux marins de toute espèce sont domptés et n’ont cessés de l’être par les humains ; mais la langue, il n’est pas un homme qui puisse la dompter : fléau toujours agité, elle est chargée d’un venin mortel.
Parmi nos résolutions de carême, nous pourrions ajouter le propos de ne plus dire du mal. Ou de ne plus écrire du mal. Ou de ne plus prendre part aux conversations toujours négatives qui finalement nous abîment.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de penser que tout va bien dans le monde ; ou encore de considérer que le mal est bien ; ou qu’une action répréhensible ne l’est en fait pas. Ou de s’interdire de penser. Ou de devenir naïf. Ou encore de ne plus ouvrir les yeux sur la triste réalité qui bien souvent nous entoure. Il faut même au contraire avoir les idées claires sur les erreurs de notre temps, pour pouvoir les éviter. Il faut même savoir les dénoncer. Selon cependant certaines conditions.
Il s’agit par exemple de se demander s’il est toujours bon, ou encore s’il est toujours de mon devoir de commenter les fautes de mon prochain (qui parfois d’ailleurs est notre supérieur). Si j’ai autorité pour le faire. Si mon commentaire contribue à améliorer une situation. S’il est animé surtout d’une réelle charité (qui devrait être la mesure de toutes mes actions).
Saint François de Sales disait joliment : “une vérité qui n’est pas charitable, procède d’une charité qui n’est pas véritable”.
Avant de songer à sanctifier et corriger notre prochain, notre premier devoir ne serait-il pas plutôt de nous sanctifier et corriger nous-même ? De travailler à nous réformer et à nous convertir ? N’est-il pas plus bénéfique d’apporter de la lumière que de passer son temps à maudire les ténèbres ?
Et si nous nous sanctifions, si nous nous réformons et si nous nous convertissons, soyons persuadés que nous aiderons grandement notre prochain par l’exemple que nous lui donnerons.
“Aimez-vous les uns les autres” nous dit le Seigneur. C’est le grand commandement.
N’est-il pas vrai que, parfois, le ton de notre critique manifeste un réel manque de charité de notre part ? Pour ne pas dire un mépris ? Comment la grâce peut-elle passer dans ces conditions ?
Le Bienheureux Colomba Marmion disait : “je suis convaincu, et cela par expérience, que ce n’est pas par discussion, mais par bonté qu’on gagne ou qu’on ramène les âmes. Ce n’est pas en voulant convaincre quelqu’un de son tort qu’on le gagne, mais en lui montrant la vérité avec douceur et bienveillance.”
Prions chaque jour pour la conversion des pécheurs ; et pour ceux qui nous font du mal ; avec une grande et réelle compassion et affection. Prions aussi et surtout pour notre conversion.
Bon et saint Carême !