L’association Una Voce tenait son Assemblée Générale le samedi 25 juin dernier. Elle a été précédée par une messe célébrée par l’abbé Grégoire Célier, FSSPX et Prieur de la Chapelle Notre-Dame de Consolation (Paris)
Dans son homélie,il a rappelé la mission d’Una Voce au service de l’Eglise, selon l’enseignement des papes.
Texte de l’homélie (Una Voce Facebook)
Chers amis,
La Providence a voulu que cette Assemblée générale se tienne le jour de la fête reportée de la Nativité de saint Jean-Baptiste. Ceci nous évoque spontanément l’hymne des Vêpres de cette fête qui, nous le savons, fut utilisé pour la dénomination des notes dans le système ingénieux (dixit Pie XI) inventé par Guy d’Arezzo pour transmettre les chants liturgiques : petit clin d’œil divin à votre intention, me semble-t-il.
Lorsqu’on consulte le volume « La liturgie » de la série « Les Enseignements pontificaux » publiée par l’abbaye de Solesmes, volume paru en 1961, on ne peut être qu’impressionné par le nombre et la qualité des documents concernant la musique liturgique, documents émanés du Siège Apostolique, en pratique des trois papes Pie du XXe siècle.
Cela commence, évidemment, par le document « fondateur » à l’époque moderne, à savoir le Motu proprio de Pie X « Tra le sollecitudini » du 22 novembre 1903, soit environ deux mois et demi après son élection, ce qui prouve l’intérêt qu’il y portait. Cela continue avec la constitution apostolique « Divini cultus» de Pie XI le 20 décembre 1928. Cela se poursuit avec l’encyclique capitale « Mediator Dei », de Pie XII, le 20 novembre 1947, encyclique qui comporte une partie sur le chant sacré. Le même pontife précise et appuie son propos par l’encyclique « Musicae sacrae disciplina » du 25 décembre 1955, et, un mois avant sa mort, paraît encore une instruction de la Congrégation des rites sur la musique sacrée, le 3 septembre 1958.
Réellement, durant la première moitié du XXe siècle, la musique sacrée a été une préoccupation majeure du Siège apostolique. Cette préoccupation a un but que l’on peut qualifier de « premier » : faire que les chrétiens, la communauté chrétienne dans son ensemble, chantent la gloire de Dieu dans la liturgie, et la chantent avec les éléments musicaux qui conviennent pour cette charge et cette responsabilité.
Pie X parle ainsi de cette « participation active au ministère sacro-saint et à la prière publique et solennelle de l’Église » que réalise en particulier le chant sacré. Pie XI souligne que, par le chant, le peuple chrétien doit « participer davantage et aux rites eucharistiques, et à la psalmodie sacrée, et aux supplications publiques ». Pie XII affirme que « l’Église militante, c’est-à-dire le clergé et les fidèles assemblés, unit sa voix aux cantiques de l’Église triomphante et aux chœurs angéliques, pour élever à l’unisson un hymne splendide et sans fin en l’honneur de la très Sainte Trinité ». Il ajoute que « la dignité et l’importance de la musique sacrée sont d’autant plus grandes que sa pratique la rapproche de l’acte suprême du culte chrétien, à savoir le sacrifice eucharistique de l’autel. Elle ne peut donc rien accomplir de plus élevé et de plus sublime que d’accompagner, par la suavité de ses sons, la voix du prêtre qui offre la divine victime, de répondre à ces demandes joyeusement, avec le peuple qui assiste au sacrifice ».
Les documents pontificaux que nous venons de citer brièvement envisagent trois acteurs principaux dans la pratique du chant liturgique. Le premier est évidemment le prêtre à l’autel, et éventuellement ses ministres (diacre, chantre, etc.), bref le clergé. Le deuxième est le peuple fidèle tout entier. Le troisième, il ne faut pas l’oublier, est la schola ou chorale.
En effet les souverains pontifes ont pleinement conscience que, s’il faut que les fidèles chantent, et chantent le plus possible, il existe certaines pièces qui, même avec la plus grande bonne volonté du monde, et sauf de rares exceptions, ne peuvent être chantées sans un entraînement, une ou plusieurs répétitions, ce qu’il est impossible d’imposer ordinairement à une paroisse.
La chorale possède donc un statut vraiment reconnu par les documents du Siège apostolique, qui tous en parlent longuement. La disparition massive et voulue des chorales grégoriennes dans les paroisses, depuis le concile Vatican II, n’est certainement pas étrangère à la prolifération des chansonnettes « pieuses » faciles à interpréter par tous, mais qui, au regard des documents précités, sont tout à fait indignes de paraître dans le temple chrétien.
Il faut noter aussi que les documents romains sur le chant sacré, depuis le Motu proprio de Pie X, sont tous essentiellement pratiques. Certes, ils peuvent retracer brièvement l’histoire du chant liturgique, rappeler quelques définitions essentielles, mais leur objet propre et direct est de donner les prescriptions nécessaires pour que le chant du prêtre, du peuple et de la schola soit parfaitement digne de son objet par la qualité du contenu et de l’interprétation.
Ces quelques remarques cursives sur les textes émanés des grands papes du XXe siècle dessinent, me semble-t-il, un programme clair pour l’association Una Voce, fondée en 1964 pour « la défense et la promotion du chant grégorien », partie principale et normative du chant sacré.
D’abord, ces documents manifestent que l’objet propre du travail d’Una Voce est tout à fait important, vital, central dans la vie chrétienne et ecclésiastique. Loin d’être une association folklorique de vieux esthètes déconnectés du réel et de la vie de l’Église, Una Voce s’adonne à quelque chose qui a très largement occupé les Souverains Pontifes, parce qu’il s’agit de quelque chose d’essentiel pour la religion elle-même. Vous, sociétaires d’Una Voce, devez avoir une foi profonde dans l’importance capitale de votre travail et de votre engagement au service du chant sacré.
Le deuxième point à souligner, c’est que le but de votre travail est d’aider, de façon très immédiate, à chanter, à participer au chant liturgique, et ceci en direction de la communauté chrétienne tout entière. Et puisque le chant sacré est un élément nécessaire et capital de la liturgie, l’objet de l’association Una Voce est donc de rendre toujours plus beau, plus noble, plus brillant, plus digne, l’acte principal de l’Église, à savoir la louange de gloire de la Trinité Sainte. Autrement dit, non seulement votre travail est capital, mais il est en quelque sorte le plus noble de tous, en raison de l’excellence insurpassable de son objet.
Le troisième point à noter, c’est que ce travail d’Una Voce doit viser, selon des modalités différentes en chaque cas, les trois intervenants dans le chant liturgique, à savoir le clergé, le peuple fidèle et la schola. Sans aucun doute, ce qui paraît le plus immédiatement facile et réalisable, c’est de former des chantres grâce à des personnes désireuses de s’adonner au chant ecclésiastique, par des stages ou d’autres moyens de formation. Mais il ne faut pas oublier de contribuer, selon que l’occasion se présentera, à la formation des clercs aussi bien qu’à celle des fidèles du rang. Un travail trop spécialisé en direction des « spécialistes », si l’on peut dire, à savoir les choristes, ne répondrait pas pleinement aux souhaits des souverains pontifes, ni à l’ADN de l’association Una Voce.
Le quatrième point à remarquer, et il me semble qu’il est peut-être le plus important, c’est que l’engagement d’Una Voce en faveur du chant d’Église, principalement le grégorien, doit être essentiellement pratique, comme le sont les documents romains que nous avons énumérés. Il peut être bon, et même excellent, de s’intéresser à l’histoire du chant grégorien, par exemple : de disserter sur la paléographie musicale, magnifique et colossal travail réalisé par l’abbaye de Solesmes ; de poursuivre les enquêtes sur le grégorien à travers le monde ou sur les organistes de France, une série parue dans votre revue qui, il y a quelques années, m’avait beaucoup intéressé, mais dont l’ignorance musicale est à peu près complète.
Toutefois ces excursions intellectuelles, historiques, journalistiques, ne doivent être que des à-côtés, des accessoires, je dirais un luxe bienvenu dans la mesure où il s’ajouterait agréablement à l’essentiel. Le rôle que dessineront pour Una Voce les documents pontificaux, sur la musique sacrée, c’est premièrement, essentiellement, presque exclusivement de travailler à ce que le clergé, le peuple fidèle et la chorale chantent, et chantent le mieux possible, durant les cérémonies liturgiques. Il s’agit de former au chant ecclésiastique, selon les rôles propres de chacun et ceci de façon pratique, pragmatique, concrète.
Cette tâche, il convient de la remplir en utilisant tous les moyens honnêtes et possibles, soit directement en chantant, en faisant chanter, en apprenant à chanter ; soit indirectement en favorisant la pratique du chant par le biais des divers médias, depuis les plus traditionnels comme votre excellente et passionnante revue, jusqu’aux plus modernes, qu’il s’agisse de la radio, de la vidéo sur YouTube, voire sur TikTok, des réseaux sociaux, etc.
En emplissant cette mission capitale de faire chanter, qui est l’objet propre de votre association en même temps qu’une mission que vous confie l’Église, vous réaliserez le beau programme que se proposaient les papes, et qu’a résumé magnifiquement Pie XII dans « Mediator Dei » : « La nombreuse assistance, qui prend part aux sacrifices de l’autel, où notre Sauveur, en union avec ses fils rachetés de son sang, chantent l’épithalame de son immense charité, ne pourra certainement pas se taire, puisque « chanter est le fait de celui qui aime », et que, comme le disait déjà un vieux proverbe « celui qui chante bien prie deux fois ».
On peut aussi signaler qu’Una Voce met en ligne chaque semaine le propre grégorien en audio du dimanche suivant.
Ah ! voir Tik-Tok et Youtube voisiner sans états d’âme avec le rappel de grands textes sérieux….
Passée cette hilarité superficielle, on ne peut que saluer la présence d’un “représentant” de la Fraternité Saint-Pie X dans cette assemblée et un rappel bien présenté des enseignements du Magistère s’agissant de la liturgie, un Magistère qui n’a rien de caduc si l’on pense au contexte désastreux de son maintien, sinon de sa survivance.
Merci à RC de nous avoir transmis ce texte.
La présence d’Una Voce dans une église de la Fraternité Saint Pie X n’a rien d’exceptionnel. Beaucoup de ses adhérents en sont des fidèles.
Dans un texte récent publié sur Credo Funding, Una Voce rappelait comment elle se situait:
“Où se situe Una Voce ?
Una Voce est une association qui noue de bonnes relations avec toutes les associations ou fraternités attachées à la Tradition.
Elle a naturellement une grande préférence pour la messe tridentine selon les livres liturgiques de 1962 où dans une cohésion parfaite ses objectifs et sa raison d’être sont respectés. Elle ne condamne pas, elle ne juge pas, elle sait que beaucoup de paroisses sont assez démunies, que les fidèles en France n’ont souvent que le nouveau rit promulgué en 1969. Aussi des choristes traditionnels, là où l’on consent à les accueillir, vont-ils chanter le grégorien, pour montrer ce qu’est le « chant propre de l’Église ». C’est aussi une forme d’apostolat. Nous nous efforçons de réunir tous ceux qui veulent contribuer à développer le sens du Sacré, à le faire vivre par le Beau.
Nous travaillons à notre niveau de laïcs, et donc hors de toute querelle de chapelle, pour accroître la diffusion ou faire revenir dans nos églises les mélodies grégoriennes qui, comme l’écrivait si bien Dom Joseph Gajard, le célèbre maître de chœur de Solesmes, « excellent à prendre les âmes et à les introduire dans la région bienheureuse où Dieu les attend ».
Si vous estimez juste et nécessaire cette action, nous vous invitons à rejoindre Una Voce qui œuvre pour diffuser un chant grégorien de qualité, véritable Bible chantée, et pour favoriser des liturgies dignes et solennelles, de nature à dévoiler la profondeur du mystère divin”