Nous avons évoqué le rappel à Dieu de l’abbé Cyril Gordien, prêtre du diocèse de Paris. Ses funérailles ont eu lieu ce lundi en l’église Saint-Pierre de Montrouge (Paris XIVè) présidées par Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, en présence de 220 prêtres et près de 2000 fidèles. Lors de ses funérailles, son testament spirituel a été publié (Il est publié intégralement sur le site de La Nef) :
« Comment rendrais-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur » (Ps 115, 12).
Chaque jour, en célébrant la sainte Messe, j’élève la coupe du précieux Sang de notre Sauveur, et je lui rends grâce pour cet immense don qu’il m’a fait : être prêtre de Jésus- Christ, moi, son indigne serviteur.
ITINÉRAIRE SPIRITUEL
C’est par une immense action de grâce lancée à notre Seigneur que je voudrais débuter ces quelques lignes de méditation. Oui, je rends grâce à mon Dieu pour la foi que j’ai reçue dans mon enfance, une foi solide et pure, une foi qui n’a jamais failli malgré les nombreuses épreuves de la vie, une foi que mes chers parents m’ont transmise dans la fidélité et l’amour vrai de l’Église. Je rends grâce au Seigneur pour la famille unie dans laquelle je suis né, et pour tout l’amour que mes parents et mes frères m’ont prodigué. J’ai eu une enfance très heureuse, marquée par l’exemple que donnait mon père, exemple de don de soi dans son métier de chirurgien et de fidélité dans la pratique religieuse.
Mon père m’a transmis le sens de l’effort, le dégoût pour la mollesse et la paresse, la rigueur dans le travail bien fait, et la force pour combattre. Il a toujours fait preuve d’un grand courage pour défendre la vie et la foi, à travers de multiples engagements, que ce soit pour toutes les questions bioéthiques, avec son expertise de chirurgien, ou que ce soit pour défendre l’école libre.
Ma mère m’a transmis sa douceur et sa joie de vivre, son sens du beau et son bon sens, sa piété fidèle et sa finesse dans les relations. Elle aussi, a toujours fait preuve d’un immense courage pour soutenir mon père à la fin de sa vie, et pour affronter ensuite sa nouvelle vie de veuve, si jeune, avec ses enfants à charge. Elle n’a jamais baissé les bras, animée d’une foi indéfectible. Aujourd’hui encore, elle affronte ma maladie en m’apportant son caractère optimiste et joyeux pour avancer.
Je rends grâce au Seigneur pour m’avoir appelé au sacerdoce, moi, son indigne serviteur. Lorsque j’ai ressenti cet appel au fond de mon cœur, il m’a rempli d’une joie indicible, et simultanément d’une crainte pleine de respect pour le Seigneur : pourquoi moi, qui me sens si indigne et si incapable d’assumer une telle charge et une si grande mission ? Mon chemin vers le sacerdoce, au séminaire, fut à la fois joyeux et douloureux. Joyeux, par les grâces reçues, lesquelles m’ont toujours conforté dans ma vocation, et par tout ce que j’ai reçu à travers la formation ; douloureux, aussi, par des épreuves et souffrances venant de l’Église.
Je n’ai jamais trahi les convictions qui m’animaient, malgré les persécutions inévitables. J’ai toujours résisté, combattu et lutté quand je sentais que les mensonges, la médiocrité, ou la perversité étaient à l’œuvre. Cela m’a valu des coups reçus et des brimades, mais je ne regrette pas ces combats menés avec conviction. Le plus dur est de souffrir par l’Église.
Le Pape saint Jean-Paul II fut le Pape de ma jeunesse. Je l’ai tellement aimé, dans l’exemple de force et de courage qu’il nous donnait. C’est lui qui m’a communiqué l’enthousiasme de la foi et l’ardeur apostolique. Avec lui, j’ai grandi dans l’amour de l’Église et la fidélité au Magistère. Le témoignage de sa vie donnée jusqu’au bout, dans la souffrance acceptée et offerte, dans la célébration de la Messe malgré les douleurs, m’a bouleversé. C’est toujours sur lui que je m’appuie aujourd’hui pour célébrer la messe. Quand les forces me manquent, quand je suis essoufflé, quand mon corps me fait mal, je lui parle et lui demande : « Très saint Père, donnez-moi votre force et votre courage pour célébrer les saints mystères, comme vous l’avez fait jusqu’au bout dans un don total ». Il fut pour moi le témoin de la joie de la foi et de l’attachement au Christ. Il fut pour moi l’exemple d’un bloc de prière au milieu des tribulations de ce monde. Il fut confronté aux forces du mal, affrontant avec courage ces deux totalitarismes du vingtième siècle qui ont fait des millions de morts. Il a résisté, il a combattu, il a fait tomber le mur de Berlin qui écrasait l’humanité. Saint Jean-Paul II est pour moi un géant de la foi, un saint exceptionnel qui continue de me porter. Je n’oublierai jamais ces moments où j’ai eu la joie de le rencontrer. C’est pourquoi j’ai participé, malgré tous les obstacles, à ses funérailles, à sa béatification puis à sa canonisation.
Le Pape Benoît XVI fut le Pape de mon sacerdoce. J’ai été ordonné le 25 juin 2005, deux mois après son élection. Il m’a porté d’une manière extraordinaire dans les débuts de ma vie de prêtre par la profondeur de ses homélies, par ses analyses pertinentes et prophétiques de notre monde, par ses réflexions lumineuses. L’exemple de son humilité et de sa douceur m’ont beaucoup touché. Il fut un vrai serviteur de Dieu, soucieux d’affermir la foi des fidèles pour le salut des âmes. Il a cherché sans cesse à ouvrir aux hommes l’accès à Dieu. Ce fut un homme de prière, enraciné dans la contemplation du Dieu vivant. Pendant près de dix ans, après sa renonciation, il vécut retiré du monde, mais le portant dans sa prière. Depuis son décès, je l’invoque pour notre Église, en proie à une grave crise. Il est pour moi l’exemple d’une vie donnée au service de la vérité, déployant toute sa grande intelligence pour mettre en lumière, de façon limpide, les plus hautes vérités de la foi. Je me plonge toujours dans ses écrits, ses livres, ses homélies, ses discours avec la joie profonde de celui qui apprend et commence à mieux comprendre. La défense et la transmission de la foi, dans la fidélité à la Tradition, furent son combat de chaque jour. Je puis témoigner du fait qu’il m’a affermi dans la foi. Je demeure toujours bouleversé par son cœur de bon Pasteur, en particulier lorsqu’il écrivit une lettre aux évêques du monde entier, suite aux attaques suscitées par son geste de communion en levant l’excommunication qui pesait sur les quatre évêques de la fraternité saint Pie X. Cette lettre est magnifique, c’est son cœur qui parle.
Pas une seule fois il n’évoque le pape François, ce qui en dit long !
Rip cher abbé
Amen. Très belle figure de prêtre. Priez pour nous, M. l’abbé.
Comme je l’ai toujours connu: fidèle à la foi et à la morale de toujours, à la suite des beaux exemples reçus en famille, modèle admirable de vie Sacerdotale à la lumière de l’herméneutique de la continuité, sûr de la fidélité / vérité (mot identique en hébreu) de DIeu Qui ne peut ni se tromper ni nous tromper. Merci, cher Ami, priez pour nous, restez nous présent.
Effectivement, pas un mot sur l’actuel occupant du trône de Pierre et un bon coup de griffe aux évêques.
Cela en dit d’autant plus qu’il a écrit ce texte en pensant au jugement qu’il savait proche.