Dans la dernière lettre Les Amis du Monastère (n°181, 2 mars 2022), Dom Louis-Marie de Geyer, abbé de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux revient sur l’importance du jeûne pendant le Carême et sur ce que Saint-Benoît en dit pour faire un bon Carême.
Lorsque cette lettre vous parviendra, le carême sera déjà bien commencé, mais il sera loin d’être achevé. N’oubliez pas qu’il est un temps sacré, un moment de grâce, donné par le Seigneur à travers son Église. Les œuvres de pénitence, de prière et d’aumône y acquièrent une vertu particulière tout simplement parce que ce temps est spécialement sanctifié par le grand mystère de la Passion et de la Résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu’il prépare.
Depuis plusieurs décennies, les autorités ecclésiastiques nous rappellent avec raison que l’esprit vaut mieux que la pratique. Saint Benoît lui-même nous dit dans la Règle que le plus important est d’attendre la sainte fête de Pâques avec la joie qui vient de l’Esprit Saint. Mais attention, l’esprit sans les œuvres concrètes va contre le bon sens et la nature humaine. Et l’on risque de vivre une religion désincarnée en négligeant de se priver, par exemple, d’aliments carnés, ce qui fut longtemps le propre des chrétiens pendant le temps du carême.
Saint Benoît donne des orientations très précises pour faire un bon carême. Chaque moine, en plus des prescriptions communautaires, est invité à prendre des résolutions sur le boire, le manger, le sommeil, les récréations, les paroles, les lectures. Tout cela est écrit sur un billet de carême pour que le moine n’oublie pas ce qu’il a promis au Seigneur et pour lui redonner du courage pendant ce temps qui dure six semaines.
Permettez-moi de vous révéler les pratiques de l’abbaye en matière de jeûne. Le mercredi des Cendres, les moines prennent le matin un café et un morceau de pain, à midi un déjeuner normal et le soir un simple bouillon. Le reste du carême, ils prennent le soir, à la place du bouillon, une soupe, un fruit et un morceau de pain. Le Vendredi saint, ils ont le matin un café avec un morceau de pain, le midi, ils déjeunent à genoux avec une soupe, quelques pommes de terre accompagnées d’un morceau de pain, et une pomme. Le soir, bouillon. De plus, chaque moine peut retrancher encore quelque chose de sa propre initiative, avec cependant l’accord de l’Abbé pour ne pas tomber dans l’excès et la présomption.
Les moines peuvent vous témoigner des vertus de ce jeûne. Par le jeûne, l’âme prend plus conscience du prix des choses, du don de Dieu. Plus que les jours de fête, le repas est délicieux malgré sa simplicité. On retrouve la joie des choses simples qui déserte tant les cœurs appesantis. Le jeûne affine la pointe de l’âme, il purifie le cœur, il éclaire la conscience et il l’apaise par la pénitence réparatrice, il donne une certaine maîtrise de soi, il fortifie et approfondit la prière. Un carême bien fait ne peut que redonner un magnifique élan à la vie intérieure.
Mais tous ces fruits, tout bons et vérifiables qu’ils soient, n’égalent pas la vertu principale que le Seigneur leur a conférée, celle de chasser les démons. Le jeûne demeure le fondement de cette puissance contre le diable. Il s’apparente à un sacrifice, celui que Jésus a pratiqué au désert à l’aurore de sa vie publique. Oh, bien sûr, le jeûne ne suffit pas en lui-même. Saint Léon le dit dans une homélie des Quatre-Temps d’hiver, où il précise que, pour le salut de l’âme, l’aumône est tout autant nécessaire. Ainsi, le jeûne consistera à se priver pour donner à ceux qui sont dans le besoin. Seulement, pour chasser le démon, le jeûne doit être accompagné d’un allié très important : la prière.
Le démon a été battu mais il reste bien présent partout, dans les lois, la politique, la culture, l’éducation, les médias, les mœurs, et même dans l’Église, selon le cri de saint Paul VI sur les fumées de Satan. Il n’est pas étonnant de voir de plus en plus de personnes faire appel à des exorcistes, et de constater que les groupes satanistes augmentent. Chaque péché mortel donne davantage de pouvoir au diable. Mais ne désespérons jamais de la puissance supérieure de Dieu. Et croyons que par le jeûne Dieu nous donne de participer à la grande bataille spirituelle des esprits de lumière contre les esprits de ténèbres. Nous pouvons être sûrs de la victoire, par la grâce de Dieu, puisque Dieu est le seul Dieu, et parce que Jésus a vaincu la mort et le péché.
† F. Louis-Marie, o.s.b., abbé
La chronique du Monastère signale que le frère Pierre a été ordonné diacre par Mgr Mathieu Rougé, évêque de Nanterre le 13 novembre dernier.
La lettre donne également les dates des prochaines retraites et récollections pour messieurs à l’abbaye : récollection du vendredi 20 (soir) au dimanche 22 mai 2022, retraite du 8 au 13 novembre 2022.