Un symposium a été organisé à Rome au sujet de la constitution Sacrosantum Concilium, adoptée en 1963 lors du concile Vatican II. Il est organisé par la congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements dont le préfet est le cardinal Antonio Cañizares Llovera et le secrétaire, monseigneur Arthur Roche. Comme nous l’avons indiqué dans un article, cela a fourni au Pape François l’occasion de clarifier certaines de ses conceptions au sujet de la liturgie. Cet évènement d’importance a été notamment relaté dans une dépêche du 13 février de l’agence Vatican Information Service (VIS). Ces dépêches nous renseignent sur l’état des réflexions en cours à Rome au sujet de la liturgie. Ainsi pouvait-on lire :
« Reprenant le titre du congrès, Gratitude et engagement envers un grand mouvement ecclésial, le Cardinal [Antonio Cañizares Llovera] écrit encore qu’il faut “rendre grâce pour ce fruit majeur du Concile qui a eu un poids capital dans le renouveau de l’Eglise et de l’humanité”. Son dynamisme rénovateur se poursuit et il est plus qu’urgent “de poursuivre et approfondir le renouveau liturgique voulu par Vatican II. Beaucoup certes a été fait, mais il reste beaucoup à faire. »
Si, comme pour le cardinal Ratzinger, la crise de la liturgie intervenue après le concile, et perdure aujourd’hui, est une chose claire, on ne saurait en dire autant de l’ensemble des autorités romaines. Le discours du cardinal-préfet use volontairement de termes suffisamment diplomatiques pour ne choquer aucune tendance. Néanmoins, il est clair qu’au vu de l’état des messes célébrées dans la plupart des pays et des paroisses, il paraît difficile de parler de « dynamisme rénovateur » de la constitution Sacrosantum Concilium. Au sujet de cette dernière, il est exact que le sujet de la liturgie avait fait une certaine unanimité au Concile, puisque la constitution empruntait des voies assez traditionnelles en consacrant le latin comme la langue liturgique par excellence, et le chant grégorien comme le chant ordinaire de l’Eglise. C’est ce que le cardinal Ratzinger avait fort bien rappelé dans Ma vie, souvenirs : 1927-1977.
« Pour la majorité des Pères conciliaires, la réforme du mouvement liturgique ne constituait pas une priorité et, pour beaucoup, elle n’était absolument pas matière à discussion. (…) Que (le schéma sur la liturgie) ait été le premier à faire l’objet de délibérations conciliaires n’était aucunement dû à un regain d’intérêt de la majorité des Pères pour la question liturgique, mais simplement à ce que l’on n’attendait pas de grands différents sur ce point et que l’on considérait l’ensemble comme une sorte de terrain d’entraînement, ce qui permettrait d’apprendre et d’expérimenter la méthode du travail conciliaire. Aucun Père n’aurait eu l’idée de voir dans ce texte une « révolution » mettant un « terme au Moyen-Âge », comme certains théologiens croient devoir l’interpréter depuis. On voyait cela comme une extension des réformes introduites par Pie XII avec prudence et détermination. Les clauses générales, comme « les livres liturgiques doivent être révisés au plus vite » (n°25), furent comprises en ce sens : comme la poursuite de ces évolutions qui ont toujours existé et qui, depuis les papes Pie X et Pie XII, ont conduit à redécouvrir les traditions romaines classiques, leur donnant ainsi un caractère particulier. Cela devait effectivement dépasser les tendances de la liturgie baroque et de la piété du XIXe siècle, et favoriser un recentrage humble et sobre sur le véritable mystère de la présence du Christ dans son Eglise. Rien d’étonnant dans ce contexte à ce que le « modèle de la messe » remanié, qui devait remplacer l’Ordo Missae, ait été refusé par la majorité des Pères convoqués en un Synode spécial en 1967. Que quelques (ou de nombreux) liturgistes consultés aient envisagé dès le départ d’aller plus loin, nombre de publications le laissent aujourd’hui supposer. De telles aspirations n’auraient certes pas obtenu l’agrément des Pères. Le texte du Concile n’en fait aucunement état, bien qu’on les trouve a posteriori implicites dans certaines clauses générales. »
Il revient donc au symposium sur la liturgie de mettre en œuvre un retour à l’authentique liturgie. Le même cardinal Ratzinger était persuadé que cette crise de la liturgie était à l’origine de la crise générale de l’Eglise en Europe : chute du nombre de fidèles et de vocations. Rendons-lui la parole :
« Je suis convaincu que la crise de l’Eglise que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie qui est parfois même conçue de telle manière – etsi Deus non daretur – que son propos n’est plus du tout de signifier que Dieu existe, qu’Il s’adresse à nous et nous écoute. (…) Nous avons besoin d’un nouveau mouvement liturgique, qui donne le jour au véritable héritage du concile Vatican II ».
Une petite précision, à toutes fins utiles : Vatican II s’est construit sur une dynamique, ce qui fait qu’un texte publié au début du concile n’aurait sans doute pas été formulé de la même manière à la fin.
De plus, il faut rappeler que la liturgie, dans sa forme, relève de la discipline, et non du dogme, ce qui permet, explique et justifie qu’on la réforme, et qu’elle évolue : c’est le même Christ qui meurt sur l’autel, mais ce n’est pas le même peuple qui concrètement l’offre au Père par les mains du prêtre (cf Pie XII sur le Corps Mystique du Christ).
En conséquence, que la réforme de Paul VI s’éloigne quelque peu des préconisations du Concile n’a rien de choquant, d’autant plus que, rappelons-le, le Pape a une autorité suprême sur l’Eglise universelle.
Quant au “dynamisme réformateur” de Sacrosanctum Concilium, il est effectivement surtout la conséquence du zèle liturgique des Pie X et Pie XII qui n’ont eu de cesse de rapprocher le peuple et le prêtre, en mettant en place un vrai dialogue liturgique entre eux, et non plus seulement entre le prêtre et le servant (cf le discours de Benoit XVI au clergé romain il y a un an).
Louable intention…
Nous verrons ce qui en sortira.
Il serait si simple d’en revenir à ce qui a porté la Foi des innombrables générations de nos ancêtres.
Trop simple, sans doute. Trop humble aussi : où brillerait le génie créatif de nos bateleurs ?