La dernière lettre de Paix Liturgique revient sur la situation de Toulon et sur celle de Mgr Rey :
“La lettre de Paix Liturgique 955, datée du 1er septembre dernier, est illustrée par une photo qui montre Mgr Rey portant la Croix, au cours du chemin de Croix du vendredi saint. Un clerc l’assiste, prêt à l’aider si besoin était. La présence de ce dernier est symbolique, ce qui n’est pas rien, mais tout porte à croire que ce Simon de Cyrène restera désœuvré. Car l’évêque de Fréjus-Toulon est, n’ayons pas peur des mots, un colosse.
Le dicastère pour les évêques, en juin 2022, a suspendu les dix ordinations (4 prêtres, 6 diacres, autrement dit pour 2023 10 prêtres, un chiffre à mettre en parallèle avec les 55 ordinations diocésaines déclarées par la CEF en 2023 pour toute la France) dont le chef légitime du troupeau varois avait, en vertu des pouvoirs conférés par la Constitution Dogmatique Lumen Gentium (art 20 à 27), affirmé la pertinence pour le bien du diocèse et de l’Eglise en général. Le dicastère romain se positionnait, en quelque sorte, au-dessus des dispositions conciliaires, sans que ce coup de force, négligeant d’anticiper le trouble ainsi créé, et le scandale d’un tel abus, prît les gants de quelque argumentation solide.
Exemple typique d’intimidation, le procédé en avait la faiblesse, laquelle s’exprime aisément: ça passe ou ça casse. A défaut de saisir les tribunaux ecclésiastiques pour tenir de ces instances qualifiés un jugement équitable, opposable à la partie défaite, le dicastère a présumé que son coup de menton suffirait, à l’instar d’un regard de Méduse, à pétrifier l’adversaire, d’une disqualification sans appel. Mal lui en a pris ! Voilà plus d’un an que Mgr Rey prend acte du piège tendu par Rome, piège dans lequel il n’est pas tombé. Pourquoi? Parce que Mgr Rey est un colosse adulte. Il attend patiemment que Rome assume, sous sa responsabilité, son audace contre-(Sur) nature.
Qu’est-ce que Rome reproche à Mgr Rey? Est-ce de faire l’évêque en ordonnant des clercs? Ce serait juridiquement indéfendable. Est-ce d’appartenir à quelque courant hostile au concile Vatican II? Pour cet ancien curé de la Trinité proche de l’Emmanuel, le soupçon porterait à rire. Est-ce de maltraiter le troupeau qui lui est confié? Que ses “victimes” se fassent connaître, et portent en leur nom propre leurs doléances. L’Église est un état de droit…
Que reprocher à Mgr Rey, si ce n’est son insolente réussite pastorale? Il n’a pas eu besoin d’avoir le tranchant et le management brutal de feu le Cardinal Lustiger pour manifester l’habitus énergique et viril d’un évêque. Porté, à sa nomination en 2000, de par sa teinture charismatique, à montrer peu d’attachement aux expressions les plus traditionnelles de son diocèse, il a eu la sagesse et la charité prudente de ne pas se les aliéner. Mieux encore, il a pris le temps de les mieux connaître, selon un apprivoisement mutuel entre frères. Car Mgr Rey est un colosse adulte et catholique.
Il n’a pas exactement le profil d’une tête de turc. Imposant physiquement, libre de tout scalp dont les afféteries de coupe ou de teinte dévoilent les failles intimes, l’Ordinaire sort du commun. Aucune familiarité, talon d’Achille de tant de prêtres, n’a de prise. Il peut passer pour distant et hiératique; il l’est, autant que, pas plus que, mais ce n’est pas un jésuite. Il gouverne, il enseigne, il a une “vista”, celle du bien de l’Eglise. Il soutient les faibles, contient les forts, ramène les égarés. C’est un pasteur, un bon, un vrai. Lui prêter des dispositions au rôle de bouc émissaire, c’est manquer tragiquement de clairvoyance.
Le tort de Mgr Rey, c’est, faute d’acte d’accusation en bonne et due forme, à l’imaginaire de chacun de lui donner des contours vraisemblables. Pourquoi ne pas s’y risquer, à la lumière du précédent récent que fut l’exil impitoyable de Mère Marie Ferréol, et, pourquoi pas, de l’auteur dramatique que fut…Kafka *. Que me reprochez-vous? Vous le savez mieux que quiconque…(Le Procès). Qui me rendra justice et quand? Quand le Tribunal se saisira de l’affaire…(Le Procès). Quand le Château instruira-t-il ma demande? Quand il estimera que je l’ai sollicitée de façon déférente. Son silence établit qu’il n’en est rien. Comment être agréé sans savoir comment? Les citoyens subalternes du “Château” meurent de consomption lente (Le Château). Si le Château a raison, j’ai évidemment tort. Mgr Rey n’a pas cédé à la provocation. Il n’a pas désespéré devant l’opprobre, il attend que Rome assume sa stratégie désolante aux yeux du monde entier…
Un dialogue d’Audiard nous apportera quelque légèreté, fort lucide au demeurant. Dans Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil (1965), la mère d’un jeune malfrat (joué par Alain Delon) lui déclare: “ton père et moi, tu nous feras mourir de chagrin”, et s’entend répliquer: “au moins, comme ça, on ne retrouvera pas l’arme du crime !”. Le contempteur romain de Mgr Rey est-il cinéphile, et/ou lecteur de Kafka ? On peut conjecturer que son rêve est le suivant, tant l’accablent, et sa prétention à régner, et son incapacité à vaincre: il serait bon que Mgr Rey meure de sa propre main, et que l’arme du crime porte ses propres empreintes. Mais c’est mal parti pour le dicastère de la haine. Car, répétons-le, Mgr Rey est un colosse adulte et catholique: aucune démission signée de sa main ne viendra salir et déconsidérer son trop enviable bilan…En union de prières pour qu’il conserve son cap, au grand dam d’un haut-clergé dévoyé.
*L’écrivain Franz Kafka (1883/1924) Austro-hongrois ( devenu tchèque) , juif et germanophone , nous semble bien injustement appelé le maitre de l’absurde alors qu’il semble être avant tout un prophète maudit fautif d’avoir entrevu trop tôt ce que deviendront toutes les horreurs contemporaines … Tant celles du passées que celles du présent , notamment dans la manière dont est gouverné l’Eglise en effet nous ne pouvons pas ne pas faire un parallèle entre la manière dont gouverne le « château » dans l’œuvre de Kafka et celles qu’usent actuellement les plus hautes autorités du Vatican envers leurs subordonnées qu’ils soient évêques, prêtres ou religieuses”.
De même que les libres penseurs voulaient déboulonner la statue de Saint Michel, l’Eglise de France veut détruire ce colosse.