“Évangéliser ce n’est ni du prosélytisme, ni parler”, tel serait en substance, ce qu’aurait dit le pape François dans son homélie du vendredi 9 septembre, selon le chroniqueur de Radio Vatican. C’est même le titre de l’article. A l’en croire, le pape critiquerait les prosélytes, un tantinet orgueilleux, qui font du chiffre et ceux qui veulent convaincre par la parole.
De fait c’est bien ce que le pape a dit, mais pas vraiment en ce sens. Sur le prosélyte, il s’agit d’une incise, visant à dénoncer une mauvaise façon d’évangéliser, un peu trop fonctionnelle, dit-il. Le pape, regrettant ce formalisme qui se met parfois en avant, lui donne de ce fait un nouveau contenu. Il distingue “évangéliser” de “faire du prosélytisme”. Une distinction que posent du reste les nombreux dictionnaires, mais pas au même niveau que celle proposée par l’évêque de Rome. Désormais, et mieux vaut le savoir, dans la bouche du successeur de Pierre, le prosélyte est le type même du mauvais évangélisateur qui cumule formalisme et vanité. Soit, prenons acte et, comme lui, gardons alors évangéliser dans sa version positive, entendons, simple, sans orgueil (autant que faire se peut) et porté par le désir profond de donner Dieu au monde, si tant est que le prosélyte ne l’ait pas.
Mais alors qu’est-ce qu’évangéliser ? A en croire le chroniqueur de Radio Vatican, ce n’est pas quelqu’un qui parle, mais qui se contente de vivre sa foi, comme si nous ne devions pas rendre compte de notre foi. C’est pourtant l’invitation pressante de saint Pierre. “Soyez prêts à rendre compte de votre espérance ” 1 P 3,15.
Le pape nous condamnerait-il donc à ne pas évangéliser les profondeurs, celles de la raison ? Nullement. Le pape se contente, en fait de reprendre l’intuition croisée de saint Dominique et de saint François.
Le premier voulait allier la pauvreté au savoir, car celle-ci, comme premier contact et exemple vécu de l’Évangile, donnait plus de force et de crédibilité au savoir. Le second fit le chemin inverse. La pauvreté, comme radicalité de l’Évangile, pour ne pas devenir un absolu puisant dans l’orgueil un venin qui éloigne de Dieu, doit s’enraciner dans le savoir.
C’est ce que dit celui qui prend le Poverello pour modèle. “Commence par faire, et lui, il verra ce que tu fais, et il te demandera. Et quand il te demandera, tu lui diras.”
A la lecture de cet article et de son titre, nous sommes d’abord pantois d’imaginer le pape dénigrer le prosélytisme et la force de conviction par la parole. Le Verbe est certes exemple de vie, mais aussi enseignement. Mais en réalité, en soulignant à l’excès certains passages de cette homélie, le rédacteur de cet article en inverse les termes, biaisant ainsi le message pontifical.
Le pape invite à purifier notre façon d’évangéliser et à faire de notre vie une interrogation permanente pour nos proches. Interrogation dont il faudra bien rendre compte lorsque ceux-ci nous solliciteront.
En définitive, le pape souhaitait insister sur l’obligation de l’évangélisation et sa gratuité.
C’est vivre la foi, et en parler avec douceur, avec amour, sans volonté de convaincre personne, mais gratuitement. C’est donner gratuitement ce que Dieu m’a donné gratuitement : ceci, c’est évangéliser.