Voici le message final que les capitulants du Chapitre général ont voté. La deuxième session du Chapitre général des Frères de Saint-Jean s’est tenue du 11 au 24 octobre 2022 au prieuré Notre-Dame de Cana, à Troussures :
Introduction
Au début de cette session, ayant médité ensemble un passage de la Première épître aux Corinthiens (1 Co 3, 9-17), les membres du Chapitre ont réfléchi sur l’état actuel de notre Congrégation. Ils ont souligné sa situation paradoxale : les conséquences de la crise que nous traversons sont immédiatement perceptibles, notamment les départs de certains frères, et en même temps nous constatons toujours une réelle vitalité apostolique et fraternelle, ainsi que déjà des fruits des réformes engagées.
Tout au long du Chapitre général, nous avons bénéficié d’une grande liberté dans les échanges, alors que nous portions des regards divers, lucides et sans concession sur notre histoire comme sur les abus. Le Chapitre a pu mesurer l’ampleur du travail de renouvellement déjà réalisé. Nous avons reçu les encouragements de l’Eglise par l’intermédiaire de Mgr Eric de Moulins-Beaufort puis de Mgr Benoît Rivière, ainsi que des différents experts qui ont soutenu nos travaux et nos échanges.
Certains thèmes traités lors de cette deuxième session, comme la décentralisation du gouvernement et la nouvelle organisation de la formation, avaient déjà été abordés durant la première session. La période d’intercession a permis aux commissions de rassembler des informations supplémentaires. Bénéficiant de ces travaux, les membres du Chapitre ont pu mûrir leur réflexion et aboutir à des décisions. D’autres thèmes en chantier dans la Congrégation ont aussi été discutés.
I.Passé, présent et avenir
A. Commission interdisciplinaire
Le Chapitre général de 2019 avait pris acte que les racines historiques des abus commis dans la Congrégation remontaient bien avant notre fondation. Il avait donc mandaté une commission pour chercher des raisons des abus dans la Famille Saint-Jean, en lien avec l’histoire personnelle du p. M.-D. Philippe. Ce groupe a impliqué des frères et des experts extérieurs à la Congrégation pour mener un travail historique, théologique, psychologique et systémique. Son travail a permis de mieux comprendre ce qui a pu se passer et contribuer ainsi à la réforme en cours. Les conclusions de la commission seront prochainement rendues publiques. En voici déjà quelques points saillants :
– Volet historique : la commission confirme qu’il y a un lien entre l’histoire du père M.-D. Philippe, son enseignement, ses actes graves et les abus commis par des frères. Les nombreux témoignages montrent que, par ses multiples rôles d’enseignant, de directeur spirituel, de confesseur puis de fondateur et de Prieur général, le père M.-D. Philippe porte une responsabilité centrale dans le développement d’une culture d’abus.
– Volet théologique : la commission a mis en lumière, d’une part, les justifications des abus et, d’autre part, comment celles-ci ont pu trouver des appuis dans certains aspects de l’enseignement du p. M.-D. Philippe. Sa doctrine comporte en effet des manques, des déséquilibres et parfois même des perspectives faussées. Elle a contribué à obscurcir les consciences. Dans les situations d’emprise spirituelle, le recours à cet enseignement a permis aux auteurs d’abus de mettre leurs victimes dans la confusion et de les inciter à abdiquer leur propre réflexion. Celles-ci finissaient par accepter des actes que leur conscience leur aurait normalement fait refuser. Un nœud de ce système doctrinal toxique est une conception faussée de l’action de l’Esprit-Saint. La confiance en ceux et celles qui se présentaient comme des instruments de l’Esprit suscitait parfois l’abandon de la raison et de la prudence. Ainsi pouvaient être acceptés de soi-disant actes de charité ou d’amitié qui, en fait, étaient des actes intrinsèquement mauvais.
– Volet psychologique et systémique : développant la manière dont les abus ont contaminé notre structure communautaire, le Dr Dominique Struyf, pédopsychiatre et thérapeute systémicienne, a montré que des éléments délétères (croyances idéales sans lien avec la pratique concrète, absence de système de sanctions, etc.) se sont malheureusement mêlés aux forces de vie, dans l’histoire de notre Congrégation. Aujourd’hui, le renouveau passe par la poursuite du travail, déjà largement réalisé, d’identification et de purification de ces éléments toxiques. Pour le mener à bien, la Congrégation doit s’appuyer sur ses forces de vie et sa créativité authentiques. Le dynamisme même de ce processus qui nous mobilise pour faire la vérité sur notre passé peut témoigner de cette force de vie. L’espérance pour l’avenir s’enracine dans ce dynamisme.
B. Commission pardon
Les membres du Chapitre, durant la première session, avaient commencé à étudier les conditions d’une démarche sincère de pardon à l’égard des personnes victimes d’abus commis par des frères. Cette réflexion a été approfondie au cours de la deuxième session. Les frères se sont interrogés : comment faire en sorte que les membres de la Congrégation puissent être vrais dans cette démarche ? Il est apparu que la Congrégation doit continuer d’approfondir sa conscience de la gravité des abus commis :
– Il ne faut jamais oublier qu’un abus commis par un frère sur une victime, parce qu’il a été une effraction dans son intimité, laisse en elle une marque profonde. Pour chaque victime, il y a un avant et un après.
– Dans ce processus de réflexion, il nous est aussi devenu évident qu’il fallait regarder en face ce qui a été vécu entre les frères dans le passé. Chacun a été invité à se demander comment il avait lui-même souffert du contexte conduisant aux abus, et comment il avait pu éventuellement en devenir le relai. De nombreuses blessures avaient été faites entre les frères eux-mêmes, sous la forme d’abus (qu’ils soient spirituels ou sexuels, abus d’autorité ou encore manque de respect pour les différences culturelles). Les membres du Chapitre choisirent de commencer entre eux un travail de vérité, chacun pouvant exprimer des souffrances subies et des demandes de pardon. Cette expérience fut un passage de Dieu dans l’assemblée. Elle marqua un tel tournant que les frères du Chapitre souhaitent que ce partage fraternel puisse se poursuivre dans l’ensemble de la Congrégation.
La Congrégation veut persévérer dans une démarche de pénitence et de demande de pardon. C’est pourquoi le Chapitre a voté la poursuite du travail de la commission pardon.
C. Commission doctrinale
Mandatée par le Chapitre de 2019, la commission doctrinale a eu comme objectifs de discerner dans les œuvres du p. M.-D. Philippe ce qui ne convient pas à la formation morale et spirituelle, ce qui est dangereux car ambigu ou erroné, et ce qui peut conduire à légitimer intellectuellement des comportements déviants. Composée de deux théologiens, l’un dominicain, l’autre de l’Institut Notre-Dame de Vie, ainsi que de frères et sœurs, elle a mené un travail de relecture critique. Elle a présenté aux membres du Chapitre les résultats de ses travaux sur Lettre à un ami (livre d’introduction à la philosophie). La commission conclut que ce livre, qui présente un bon cheminement vers la philosophie première et la sagesse, ne peut servir d’outil de référence pour la formation initiale en éthique. Elle souligne, en particulier, que le langage ambigu peut conduire à une confusion entre l’amour d’amitié et l’amour passionnel ou conjugal. Elle remarque que les explications sur le discernement éthique sont très insuffisantes. Les résultats complets de l’étude seront prochainement remis aux Prieurs généraux de la Famille Saint-Jean, puis mis à la disposition des frères et sœurs.
Par un vote, le Chapitre a prolongé, sauf disposition contraire d’un prochain Chapitre général, la décision de ne pas mettre les livres du p. M.-D. Philippe en vente dans nos prieurés.
D. Présent et avenir
Le Chapitre a voulu prendre plusieurs temps où chaque frère était invité à s’exprimer personnellement sur le passé riche et douloureux et l’état actuel de la Congrégation, comme sur les défis qui sont encore devant nous. Ces partages ont été des moments-clés du Chapitre. Ils ont suscité une espérance. Les membres du Chapitre souhaitent que l’ensemble des frères de la Congrégation puissent vivre une démarche analogue.
Des recommandations sont sorties de cette réflexion, par exemple : la mise en place d’une cellule d’écoute des frères qui le souhaitent ; l’étude en prieuré de la Ratio formationis et du rapport de la commission interdisciplinaire ; le travail en province sur les thèmes des vocations, du soin à prendre des frères et de soi-même, et de la mise en œuvre des talents de chacun ; la rédaction, par un historien professionnel, de l’histoire de la Congrégation.
E. Rencontre avec Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des Évêques de France :
Mgr Eric de Moulins-Beaufort nous a partagé une lecture des défis auxquels l’Eglise, plus particulièrement en Occident, doit faire face, pour s’ajuster aux changements d’orientation de la société post-moderne. Les membres du Chapitre ont apprécié ce parcours qui abordait différents thèmes en lien avec notre vie apostolique. Mgr de Moulins-Beaufort a évoqué le regard des évêques de France sur notre Congrégation et sa trajectoire : part d’effroi pour ce qui a été découvert, et part d’admiration pour le travail entrepris. Le Chapitre exprime sa reconnaissance pour cette visite encourageante.
II. Formation
A. Unité et diversité de la formation
Rechercher l’unité de la formation ainsi que la diversification des lieux de formation réclame de tenir ensemble des exigences qui sont en tension. Comment honorer à la fois le besoin des frères de faire leur formation initiale dans une langue et une culture proche de la leur, et le souci de créer des communautés formatrices qui bénéficient de formateurs qualifiés, offrent une expérience d’interculturalité et soient une expression vivante de notre charisme ?
Pour répondre à cette question, les membres du Chapitre se sont accordés sur une liste d’options fondamentales qui doivent éclairer toute décision concernant l’organisation de la formation initiale :
– L’attention première doit porter sur le bien de chaque frère en formation, ce qui inclut la prise en compte de la culture d’origine de chacun et de la langue d’enseignement.
– L’unité d’esprit liée à notre charisme doit irriguer tous les centres de formation, notamment en s’appuyant sur la Ratio formationis et la Ratio studiorum.
– Il est nécessaire de prioriser et d’étaler dans le temps la fondation de centres de formation.
– L’existence d’un Studium interne représente un bien important, au service de la Congrégation pour son rayonnement comme « école vivante de philosophie et de théologie ».
Ayant défini ces options, le Chapitre a pris les orientations suivantes :
– Il a accueilli la demande de fondation à Rome d’un collège général de théologie anglophone, comme une réponse aux besoins spécifiques des frères d’Asie et d’Europe. Pour cela, il a voté la préparation de cette fondation, demandant au Prieur général de la mettre en œuvre, si les conditions sont réunies.
– Il a accueilli les motions de la pro-province des Amériques proposant de lancer la fondation de prieurés de formation aux Etats-Unis et au Mexique. Leur objectif est de permettre que les vocations américaines et mexicaines fassent l’intégralité de leur formation initiale dans leurs pays respectifs. Le Chapitre n’a pas directement statué, estimant que, conformément au Statut dérogatoire des provinces (art. 24), il revient désormais aux provinces, avec le consentement du Prieur général, d’ériger des prieurés de formation.
B. Ratio Studiorum
Le Chapitre a pris connaissance des travaux pour la Ratio Studiorum, qui énonce le but, les moyens et l’organisation des études dans notre Congrégation. Il a mis en lumière un certain nombre de points de la formation intellectuelle qui nous font vivre et que nous voulons transmettre à nos frères, quel que soit leur lieu de formation.
Des discussions sur la formation intellectuelle, les membres du Chapitre ont aussi dégagé les conditions et critères selon lesquels la formation des frères pourrait être réalisée en coopération avec d’autres instituts de philosophie et de théologie.
C. Ratio formationis
Les membres du Chapitre général ont poursuivi leur relecture des travaux de la commission chargée de la rédaction de notre Ratio formationis, qui détaille les éléments de la formation intégrale et permanente. Ils ont porté une attention spéciale au rôle joué par le charisme dans la formation intégrale. Ils ont salué les nombreuses avancées du texte qui a gagné en pertinence, clarté et concision depuis la version initiale. Le Chapitre a émis un vote de confiance pour l’achèvement de la rédaction. La version finale de cette Ratio est attendue pour la fin décembre 2022 et sera alors promulguée par le Prieur général.
La promulgation de cette Ratio formationis abrogera de facto l’ancienne Charte de formation (1994), en tant qu’ancienne Ratio formationis. Le statut de la Charte devra encore être discuté lors d’un prochain Chapitre.
Le Chapitre a également réfléchi sur le projet d’un « temps de consolidation » pour les frères, 10 à 15 ans après la fin de leur formation initiale. Il a autorisé le Prieur général à commencer l’expérimentation de ce temps, dès que les conditions de la Congrégation le permettront. Les frères pourront prendre une pause dans leur vie apostolique, selon un parcours de 3 à 6 mois. Durant ce temps, ils seront invités à faire une relecture de leurs premières années d’assignation à la lumière de l’Evangile et de notre vocation propre, afin d’enraciner leurs acquis et de trouver un nouvel élan dans la vie et la mission.
Le Chapitre a demandé au Prieur général d’établir une commission afin de préciser le parcours de formation propre aux frères non-clercs et aux frères diacres.
D. Structures de formation
Conformément aux nouvelles orientations sur la formation, le Chapitre a établi le « Responsable général de la Formation » (RGF) en remplacement du « Maître des études ». Ce frère, élu par le Chapitre général, aura pour tâche de promouvoir la formation intégrale (humaine, spirituelle, intellectuelle, apostolique et religieuse) comme dimension constitutive de notre vie consacrée et de notre charisme. C’est pourquoi, étant donné l’importance de sa fonction, il est membre du Conseil du Prieur général.
Le Chapitre a approuvé que le rôle des formateurs et des professeurs dans les maisons de formation soit distingué dans notre droit, pour tenir compte de la contribution spécifique de chacun.
III. Gouvernement
A. Commission Décentralisation
Le Chapitre général de 2019 avait accueilli le désir des frères de décentraliser nos structures de gouvernance pour favoriser plus de participation dans les décisions. A cette fin, des « pro-provinces » avaient été créées à titre d’expérimentation. La première session du Chapitre 2022 a adopté un Statut dérogatoire précisant le fonctionnement des provinces qui pourraient être érigées. Depuis le 22 octobre 2022, le Statut est entré en vigueur.
Des analyses préparées par les régions ont présenté l’état actuel en termes de ressources humaines (pour assumer les charges de gouvernance, les missions et les moyens de formation), en termes de nombre des vocations et d’autonomie financière. Ainsi, les enjeux, les forces de vie et les souhaits de chaque région ont pu être mieux appréhendés.
Pour la France, le Chapitre général a pesé les avantages et les inconvénients d’une répartition en une ou deux régions. Les membres du Chapitre ont décidé de rassembler les trois vicariats français en une seule région, pour faire droit à l’unité de culture et d’histoire, faciliter les assignations, organiser les structures de formation, la pastorale des vocations, la gestion de l’économat et enfin porter ensemble les défis de la mission.
Conformément à la demande des deux Chapitres régionaux d’Europe, le Chapitre général a décidé la fusion des deux régions, Europe-Nord et Europe-Sud.
Au terme, le Chapitre a érigé les provinces d’Afrique, des Amériques, d’Europe et de France. Selon le souhait des frères d’Asie-Océanie, le Chapitre a demandé au Prieur général d’ériger ce vicariat en « vice-province », afin de veiller à ce qu’ils aient les moyens nécessaires à la mission et un nombre suffisant de formateurs pour les vocations. Jusqu’aux Chapitres provinciaux, le Prieur général a nommé des administrateurs pour les provinces et vice-province : frère Jean-Philippe Diouf pour la province d’Afrique, frère John-Michael-Paul Bartz pour la province des Amériques, frère Ignaz-Maria Ringhofer pour la province d’Europe, frère Geoffroy-Marie de Beaurepaire pour la province de France et frère Justin Lee pour la vice-province d’Asie-Océanie.
B. Fondations : Prieurés d’Eyang et de Lyon
La pro-province d’Afrique a présenté l’Institut Universitaire Saint-Jean, qui regroupe au Cameroun quatre Instituts d’Enseignement Supérieur fondés à l’initiative de la Congrégation. Le nombre d’étudiants est déjà élevé et en rapide croissance. Cela réclame la présence constante de frères pour mieux desservir le rectorat et l’aumônerie. Le Chapitre a donc voté la fondation d’un prieuré sur le campus d’Eyang, dans le diocèse d’Obala.
En septembre 2022, en accord avec l’archevêque, Mgr Olivier de Germay, une maison apostolique a été implantée à Lyon pour héberger des frères qui poursuivent leurs études ou enseignent à l’Université Catholique de Lyon (UCLy). En outre, cela permet à notre insertion apostolique dans ce diocèse de perdurer, malgré notre départ de Saint-Jodard. Les frères du Chapitre ont validé la fondation de ce prieuré et ont décidé son rattachement à la province de France.
Vie des frères
A. Liturgie
La commission « Chant Liturgique » nous a fait part de son travail depuis trois ans. Cela a commencé par un audit des frères, suivi d’une enquête historique sur les origines des orientations de notre liturgie, de l’intervention d’experts de la liturgie et enfin d’une consultation du Dicastère romain pour le Culte divin. Il en ressort que, contrairement à ce que nous pensions, les choix opérés par la Congrégation (structure de l’office, répartition et traduction des psaumes et calendrier liturgique) n’avaient pas été validés par l’autorité ecclésiastique ; celle-ci nous demande aujourd’hui de nous conformer au droit de l’Eglise. Le rapport convergent des experts a mis en évidence que notre manière d’adapter les mélodies aux textes ne respecte pas suffisamment la langue française, que nos textes des psaumes et cantiques mêlent différentes traductions, et qu’ont été minimisés, dans notre Office liturgique, les hymnes, répons et prières d’intercession. Enfin l’audit des frères a manifesté qu’ils sont attachés à une sobriété conduisant à la contemplation, mais que notre manière souvent terne de chanter l’Office et sa difficulté ne favorisaient pas la participation des laïcs.
Désireux de sortir de l’impasse qu’a été l’affirmation de notre identité dans le chant par des spécificités qui nous distinguent de tous, faisant suite aux recommandations de la commission, les membres du Chapitre ont voté ces réformes :
– La Congrégation adopte la structure des Offices de la Liturgie des Heures avec sa répartition des psaumes en quatre semaines.
– Elle choisit pour les psaumes les seules traductions autorisées par les Conférences des évêques.
– Tout en reconnaissant l’engagement de Magdalith et la qualité de son travail musical, l’engagement de nos frères qui l’ont secondée, le Chapitre valide l’abandon de l’usage exclusif de ses compositions au bénéfice de mélodies plus faciles à chanter et plus répandues.
Pour accompagner ce processus, une commission de réforme de la liturgie sera nommée. Elle se mettra au service de chaque province et zone linguistique pour la mise en œuvre progressive de ces réformes, le discernement des traductions, le choix des hymnes et des mélodies. Ce processus s’étendra jusqu’au Chapitre de 2025, afin d’avoir le temps d’harmoniser le travail entre nous et avec nos sœurs, si elles le souhaitent.
Les membres du Chapitre général ont aussi voté la mise en conformité de notre calendrier liturgique avec l’Instruction Calendaria particularia (1970). Celle-ci exige de réduire le nombre des solennités, des fêtes de patrons secondaires et des mémoires, propres à notre Congrégation. Sur la question spécifique des patrons secondaires de la Congrégation, les frères du Chapitre ont décidé pour le moment de les célébrer selon leur rang dans le Calendrier universel de l’Eglise. La réflexion sur le choix d’un unique patron secondaire doit être poursuivie jusqu’au prochain Chapitre général.
Le Chapitre a demandé au Prieur général de mandater le Liturgiste de Congrégation pour constituer un recueil de prières à la Vierge Marie et à saint Jean dans un délai raisonnable.
B. Bilan économique et perspectives
La période du Covid, durant laquelle les activités apostoliques avaient été considérablement réduites, pouvait laisser penser que la situation financière de la Congrégation se dégraderait. Pourtant, grâce à l’effort de tous pour réduire les dépenses et à la générosité de nos bienfaiteurs, cette situation est restée positive. Frère Gaétan, notre économe général sortant, a toutefois indiqué que de nouveaux facteurs – crise énergétique, inflation, guerre en Ukraine – menacent de fragiliser nos finances. Pour cette raison, il réitère sa demande d’être vigilants sur notre manière de gérer les dépenses communautaires.
C. Commission Santé, Vieillesse et Dépendance
Il nous faut anticiper les questions que pose le vieillissement. La meilleure préparation se trouve dans la prévention, le fait de maintenir un niveau d’activité physique suffisant et une bonne hygiène de vie. La Congrégation envisage l’organisation de l’accompagnement des frères âgés en plusieurs étapes, allant de la « petite dépendance » (chambre aménagée en prieuré apostolique) jusqu’à la « grande dépendance » (maison de retraite médicalisée). La commission continue son travail selon un plan opérationnel que le Chapitre a validé. Les provinces sont encouragées à prendre en compte les questions de santé et à prévoir la retraite de leurs frères.
D. Droit propre
– Le Chapitre a décidé la limitation du droit d’élire (voix active) et d’être élu (voix passive) pour les frères faisant l’objet d’une procédure ou d’une condamnation civile ou ecclésiastique, ainsi que pour les frères dispensés de résidence. Dans ce domaine, les Supérieurs majeurs – Prieur général et provinciaux – peuvent adapter la mesure.
– Une commission avait été créée pour étudier ce qui, dans notre droit, pouvait être en contradiction avec les indications du Chapitre général de 2019. A cette occasion, la commission s’est rendu compte qu’un travail plus large de refonte du droit devait être mené. Sur proposition de la commission, le Chapitre a voté la mise en place d’un comité chargé de conduire le futur travail de réforme du droit propre. Ce vaste chantier s’étendra sur plusieurs années et associera tous les frères autant que possible.
Famille Saint-Jean
A. Rencontre avec nos Sœurs contemplatives
Le Chapitre général a reçu la visite de sœur Marie-François, Prieure générale des sœurs contemplatives, et de sœur Annick, responsable des études. Avec simplicité et humilité, elles nous ont fait part de l’espérance nouvelle qui était la leur. Au sein même de leur grande fragilité, leur Chapitre général a été pour elles un tournant au goût de résurrection. Sœur Marie-François a surpris les membres du Chapitre en adressant une demande de pardon (concernant notamment A. Parmentier – sœur Alix – pour le rôle qu’elle a joué dans certains abus en tant que sœur de Saint-Jean et Prieure générale) et des remerciements à leurs frères pour tout le bien qu’elles ont reçu d’eux. En accueillant ces paroles, nous ne pouvons oublier notre dette à l’égard de nos sœurs en raison des abus commis par des frères. Frère François-Xavier, en notre nom, a remercié et répondu en exprimant notre demande de pardon à leur égard pour les abus spirituels ou sexuels.
B. Oblats
Constituée en novembre 2020, la commission des oblats séculiers de la Famille Saint-Jean a fait part de ses travaux. Elle a pour objectif de « redonner une vitalité aux oblats, en leur permettant de revisiter leur vocation, leur charisme et leur organisation ». Les oblats recensés sont au nombre de 750 dont la moitié en France.
Un grand nombre d’oblats a répondu au questionnaire envoyé par la commission. Celle-ci en a dégagé des propositions :
– Les oblats s’organiseraient de façon autonome,
– Ils auraient leur propre gouvernance et formation,
– Ils se constitueraient en « fraternités » pour leur partage fraternel et l’engagement dans la mission.
– Une « Charte des oblats séculiers de la Famille Saint-Jean » serait rédigée, en remplacement de leurs règle de vie et directoire.
Les membres du Chapitre général se réjouissent de voir ainsi nombre de leurs frères et sœurs oblats participer activement au renouveau de toute la Famille Saint-Jean.
C. Famille Saint-Jean
En 2017, le Dicastère romain pour la vie religieuse (CIVCSVA) a proposé que la Famille Saint-Jean, formée des Congrégations des frères et sœurs, constitue une « Fédération ». Cette proposition est à l’origine d’une nouvelle réflexion sur la coordination à établir entre nos instituts. Le Conseil de famille, rassemblant les autorités des frères et des sœurs, s’est doté d’un règlement précisant par exemple comment la présidence est assumée à tour de rôle par chaque Congrégation.
Le Chapitre général a exprimé son adhésion aux propositions prises par le Conseil de la Famille Saint-Jean :
– Le cheminement de la Famille Saint-Jean vers sa reconnaissance comme « Fédération ».
– La poursuite du travail sur la culture communautaire et les relations entre les frères et les sœurs.
Le Chapitre a répondu favorablement à la demande du Conseil de la Famille Saint-Jean de créer une commission de frères et de sœurs pour proposer un texte exprimant notre charisme commun aux Chapitres généraux de 2024-2025.
Durant notre Chapitre, est ressorti le désir que l’appartenance des oblats dans la Famille Saint-Jean soit mieux prise en compte et clarifiée par rapport au charisme commun et à la future « Fédération ». La réflexion est soumise au Conseil de Famille.
D. Rencontre avec Mgr Benoît Rivière, Evêque d’Autun, Chalon, Mâcon et Ordinaire des Frères de Saint-Jean
Mgr Benoît Rivière nous a exhortés à vivre notre épreuve dans celle de l’Eglise, à partager l’espérance contenue dans le kérygme. Citant Paul Ricœur, il nous a rappelé qu’en Christ mort et ressuscité, la description du péché n’est que l’envers d’une parole de délivrance et d’espérance. Rappelant l’histoire récente de notre Congrégation, il a dit : « C’est comme si discrètement le Seigneur nous montrait qu’il faut beaucoup d’appauvrissement, d’épreuves et de larmes, pour que maintenant commence à apparaître ce qui était contenu dès l’origine mais tellement déformé par le péché. Comme si un écran de fumée s’était complètement dissipé pour qu’apparaisse une belle communauté avec son vrai visage, ce que Dieu a voulu et qui n’appartient qu’à lui ». Il a aussi affirmé : « Vous avez le droit de marcher aujourd’hui dans l’Eglise tel que vous êtes, sans complexe, à votre place, comme communauté de religieux délibérément apostoliques ».
A propos des vocations, il ajoutait : « Si vous attendez que tout soit en ordre, que le ménage soit achevé et vos textes peaufinés, vous y serez encore jusqu’à la Parousie. […] Si certains hommes qui sont vrais veulent vous rejoindre et que vous discernez en eux une vraie maturité humaine, ne leur fermez pas la porte. Vous êtes envoyés pour servir le Christ et son Eglise et pas pour chercher des vocations. Celles-ci viennent par d’autres chemins que ce qu’on imagine. Si vous êtes des passionnés du Christ, l’Institut aura un avenir que Dieu connaît et qui ne nous appartient pas ».
Élections
Le Chapitre a élu frère Jean-Polycarpe Seys comme premier Responsable général de la formation (cf. II.D).
Avec la décentralisation, le Chapitre général devait élire des conseillers du Prieur général. Selon le Statut dérogatoire des provinces, ils aident le Prieur général dans le gouvernement de la Congrégation, mais n’ont plus d’autorité sur une région. Le Chapitre a accepté la demande du Prieur général que son Conseil compte cinq membres. Outre le Responsable général de la formation déjà élu, ont été élus frère Honorat Vallette d’Osia, frère Ignaz-Maria Ringhofer et frère Jovien-Andréa Seudjang Kouamo. Un cinquième membre va être nommé par le Prieur général.
Le Chapitre a achevé ses travaux en établissant un ordre de priorité entre les différents chantiers qui sont à mener dans les trois ans à venir. Au jugement des frères du Chapitre, la mise en place des provinces vient en premier.
Conclusion
Les membres du Chapitre général envoient un vif et chaleureux remerciement aux frères, sœurs, oblats et amis pour le soutien de leur prière, et spécialement aux frères, sœurs et laïcs de Troussures qui nous ont si bien accueillis. Ils sont reconnaissants pour le travail assidu d’Erwan de Gevigney et de frère Marie-Jérôme, secrétaires du Chapitre. La qualité du travail du Chapitre a aussi reposé sur le travail des commissions et les contributions des frères ayant répondu aux consultations préparatoires. Avec eux tous, nous rendons grâce au Seigneur de nous avoir donné la lumière et la force pour mener nos travaux à bien.
L’ensemble des textes et décisions adoptés durant ces deux semaines constitue une étape importante dans le parcours de réforme de notre Congrégation. Il est à la fois remis à nos Supérieurs et à l’ensemble des frères pour sa mise en œuvre. C’est ainsi que nous répondrons à l’appel du Seigneur sur nous pour le service de l’Eglise.
Le Chapitre a décidé les dates du prochain Chapitre général, qui aura lieu après les Chapitres provinciaux et le Chapitre vice-provincial d’Asie-Océanie :
– Première session : du 28 avril au 9 mai 2025
– Deuxième session : du 13 au 24 octobre 2025.
Le Chapitre a commencé une réflexion sur l’usage du français et de l’anglais dès le prochain Chapitre général.