Dans la dernière lettre Les Amis du Monastère (22 novembre 2022, n°184), Dom Louis-Marie évoque la fin des temps et l’espérance que le Bien triomphera.
En célébrant la fin des temps, l’Église dévoile une partie de son mystère. Oui, c’est une belle part de son âme et de sa destinée qu’elle nous révèle, puisque la fin des temps annonce la participation du peuple de Dieu à la passion de son Seigneur. Lui-même l’a assuré en affirmant qu’il y aurait des signes : dans le soleil, la lune et les étoiles, mais aussi sur la terre, avec des guerres comme on n’en a jamais vu, et des maladies par vagues. Et nous le constatons : la fin des temps a déjà commencé.
Au vie siècle, saint Grégoire le Grand observait certains de ces signes sur la terre, comme la guerre et la peste ; mais aussi dans le ciel, comme les changements de climat. Eh oui, avant l’invention de l’énergie fossile, la météorologie donnait déjà des inquiétudes aux hommes. Or, saint Grégoire le Grand, en avertissant les fidèles du commencement de la fin des temps, ne voulait nullement les terroriser, comme certains dirigeants pourraient être tentés de le faire. Il énonçait seulement une vérité de foi et en tirait une leçon de courage : la grande vérité de l’épreuve ne doit jamais nous abattre ; au contraire, elle doit nous aider à relever nos cœurs vers le courage et l’espérance.
Prenons exemple sur la fourmi. Celle de La Fontaine, et encore plus celle de saint Augustin. Dans son commentaire sur le psaume 66, que nous chantons tous les matins à Laudes, le saint évêque exhorte les chrétiens à se préparer activement en vue des épreuves qui frappent indistinctement les bons et les méchants :
« Voyez la fourmi de Dieu : chaque jour, à son lever, elle court à l’église de Dieu, elle prie, elle entend des lectures, chante des hymnes, réfléchit à ce qu’elle a entendu, rentre en elle-même et fait une secrète provision des grains qu’elle amasse dans l’aire. Voilà ce que font ceux qui ont la sagesse d’écouter ce que nous disons ici ; chacun les voit venir à l’église, sortir de l’église, écouter le sermon, écouter la lecture, chercher un livre, l’ouvrir, le lire : tout cela se fait visiblement. C’est la fourmi qui voyage, qui porte, qui fait des provisions, sous les yeux de ceux qui la regardent. Un jour viendra l’hiver, et pour qui ne vient-il pas ? Arrive un accident, la pauvreté. Les autres plaignent cet homme dans son malheur, et ne connaissent point les provisions de cette fourmi. »
Récemment, j’ai reçu un message de Mgr Téodor Martynyuk, moine studite qui me décrivait la situation catastrophique de son pays. Nous le connaissons bien, car il était venu passer une année chez nous, et en 2006, il nous avait invités à visiter son pays et les Frères de son ordre. Lors de ce voyage, nous avions pu constater les stigmates du communisme : des monastères d’abord transformés en prisons puis en asiles d’aliénés, des zones remplies de carcasses de véhicules, des routes parsemées de nids de poules. Ce peuple qui a connu tant de guerres, tant de famines terribles, surtout celle du Holodomor en 1932, tant d’occupations étrangères, et de si nombreuses persécutions contre les chrétiens (en particulier contre les catholiques), nous avait montré un visage d’espérance : des églises magnifiquement reconstruites, des chapelles en bois de style byzantin cachées dans des paysages enchantés, et surtout, un peuple de fidèles édifiant par sa foi et sa dévotion. Aujourd’hui, le peuple ukrainien souffre à nouveau. Des villes et des villages sont totalement détruits. Malgré cela, ce peuple continue d’espérer.
Mgr Téodor m’écrivait : « Les gens prient beaucoup. Notre sanctuaire de Zarvanytsia accueillait des centaines de milliers de pèlerins pendant l’été. Malgré les difficultés des gens, il n’y a pas de sentiment de dépression ou de déception. Nous nous aidons les uns les autres. » Il terminait son message par un chant à la toute-puissance divine : « Nous croyons que la puissance de Dieu est plus forte que toute autorité terrestre. Nous croyons à la victoire du bien. Veuillez transmettre notre gratitude à tous vos Frères pour leurs prières. Continuez à prier pour nous. Que Dieu vous bénisse ! »
Cette espérance est celle d’une fourmi dans la vaste jungle des ambitions, une fourmi qui a su travailler à temps.
† F. Louis-Marie, o.s.b., abbé
Signalons que l’abbaye propose des retraites et récollections pour messieurs prêchées à l’abbaye en 2023 :
- récollection du vendredi 24 (soir) au dimanche 26 mars
- récollection du vendredi 19 (soir) au dimanche 21 mai
- retraite du 6 au 12 novembre