Après la fête du martyr et celle de l’Apôtre virginal, vient celle des Martyrs innocents. Dans la semaine, nous célébrons cette fête avec la couleur violette, sans Gloria et sans Alléluia. L’Église porte le deuil avec les mères qui ont perdu leurs enfants. Mais si la fête tombe un dimanche, l’Église prend la couleur rouge du Martyre, chante le Gloria, le Te Deum, l’Alléluia, car le deuil ne se concilie pas avec le dimanche.
La fête d’aujourd’hui a un double aspect. D’un côté elle représente le point culminant des trois fêtes adjointes. Le premier jour, nous allions au-devant du Roi dans la personne d’un martyr, le second jour, en la personne de l’Apôtre vierge :, le troisième jour, en la personne de ces enfants qui sont à la fois vierges et martyrs. D’un autre côté, la pensée de Noël et de la Rédemption se continue. Originairement, ce jour n’était pas une fête de saints, mais on commémorait la fuite en Égypte.
Ils suivent l’Agneau. — Si nous considérons les textes liturgiques et particulièrement les répons où se manifeste le plus clairement l’esprit de la fête, nous constaterons une idéalisation des Saints-Innocents. L’Église ne s’arrête pas à la figure historique des Saints-Innocents, mais elle voit en eux des images de ces figures sublimes des élus qui ont complètement réalisé son idéal, qui sont restés vierges et ont versé leur sang pour le Christ. C’est ce qui nous fait comprendre les nombreux passages tirés de l’Apocalypse (Leçon de la messe et chants). Dans ces enfants, il faut donc voir l’idéal de la chrétienté primitive : parés de la pourpre des martyrs avec le lis blanc de la virginité, ils ouvrent la marche des privilégiés qui formeront l’escorte d’honneur de l’Agneau. Ainsi cette fête nous donne des leçons pratiques, elle contribue à nous faire appliquer, dans notre vie, les pensées de Noël.
Pensées de Rédemption. — La piété nouvelle ne voit dans la fête de Noël que le petit Jésus dans sa Crèche et se préoccupe peu des pensées de Rédemption. Pourtant la Crèche et la Croix vont de pair. C’est pourquoi la liturgie, même dans la joyeuse fête de Noël, laisse entendre des accents de tristesse. Ce ne sont encore que de légers accents, le jour même, à Matines : « Pourquoi les nations font-elles rage ? » (Psaume 2) et à l’Évangile de la messe « les ténèbres ne l’ont pas acceptée ». Mais cet accent s’élargit les jours suivants, dans la fête de Saint-Étienne, dans celle des Saints-Innocents et le dimanche dans l’Octave. Considérons combien de fois, pendant ces trois jours, il est question de souffrance et de persécution. A la fête des Saints-Innocents, on complote déjà la mort du “Roi des Juifs qui vient de naître », les coups n’atteignent cependant que les Saints-Innocents. Dimanche, le vieillard Siméon prophétise au sujet de l’Enfant : « Celui-ci a été établi… comme un signe de contradiction. » la fête de la Circoncision, coule, pour la première fois, le sang rédempteur. Désormais le thème de la douleur apparaîtra toujours jusqu’à ce que toute cette douleur aboutisse à la mer de souffrance du Vendredi Saint. Ceci crée la transition avec le prochain cycle festival : le prince de la lumière entre en conflit de plus en plus irréductible avec le monde, il se prépare au combat. Sur la fête de Noël, la Croix projette déjà son ombre. L’Enfant de Bethléem vient pour monter sur la Croix, et pour nous faire prendre notre croix.
Extrait de Dom Pius Parsch, dans Guide dans l’année liturgique