Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique, s’est à nouveau exprimé sur l’élection de Léon XIV. Voici sa récente analyse publiée sur le site de Renaissance catholique:
« On n’a pas deux fois l’occasion de faire une première bonne impression ! » L’adage est connu et recèle une bonne part de vérité. Sous cet aspect le nouveau pape Léon XIV semble accomplir un parcours sans faute. Quelques minutes après son élection il est apparu au balcon de la basilique Saint-Pierre revêtu de la mozette rouge, de l’étole pontificale et d’une croix pectorale dorée, manifestement conscient du sens de la dignité pontificale dont il était désormais revêtu. Emu, le visage éclairé d’un bon sourire, le pape a lu un texte bref, ce qu’il a également fait lors de la conférence de presse du 12 mai avec les journalistes. Le temps semble heureusement révolu des improvisations pontificales plus ou moins réussies.
Se positionner dans l’histoire longue de l’Église
En choisissant le nom de Léon XIV le nouveau pape renoue avec l’histoire longue de l’Eglise, par-delà les noms des papes (Jean XXIII et Paul VI) du concile Vatican II et de l’après concile (Jean-Paul I et II), la lignée des François étant, à ce jour, sans postérité. Le pape a expliqué qu’en choisissant ce nom il faisait surtout référence à Léon XIII, le pape de l’encyclique Rerum novarum (15 mai 1891) qui constituait la réponse de l’Eglise certes à la révolution industrielle mais également à la montée en puissance du libéralisme et du socialisme à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’Eglise. Les premières prises de parole publiques du nouveau Pontife ont frappé par leur envergure intellectuelle, leur verticalité, leur caractère surnaturel et leur tonalité résolument christocentrique, n’hésitant pas à traiter de l’Eglise comme arche du salut ce qui n’a, bien sûr, rien à voir avec le fait que la diversité des religions serait une sage disposition de la volonté divine.
Chacun, maintenant, s’efforce de savoir quelles seront les orientations majeures du pontificat. Si certains points semblent acquis (bienveillance vis-à-vis des migrants néanmoins sans les outrances de son prédécesseur, exercice d’un pouvoir pontifical moins solitaire, volonté d’écoute, dévotion mariale) de nombreux autres sujets restent ouverts. Tous les cardinaux se réjouissent publiquement de cette élection qui semble avoir été un véritable plébiscite. Inévitablement il y aura des déçus. Car on ne peut à la fois être celui qui poursuit et amplifie la révolution conciliaire – comme le fit le pape François, – celui qui cherche à la canaliser dans l’ordre – comme le fit Napoléon pour la Révolution française et ses principes- et celui qui s’attache à une forme de restauration dans la continuité avec toute la Tradition de l’Eglise, comme s’efforça de le faire Benoît XVI.
Il est beaucoup question d’une rencontre qui aurait eu lieu, avant l’entrée en conclave, entre l’alors cardinal Prevost et le cardinal Burke, auteur de dubia adressées au pape François sur la bénédiction des unions homosexuelles, la synodalité et l’ordination des femmes. Ces deux personnalités ont de nombreux points communs. Ils sont tous deux américains, très dévots de la Sainte Vierge et canonistes réputés, chacun étant docteur en droit canon. L’avenir nous dira si d’autres convergences se sont faites jour, en particulier sur les questions liturgiques, le cardinal Burke étant très attaché à la liturgie romaine traditionnelle tandis que l’on ignore la position du cardinal Prévost sur ce sujet.
Prendre en compte la réalité de la situation
Fondamentalement personne ne semble savoir quelle perception a Léon XIV de l’acuité de la crise que vit l’Eglise, de ses causes et des remèdes à y apporter. Ce qui est certain c’est que lui seul a les grâces d’état pour gouverner la barque de Pierre et que vaut pour l’Eglise ce que le père Calmel (1914-1975) écrivait de la société civile : « Celui qui veut dans la société civile, non seulement la justice, mais toute la justice et tout de suite, celui-là n’a pas le sens politique. Il ne comprend pas que la vie de la cité se développe dans le temps et qu’une certaine durée est indispensable pour corriger et améliorer ; surtout il ne comprend pas l’inévitable intrication de bien et de mal à laquelle, de fait, la cité humaine se trouve condamnée depuis le bannissement définitif du Paradis de justice et d’allégresse. Vouloir détruire immédiatement toute injustice c’est déchaîner des injustices pires » (Sur nos routes d’exil. Les Béatitudes). Mgr Lefebvre, interrogé par un journaliste pour savoir ce qu’il ferait s’il était pape répondit simplement : « Je nommerais de bons évêques. »
L’histoire de l’Eglise manifeste également que le passé d’un pape ne détermine pas toujours son exercice du ministère pétrinien. Ainsi le cardinal Mastai Ferratti, aujourd’hui bienheureux et élu pape sous le nom de Pie IX en 1846 commença son pontificat comme « le pape des droits de l’homme » selon l’expression de Victor Hugo et le finit comme le pape du Syllabus, document qui en 1864 condamna les « erreurs modernes ».
En cette année jubilaire placée sous le signe de l’espérance nous avons la certitude que l’avenir est entre les mains de Dieu et nous lui faisons confiance. Nous prions le Saint-Esprit qu’il accorde au pape Léon XIV, vicaire du Christ, la foi, le courage, la lucidité et la sagesse qui lui permettront de restaurer l’Eglise dans sa grandeur et d’en faire une arche toujours plus sûre et efficiente pour le salut des âmes.
Jean-Pierre Maugendre