En avril dernier, le journal québecois Le Devoir consacrait une enquête à l’extinction de plus en plus évidente des congrégations religieuses dans la Belle Province en particulier et au Canada en général – l’âge avancé des religieux et religieuses permettant désormais de prévoir, à vue humaine, la quasi-disparition des instituts de vie consacrée dans le pays d’ici une génération.
“Ce déclin est occidental, vertigineux et inéluctable. À leur zénith, dans les années 1960, les congrégations du Québec comptaient près de 50 000 membres. Six décennies plus tard, elles rassemblent moins de 8000 personnes, dont la moitié sont âgées de plus de 85 ans.
Poussée par la vieillesse, l’érosion des congrégations s’accélère, selon les données de la Conférence religieuse canadienne (CRC). Entre 2015 et 2020, la CRC recensait 3578 décès au sein des congrégations du pays, soit la perte de 30 % de leur effectif en seulement cinq ans. Pendant ce temps, 195 personnes faisaient leur entrée en religion. Dix-huit décès, donc, pour chaque nouvelle arrivée.
« Je ne crois pas que ce soit possible de renverser ce déclin, pense Jean-Michel Bigou, adjoint à la direction des communications pour la CRC. La société a beaucoup évolué. Ses valeurs aussi. »
La laïcisation galopante soulevée par la Révolution tranquille a provoqué l’effondrement de l’attachement religieux au Québec dans les années 1960. Les sévices sexuels commis à répétition au sein de l’Église, mis en lumière depuis 30 ans, l’ont achevé, selon M. Bigou.
« Ça n’a certainement pas aidé à enrayer la chute des congrégations. C’est comme si c’était venu enfoncer le clou sur ce mode de vie et sur la perception que nous pouvions avoir sur la religion et la vie consacrée. »
Après des années de silence et d’impunité, le passé rattrape les ordres qui ont couvé ces sévices, presque toujours perpétrés contre des enfants. Frères du Sacré-Cœur, Clercs de Saint-Viateur, Sœurs de la charité et Oblats de Marie-Immaculée [sans oublier les eudistes et d’autres] : les actions judiciaires et les condamnations s’additionnent, dévoilant chaque fois un peu plus les crimes qui ont taché la vertu catholique.
La déchéance morale de l’Église occulte aujourd’hui la contribution des congrégations au développement des régions et des villes du Québec. Bien avant qu’une kyrielle d’infamies fasse les [Unes], les sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours rendaient possible la colonisation de Saint-Damien-de-Buckland en accueillant les indigents, en éduquant les démunis et en soignant les malades.
« Le quotidien des sœurs dévoile des femmes de tous les métiers et de tous les talents, écrivait la Société historique de Bellechasse en 2017 dans sa revue Au fil du temps. Elles sont infirmières, dentistes, phytothérapeutes, optométristes, podiatres, comptables, secrétaires, boulangères, cuisinières, couturières », etc. L’énumération se poursuit jusqu’à la radiologie, que les sœurs de NDPS pratiquaient encore en 1999.
« La fondation de la congrégation, ç’a vraiment apporté un élan social, financier et économique à la région, raconte sœur Fillion. Au décès du fondateur de la paroisse, en 1920, les gens parlaient même du miracle de Saint-Damien.”
Et dire que le Concile Vatican II était censé être le “printemps de l’Eglise“…