« Je crois que nous avons peur de la liberté, dans la pastorale également », diagnostique le pape François en réponse à une question de son diocèse sur le mariage et la famille.
Le pape est intervenu lors de l’ouverture du Congrès ecclésial de son diocèse de Rome, dans la basilique Saint-Jean-du-Latran, jeudi 16 juin 2016.
Le thème de cette année était « ‘La joie de l’amour’ : le chemin des familles à Rome, à la lumière de l’exhortation apostolique Amoris laetitia, du pape François ».
Après le mot d’accueil du cardinal vicaire Agostino Vallini, et la prière d’introduction, le pape François s’est adressé aux familles, aux catéchistes, aux prêtres et aux agents pastoraux dans un discours dont nous avons publié notre traduction.
« « Mais que dira-t-on si je fais cela ?…Et peut-on le faire ?… ». Et on a peur. Mais tu as peur : prends le risque ! Dès lors que tu es là, et que tu dois décider, prends le risque ! Si tu commets une erreur, il existe le confesseur, il existe l’évêque, mais prends le risque ! C’est comme le pharisien : la pastorale des mains propres, tout propre, tout en ordre, tout beau. Mais en dehors de ce milieu, combien de misère, combien de douleur, combien de pauvreté, combien de manque d’opportunité de développement ! C’est un individualisme égoïste, c’est un individualisme qui a peur de la liberté. C’est un individualisme — je ne sais pas si la grammaire me le permet — je dirais « encageante » : il te met en cage, il ne te laisse pas voler en liberté », a notamment expliqué le pape.
Source Zenith.
Le pape, qui aime les formules, prend parfois le risque de porter la confusion dans les lectures rapides que nous pouvons en faire. Aussi à la lumière de l’enseignement de l’Eglise ou des autres propos du pape, il convient de se poser la question du risque.
Le risque n’est pas à comprendre de façon inconséquente. La raison et la prudence font chacun partie du risque. Dans une décision, la part du risque, de vrai risque, est celle laissée, à l’inconnu et par dessus tout à la Providence, non au hasard ou au risque d’erreur, sorte de pourcentage mathématique. Quant à la confession, il ne s’agit pas d’en faire une gomme a effacer, un “game over” du jeu vidéo que serait la vraie vie.
De deux choses l’une, ou nous pensons que nous pouvons commettre un péché (et l’erreur n’est pas nécessairement un péché) et dans ce cas, risque ou pas, il n’y a pas à poser l’acte. Ou nous ne pensons pas pêcher et dans ce cas il ne convient pas de lier erreur et pêcher de cette façon. Le lien est ailleurs.
Si a posteriori il y a eu erreur et que cette erreur porte une part ou une totalité de péché, alors il y a matière à se confesser, en dosant, en outre la part de responsabilité, notamment en cas d’ignorance invincible ayant conduit à l’erreur.
Bref, ramener l’erreur au péché est un raccourci rapide, qui a au moins le mérite de ne pas esquiver la possibilité du péché. Ce dont on ne peut accuser le pape qui y revient souvent. Néanmoins, discerner l’action à poser suppose d’intégrer la dimension peccamineuse possible de l’action. Or il est rigoureusement impossible de poser sciemment un acte comportant un aspect, une intention ou une matière peccamineuse. Etant sauve l’exception (très courante) du moindre mal que nous préférons considérer comme le mieux possible. Encore que cette “exception” ne puisse porter que sur la matière et non sur l’intention.
En aucun cas le risque ne peut être évalué et amoindri sous prétexte de confession ultérieure possible. Car accepter l’idée du péché revient à accepter le péché lui-même. De sorte qu’un acte même non peccamineux, devient peccamineux si en conscience nous pensons qu’il s’oppose à Dieu. En effet ce n’est alors pas la matière de l’acte qui est en jeu, mais le fait d’accepter de déplaire à Dieu et de malgré tout le faire. Le péché est d’abord, ne l’oublions pas, une rupture avec Dieu.
En d’autres termes, prendre un risque ne peut inclure le risque de se couper de Dieu. Ce serait chercher le bien en passant par le mal. Cela revient à vouloir monter au ciel en descendant aux enfers.
En outre, ne perdons pas de vue que le mal (dont l’erreur peut être une conséquence) est avant tout une destruction de bien et que la gomme à effacer de la confession ne suffit pas à réparer le mal, c’est à dire à reconstruire le bien. Le risque n’est donc pas simplement de se couper de Dieu et d’y revenir via la confession. le véritable risque durable est le mal causé par l’erreur. Et il y a là une part de responsabilité dont la négligence, par elle-même, est peccamineuse puisqu’elle contrevient au second commandement en même temps qu’au premier. Nous prenons le risque de faire un tort plus ou moins durable à autrui. Or ce type de tort est une injustice, c’est à dire la privation de ce qui est dû. Il revient donc à une forme de vol, ce qui enfreint un nouveau commandement.
Bref, faire de la confession une gomme à effacer des conséquences négatives liées au risque ne peut en aucun s’entendre comme un principe d’action. En revanche si nous l’entendons comme lutte contre le scrupule qui paralyse, la formule prend un tout autre sens qui pour autant n’en retire pas moins les responsabilité énoncées plus haut.