C’est un pape visiblement ému et bouleversé qui est ressorti de ses 20 minutes de tête à tête avec Notre Dame de Guadeloupe.
« Marie est la femme du oui », écrit le pape François dans un tweet posté sur son compte @Pontifex_fr au moment où il allait se recueillir devant l’image de la Vierge de Guadalupe, au sanctuaire de Mexico, qui attire chaque année quelque 22 millions de pèlerins et visiteurs.
Lui-même a voulu rester, longuement, « sous son regard maternel ». Il avouait aux évêques le matin même: « J’ai beaucoup réfléchi sur le mystère de ce regard. »
Il a ajouté cet autre tweet: « Te regarder simplement, Mère, laisser ouvert uniquement le regard; te regarder entièrement sans rien te dire… »
Un mystère que la science n’a pas réussi à percer, mais elle en a révélé toute la complexité: dans les yeux de la Vierge de Guadalupe dont l’image s’est imprimée sur la tilma de saint Juan Diego en 1531, la science moderne a découvert l’image du voyant et d’autres personnages, des yeux qui semblent « vivants » pour qui les observe. Un regard qui « transforme ».
Voici ce que le pape confie aux chrétiens, en ajoutant cette invitation: « Suivons-la dans ce don »:
« Marie est la femme du oui,
un oui du don d’elle-même à Dieu,
un oui du don à ses frères.
Suivons-la dans ce don. »
Ce bref message explique, en partie du moins, pourquoi le pape François a voulu, samedi soir, rester seul et en silence, pendant une vingtaine de minutes devant l’image de la Vierge de Guadalupe, après la messe célébrée dans ce sanctuaire marial. Le pape a couronné la Vierge et il s’est rendu au « Camarin » où est conservée l’image originale et il y est resté à prier silencieusement.
Le matin déjà, lors de sa rencontre avec les évêques mexicains dans la cathédrale de l’Assomption, le pape avait évoqué le « mystère » du regard de la Vierge invitant les pasteurs à demander le même regard sur les tragédies du pays: regard « de tendresse », « capable de tisser », « attentif et proche, pas endormi », « d’ensemble et d’unité ».
Ce mystère du regard
Il a confié: « Comme le fit saint Juan Diego et comme le firent les générations successives des enfants de la Guadalupana, le Pape également, depuis longtemps cultivait le désir de la regarder. Mieux, je voulais, moi-même, être sous son regard maternel. J’ai beaucoup réfléchi sur le mystère de ce regard et je vous prie d’accueillir ce qui jaillit de mon cœur de Pasteur en ce moment. »
Le pape a aussi beaucoup médité sur le regard de Jésus qui appelle saint Matthieu, clef de sa vocation.
Il a ajouté, toujours en s’adressant aux évêques mexicains: « Avant tout, la ‘‘Vierge Morenita’’ nous enseigne que l’unique force capable de conquérir le cœur des hommes est la tendresse de Dieu. Ce qui enchante et attire, ce qui fait fléchir et vainc, ce qui ouvre et déchaîne, ce n’est pas la force des instruments ou la dureté de la loi, mais la faiblesse toute-puissante de l’amour divin, qui est la force irrésistible de sa douceur et la promesse irréversible de sa miséricorde. »
Un regard qui permet de surmonter la peur des défis d’hier et d’aujourd’hui – le pape a cité les « métastases » du trafic de drogue, les exclus, les victimes de la violence, un défi qu’il recommande aux évêques d’affronter avec un « courage prophétique » -.
Des yeux qui semblent « vivants »
C’est en 1929 que le photographe officiel de la basilique, Alfonso Marcue, découvre ce qui ressemble au reflet de l’image d’un homme barbu dans l’oeil droit de la Vierge de Guadalupe. Les autorités ecclésiastiques gardent le silence.
Le 29 mai 1951, José Carlos Salinas Chavez discerne lui aussi le reflet d’un homme barbu dans l’oeil droit de la l’image de la Vierge Marie et un reflet dans l’oeil gauche.
Le 27 mars, 1956, le Dr Javier Torroella Bueno, ophtamologue, atteste la présence d’un triple reflet – du fait de « l’effet Samson-Purkinje » -, et que la courbure des images épouse celle de la cornée.
Toujours en 1956, le Dr Rafael Torrija Lavoignet, examine les yeux de l’image à l’aide d’un ophtalmoscope. Il découvre que les yeux de la « Morenita » paraissent étrangement « vivants ».
Une famille sous le regard de Marie
En 1979, le Dr Jose Aste Tonsmann, de l’Université de Cornell, travaillant à IBM, examine l’image avec des appareils à haute définition. Il identifie l’image d’un « buste humain » dans les deux yeux, celles de « l’Indien », de « l’évêque Zumarraga », du « traducteur », de « Juan Diego montrant la tilma » et d’une « famille » avec des enfants dont un bébé porté par sa maman sur son dos.
Pendant le recueillement du pape François, on aurait dit qu’il voulait laisser s’imprimer dans le regard de Marie, impératrice de l’Amérique, tous ses enfants de ce continent et du monde pour qu’ils en soient fortifiés pour affronter les défis actuels.
La Vierge de Guadalupe n’a-t-elle pas dit à saint Juan Diego: « Que ton coeur ne soit pas troublé. N’aie pas peur de cette maladie ni d’aucune autre maladie ou angoisse. Ne suis-je pas là, moi qui suis ta Mère? N’es-tu pas sous ma protection? Ne suis-je pas ta santé? Ne reposes-tu pas heureux en mon sein? Que désires-tu de plus? Ne sois pas malheureux ou troublé par quoi que ce soit »?
Des paroles citées par le porte-parole du pape, le P. Federico Lombardi au micro de Radio Vatican. Il explique que le pape « ressent dans cette image une présence spirituelle, un message qui continue à être très actuel, sur la capacité du message chrétien à se rendre proche, se rendre proche justement dans le plus concret de la vie de ces peuples et de tout peuple. C’est une inculturation vécue formidable ».
Une transformation positive
Il fait peut-être aussi allusion au fait que la Vierge s’adresse à un membre des peuples Indios et se manifeste sous les traits d’une femme métisse.
Il reconnaît l’énigme: « Ce sont des choses un peu inexplicables, et le Pape lui-même disait, en parlant l’autre jour aux journalistes: « C’est quelque chose que l’on continue d’étudier sans réussir à l’expliquer, humainement. » C’est une manifestation importante d’une dimension spirituelle qui entre dans le monde et est capable d’agir, pour le transformer de façon positive, mais non pas de façon sensationnelle: justement, entrer dans la vie humble et quotidienne d’un peuple. »
A propos des défis de la société mexicaine, le pape, dit-il, indique les défis en disant en substance: « Nous avons une mission, nous devons affronter la situation le mieux possible. Nous ne devons pas avoir peur. » Il ajoute: « C’est un des aspects du message de Guadalupe: « Je suis là, je suis là avec toi: pourquoi avoir peur? Tu ne dois pas avoir peur. Même si tu te sens petit… » Je dirais donc que le Pape ne dit pas à l’Église du Mexique: « Tu es prête! » Il dit à l’Eglise mexicaine: « Aie foi, aie confiance, parce que c’est ta mission et donc, fais tout ce que tu peux. »