Nous avons évoqué il y a quelques semaines le rappel à Dieu de l’abbé Jean-Louis Pilnière, prêtre diocésain. Notre-Dame de Chrétienté lui rend hommage dans le dernier numéro de l’Appel de Chartres (n°253, décembre 2021).
L’abbé Pilnière a été rappelé à Dieu le 28 novembre,1er dimanche de l’Avent, dans sa pauvre masure des Sorinières.
L’abbé Jean-Louis Pilnière était issu du diocèse de Luçon. Il avait été élève du petit séminaire de Chavagnes en Pailler, puis du grand séminaire de Luçon dans la fin des années soixante. Il était un des derniers prêtres de sa promotion du séminaire encore en exercice : la plupart avait renoncé à l’état clérical. Lui-même n’avait dû la poursuite de ses études qu’à la bienveillance du Très Révérend Père abbé de Fontgombault Dom Roy, qui l’avait accueilli pour y terminer sa théologie. Il aurait dû être ordonné prêtre à la cathédrale de Luçon il y a 50 ans. Les circonstances de la vie et surtout de l’Eglise en ont décidé autrement. Il avait donc utilisé, comme certains, un recours ultime en vue du sacerdoce, et s’était fait ordonner prêtre par l’évêque de Cuenca,en Espagne, « ad Missam » pour la célébration de la Messe. Et comme un pied de nez au destin, ainsi que le disait l’abbé Alexandre-Marie Robineau, c’est en cette cathédrale de Luçon qu’a été célébrée la messe de Requiem pour le repos de son âme.
Muni du célébret du diocèse de Cuenca auquel il n’a jamais renoncé, il avait rejoint Nantes. Accueilli par le chanoine Catta, une figure de ce diocèse des années 70, il a pu exercer son ministère sous la protection de ce prélat éminent. A cette époque, Mgr Marcus lui avait confié une mission auprès de la communauté des sœurs du Raflay, aujourd’hui ralliées à la Fraternité Saint Pie X. L’abbé Pilnière avait lui-même demandé à l’évêque de Nantes d’être déchargé de cet apostolat, car il désapprouvait la ligne adoptée en 1988 par les sœurs.
Il vivait depuis reclus aux Sorinières, partageant son ministère au service des fidèles dans deux chapelles de châteaux des environs de Nantes, celui du catéchisme qu’il enseignait dans les familles nantaises, et durant plusieurs années comme aumônier d’un petit groupe de scouts, les «Escoutes de Nantes ».
Beaucoup ont pu le connaître également sur les routes de Chartres durant des années, puis une année sur deux au rendez-vous du lundi de Pentecôte, sur le parvis de la cathédrale, toujours avec son bon sourire, la tête légèrement penchée, scrutant fidèles et pèlerins de son seul œil valide.
Il restait en lien avec les évêques de Nantes : Mgr Marcus, Mgr Soubrier, Mgr James, il recevait aussi régulièrement des séminaristes à qui il enseignait ce que fut l’ecclésiologie d’avant Vatican II : celle d’une église enseignante, paternelle, missionnaire. Il avait beaucoup souffert de la crise de l’Eglise. Il avait vu se perdre la foi dans les paroisses, les familles, les écoles, jusqu’au séminaire (qui s’était mis en grève en 1968, alors qu’il y faisait ses études).
Dans l’effondrement des structures ecclésiales, il avait choisi la fidélité et n’en n’a jamais dévié. Fidèle à son ordination, il célébrait la messe de 1962, fidèle à l’Eglise, il gardait le lien avec le clergé nantais et son évêque,fidèle au dépôt de la foi, il avait à cœur de le transmettre dans les familles qui l’accueillaient. Il avait des liens profonds dans plusieurs monastères : avec l’abbaye de Solesmes, celle de Fontgombault, et depuis une dizaine d’années, celle de Sainte Marie de La Garde dans le diocèse d’Agen.Lors de ses funérailles, l’abbé Alexandre-Marie Robineau, recteur de la cathédrale de Luçon, l’évoquait en ses termes: «Au milieu du tumulte, au milieu des épreuves, des oppositions, des contradictions, des attaques, est-ce que nous gardons le regard fixé sur l’Agneau de Dieu pour tenir bon et fidèlement dans la foi, avec charité et bonté,chrétiennement ? C’est le sens du martyr. C’est le sens du témoignage. A sa façon et par sa fidélité, l’abbé Pilnière a été un martyr. Chaque fois que je le voyais et donc chaque mois, je lui redisais de mettre par écrit le récit et le témoignage des autres prêtres vendéens qu’il a connu et qui ont été, en quelque sorte, persécutés pour leur fidélité à la Tradition de l’Eglise, dans les années 70/80. Il n’en aura,malheureusement, pas eu le temps… Mais le témoignage prophétique de sa fidélité, de sa vie et maintenant de sa mort, en donne, au final, la meilleure illustration et le plus bel exemple. Et cela doit nous pousser, comme lui, à aimer l’Eglise »
Tel était le prêtre que Dieu a rappelé à lui, traversé par les épreuves de sa vie sacerdotale, dont le récent Motu Proprio a été, sans doute, la lance du calvaire. A ceux qui ont eu la grâce de le connaître et tous les autres,rappelons-nous que si notre monde excelle à pointer du doigt les ministres fautifs de l’Eglise, il omet que cette même Eglise produit aussi des prêtres tels que cet abbé.Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit.
Nous transmettons ici l’hommage de ses scouts :Monsieur l’Abbé, Vos scouts sont là ! Toujours Prêts et Toujours Fidèles à la Tradition que vous nous l’avez transmise pendant toutes ces années. Notre tristesse est immense, mais nous savons que nous nous retrouverons,un jour, dans le camp de repos et de joie. Vous retrouvez notre Frère et Chef Sébastien. Nous ne pouvons que vous remercier pour votre enseignement et votre spiritualité qui a su faire de nous des « hommes viriles et Chrétiens avec la pèche Catho » comme vous aimiez nous le répéter en souriant. Sachez que nous serons garants de vos principes et nous ne faillirons pas !
L’abbé Pilnière a fait parti de cette poignée de prêtres français, qui refusés aux ordres en France, sont allés chercher un évêque bienveillant à l’étranger dans le diocèse de Cuenca (Espagne). On compte avec lui notamment : l’abbé Jehan de Durat, l’abbé Jean-Michel Duport (+), l’abbé François Scrive.