Un long débat a eu lieu au conseil municipal d’Eu, en Seine-Maritime, quant à l’autorisation ou non pour la commune de vendre les bâtiments inoccupés depuis 2010 du lycée Anguier et de l’ancien collège des Jésuites – et sa chapelle – les deux sont protégés au titre des monuments historiques.
“Cela concerne d’abord les anciens locaux du lycée Anguier, inoccupés depuis 2010 et dont la commune a découvert il y a quelques mois qu’elle en était propriétaire. Si la perspective de se séparer de ce bâtiment n’a pas semblé rencontrer de fermes oppositions, les choses se sont compliquées lorsque Jean-Marie Martin, 6e adjoint au maire en charge des patrimoines, a exposé le projet plus en détail : « Nous avons fait faire une estimation des Domaines pour l’ancien lycée, et une autre du collège des Jésuites dans le même temps. Ces estimations sont de 475 000 € pour l’ancien lycée, 440 000 € pour le collège des Jésuites. »
La possible mise en vente du collège des Jésuites, inscrit aux monuments historiques: voilà le sujet qui a aussitôt fait réagir plusieurs conseillers d’opposition, Stéphane Accard au premier chef. « Cela ne vous dérange pas de brader le patrimoine de la ville ? », s’est-il exclamé. « Ce n’est pas rien, c’est le Collège des Jésuites ! Il a toujours appartenu à la commune ! »
Deux visions différentes des choses se sont alors opposées. Celle se désolant de voir la commune se séparer de pièces importantes de son patrimoine, et celle voyant cette cession comme un moyen de justement le faire perdurer. « Le patrimoine est très important, nous sommes tous d’accord là-dessus, » a expliqué Jean-Marie Martin. « mais le patrimoine de cette ville est une charge extraordinairement lourde. Je ne vois pas l’intérêt de garder des bâtiments que l’on va voir se dégrader jusqu’à disparaitre. »
En fin de compte, la délibération a quand même été votée, mais devant l’importance du débat dans la commune, la municipalité a émis un communiqué de presse pour s’expliquer :
“La ville d’Eu a un très riche patrimoine, le 3ème de Seine-Maritime, composé de 16 entités tant monuments qu’espaces verts. Parallèlement la ville d’Eu fait partie de cette catégorie, tout à fait officielle, des « communes pauvres ».
Entretenir un tel patrimoine est une tâche colossale, et d’autant plus difficile qu’en ce qui concerne ce qui est classé ou inscrit, les travaux sont toujours soumis à des obligations qui ne font qu’augmenter considérablement les factures. D’où, depuis des décennies un défaut d’entretien considérable de ce patrimoine. Qu’on ne s’y trompe pas, la réussite de la réfection d’une partie (seulement) de la toiture de la collégiale ne fait que cacher l’immensité des travaux à mener.
Quelques exemples :
– le mur pignon du transept sud qui perd peu à peu son parement ;
– le toit du château qui fuit ;
– les épis de faitage du château qu’il a été plus facile de déposer que de réparer ;
– le bâtiment à colombages de l’Hôtel-Dieu qui ne tient debout que par un soutènement interne moins cher qu’une réfection ;
– le plafond de la Chapelle de l’Hôtel-Dieu qui s’effondre à cause d’un toit de tuiles trop lourd pour
une charpente faite pour l’ardoise.
Arrêtons là une liste qui pourrait être dramatiquement plus longue.
Que chacun en prenne conscience, notre beau patrimoine est en fait un patrimoine bien abimé. Au milieu de tout cela il y a le Collège des Jésuites. Depuis une dizaine d’années, il n’est plus utilisé et on
constate déjà des dégradations. Bien sûr cela n’en est qu’à ses débuts, et on sait dans quel état de ruine est ” la maison de l’instituteur ” place St-Laurent, faute d’entretien“…
Et de poursuivre au sujet du collège des Jésuites, laissant entendre qu’il y a peut-être un acheteur intéressé : “Ce bâtiment n’a plus de fonction actuellement, il est en retrait, et dans une certaine mesure, ignoré. Une des pièces sert, quelques très rares fois, de salle d’exposition. Il est là, invisible, sans utilité pratique, c’est une coquille, belle sans doute, mais vide.
Vendu, il sera toujours là, il sera semblable à lui-même, car les Bâtiments de France, c’est leur rôle, veilleront à la sauvegarde de l’aspect de cet édifice. Mais surtout il retrouvera vie. Il ne sera pas vendu, si cela arrive, à n’importe qui pour n’importe quoi. La meilleure solution serait d’y faire des logements. Il existe des sociétés spécialisées dans l’achat de bâtiments classés pour y faire des appartements et ce dans le respect le plus total des règles imposées par les Monuments Historiques. Cela se fait un peu partout en France. On peut même assurer que si cela se faisait ce serait avec l’obligation pour l’acheteur de laisser libre accès aux deux cours de cet ensemble. Un ensemble où, aujourd’hui, personne ne pénètre“.