Notre confrère Paix Liturgique a publié une série de lettres sur la forme extraordinaire en Corée qui permet de comprendre qu’aujourd’hui comme hier (autant des premiers missionnaires) la messe dans la forme extraordinaire est toujours un beau moyen d’évangélisation.
João Silveira – Comment avez-vous reçu la publication du motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007 ?
Père Philippe Blot – L’aggiornamento liturgique, c’est-à-dire la mise à jour comportant un renouveau, dont nous avons célébré le cinquantième anniversaire à la fin de l’année dernière (promulgation de la constitution sur la Liturgie Sacrosanctum Concilium, du 4 décembre 1963), a été en quelque sorte complété par le Motu proprio du Pape Benoît XVI Summorum Pontificum, du 7 juillet 2007, établissant la distinction de deux formes dans le même rite romain : une forme dite « ordinaire », qui concerne les textes liturgiques révisés suivant les indications du concile Vatican II, et une forme dénommée « extraordinaire », qui correspond à la liturgie qui avait cours avant l’aggiornamento liturgique. Dans le rite romain ou latin, deux Missels sont donc actuellement en vigueur : celui de Paul VI, dont la troisième édition date de l’an 2002, et celui de Saint Pie V, dont la dernière édition, promulguée par le Bienheureux Jean XXIII, remonte à 1962.
Dans la lettre aux évêques accompagnant le Motu proprio, le Pape Benoît XVI précisait bien que sa décision de faire coexister les deux Missels n’avait pas seulement pour but de satisfaire le désir de certains groupes de fidèles attachés aux formes liturgiques antérieures au concile Vatican II, mais aussi de permettre l’enrichissement mutuel des deux formes du même rite romain, c’est-à-dire non seulement leur coexistence pacifique, mais encore la possibilité de les perfectionner en mettant en évidence les meilleurs éléments qui les caractérisent. Il écrivait notamment que « les deux formes d’usage du Rite Romain peuvent s’enrichir réciproquement : dans l’ancien Missel pourront être et devront être insérés les nouveaux saints, et quelques-unes des nouvelles préfaces… Dans la célébration de la messe selon le Missel de Paul VI, pourra être manifestée de façon plus forte que cela ne l’a été souvent fait jusqu’à présent, cette sacralité qui attire de nombreuses personnes vers le rite ancien ».
João Silveira – Dans quel cadre avez-vous commencé à célébrer la messe traditionnelle en vivant comme missionnaire ici en Corée du Sud ?
Père Philippe Blot – J’ai répondu il y a plus de 9 ans à la demande d’un groupe de fidèles laïcs coréens du groupe Una Voce, de célébrer la messe selon la forme extraordinaire dans la chapelle de notre Foyer Saint Jean et Saint-Jacques, à Kunpo (diocèse de Suwon, dans la périphérie de Séoul).
João Silveira – Cela fut-il facile pour vous ?
Père Philippe Blot – Il m’a fallu d’abord mieux connaitre et apprendre à célébrer ce rite que je célèbre désormais une ou deux fois par mois depuis le début de cette demande.
João Silveira – Quels étaient ces demandeurs du groupe Una Voce ?
Père Philippe Blot – Les fidèles étaient en petite partie des habitués de la messe tridentine – relativement peu nombreux en Corée – mais ont été rejoint immédiatement par des fidèles, en particulier des jeunes, habitués de la forme ordinaire et désireux de découvrir l’autre forme du rite romain.
João Silveira – Ce groupe initial s’est-il développé ?
Père Philippe Blot – L’élan spirituel impulsé par le motu proprio du Pape Benoît XVI, à partir de la liturgie, est bien visible et au fils de ces années le nombre des fidèles n’a cessé d’augmenté et ce sont surtout les jeunes qui nous ont rejoints. La majorité d’entre eux vivent près de la chapelle, qui est éloignée de Séoul.
João Silveira – Vous célébrez donc dans un oratoire situé au sud du diocèse de Séoul, n’est-ce pas ?
Père Philippe Blot – Oui, je célèbre à l’Oratoire Saint-Jean. C’est la chapelle d’un foyer social, un orphelinat pour enfants. situé à Gunpo, dans le diocèse de Suwon, au sud de Séoul. Nous y célébrons la messe selon sa forme extraordinaire le troisième dimanche du mois, à 15 heures. Mais l’horaire et l’éloignement de Séoul limitent le développement harmonieux de cette expérience.
João Silveira – Percevez-vous déjà des fruits spirituels de cette expérience ?
Père Philippe Blot – Nous réalisons la belle expérience souhaitée par le Pape : une plus grande ferveur, qui rejaillit même sur les célébrations eucharistiques selon la forme ordinaire en langue coréenne, en particulier la redécouverte des attitudes d’adoration envers le Saint-Sacrement (agenouillement, génuflexion…), un plus grand recueillement, caractérisé notamment par ce silence sacré qui doit marquer les moments importants du Saint-Sacrifice pour permettre aux fidèles d’intérioriser le mystère de la foi qui est célébré… Il est vrai qu’il faut faire œuvre de pédagogie : expliquer les rites du Missel tridentin à ceux qui ne les connaissent pas encore, remettre un livret bilingue latin-coréen pour permettre aux fidèles de bien suivre la messe… C’est une tâche très stimulante pour un prêtre, car il est conscient qu’il travaille au renouveau liturgique, et donc spirituel, voulu par le concile Vatican II, et auquel nous appelle avec vigueur le Pape François.