La « grande révélation » de 1675 :
Cette apparition se produisit après l’arrivée de Saint Claude de La Colombière à Paray-le-Monial, donc en 1675 ; elle eut lieu « devant le Saint Sacrement, un jour de son octave », Sainte Marguerite-Marie ne spécifie pas davantage.
A-t-elle voulu dire le jour de l’octave, ou bien un jour durant l’octave ? Nul ne le sait. Il faut donc, dans l’expression « un jour de son octave » laisser au mot « un » son sens indéfini ; cette année-là, la Fête-Dieu se trouvait être le jeudi 13 juin, l’octave de la fête était par conséquent le jeudi 20 juin : c’est donc entre le 14 juin et le 20 juin inclus que la sainte Visitandine fut gratifiée de cette « grande révélation ».
Vitrail de la chapelle Notre-Dame du Sacré-Coeur à Québec.
« Etant une fois devant le Saint Sacrement, un jour de son octave, je reçus de mon Dieu des grâces excessives de son amour, et me sentis touchée du désir de quelque retour, et de lui rendre amour pour amour, et il me dit : « Tu ne m’en peux rendre un plus grand qu’en faisant ce que je t’ai déjà tant de fois demandé ».
Alors me découvrant son divin Coeur : « Voilà ce Coeur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des coeurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi d’après l’octave du Saint Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Coeur, en communiant ce jour-là, et en lui faisant une réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels. Je te promets aussi que mon Coeur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur, et qui procureront qu’il lui soit rendu. »
On n’insistera jamais assez pour rappeler que cette grande apparition ne consiste pas en ces seules paroles : « Voilà ce Coeur qui a tant aimé les hommes », suivies d’un point final, et qu’elle n’a pas pour but de demander une « simple » fête liturgique en l’honneur du Sacré-Coeur de Jésus.
A l’instigation de Saint Jean Eudes, une fête du Coeur de Jésus existait déjà en certains diocèses. Le Coeur de Jésus considéré comme symbole de l’amour divin était déjà un objet d’attention spirituelle et de vénération depuis le Moyen-Age…
A la sainte Visitandine de Paray-le-Monial, Notre-Seigneur Jésus-Christ vient préciser l’esprit dans lequel son divin Coeur doit être vénéré, l’esprit dans lequel sa fête doit être célébrée, l’esprit dans lequel toutes les pratiques en son honneur doivent être observées : cet esprit qui doit être l’âme de la dévotion à son Coeur, c’est celui de la réparation.
La fête liturgique dont il demande l’institution, en précisant la date particulière à laquelle il veut la voir célébrée, doit être une fête réparatrice ; la pratique de la sainte communion qu’il réclame, en particulier les premiers vendredis du mois, est une communion réparatrice ; l’heure sainte dont il réclame l’observance toutes les nuits du jeudi au vendredi est une heure de prière réparatrice…
Par l’intermédiaire de Sainte Marguerite-Marie, Jésus ne se contente pas de « montrer » son divin Coeur, il fait nettement ressortir que ce Coeur est « rassasié d’opprobres » – selon l’expression qui sera retenue plus tard pour les litanies – et les apparitions de Paray-le-Monial ne sont pas « la révélation de l’amour de Jésus pour nous », ainsi que je l’ai parfois entendu dire à certains prêtres (comme si l’Eglise avait dû attendre le XVIIe siècle pour découvrir l’amour de Jésus!), mais elles sont la manifestation d’un amour outragé, d’un amour méprisé, d’un amour insulté, d’un amour qui n’est pas aimé comme il le faudrait par ceux-là mêmes qui devraient en être les plus exacts observateurs, à savoir les baptisés, les religieux, les prêtres : « Ce sont des coeurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi » !!!
Tout ceci a été mis dans une insistante lumière par le magistère authentique de l’Eglise dans l’encyclique « Miserentissimus Redemptor« du Pape Pie XI (dont on trouvera le texte ici > www), qui a prescrit que pour la fête du Sacré-Coeur soit récité, dans tout l’univers catholique, cet acte solennel de réparation dont nous reproduisons le texte ci-dessous et dont les termes gardent une douloureuse actualité (note : à cette récitation publique est attaché l’octroi de l’indulgence plénière).
Acte solennel de réparation prescrit par Sa Sainteté le Pape Pie XI
pour la fête du Sacré-Coeur
(normalement on le récite devant le Saint Sacrement exposé après les litanies)
Très doux Jésus, dont l’immense amour pour les hommes a été payée de tant d’ingratitude, d’oubli, de négligence, de mépris, nous voici prosternés devant vos autels. Nous voulons réparer par des témoignages particuliers d’honneur l’indigne froideur des hommes et les injures qui, de toutes parts, blessent votre Cœur très aimant.
Nous n’oublions pas, toutefois, que nous n’avons pas toujours été, nous-mêmes, exempts de reproches. Nous en ressentons une très vive douleur et nous implorons, pour nous d’abord, votre miséricorde, disposés à réparer par une expiation volontaire, non seulement les péchés que nous avons commis nous-mêmes, mais encore les fautes de ceux qui errent loin de la voie du salut, les infidèles obstinés qui refusent de vous suivre comme leur pasteur et leur guide et les chrétiens qui ont renié les promesses de leur baptême et secoué le joug très suave de votre loi.
Ces fautes déplorables, nous voulons les expier toutes, et nous nous proposons de réparer en particulier l’immodestie et l’impudeur de la conduite et de la toilette, les embûches tendues par la corruption aux âmes innocentes, la profanation des fêtes religieuses, les blasphèmes dont vous êtes l’objet, vous et vos Saints, les insultes adressées à votre Vicaire et à vos prêtres, la négligence envers le Sacrement du divin amour ou sa profanation par d’horribles sacrilèges, enfin les crimes publics des nations qui combattent les droits et le magistère de l’Eglise que vous avez instituée.
Ah ! pussions-nous laver ces crimes dans notre sang ! Du moins, pour réparer l’honneur divin outragé, nous vous présentons, en union avec les expiations de la Vierge votre Mère, de tous les Saints et des fidèles pieux, la réparation que vous avez un jour offerte au Père sur la croix et que vous continuez de renouveler chaque jour sur les autels. Nous vous promettons du fond de notre cœur de réparer, autant que nous le pourrons, et avec le secours de votre grâce, nos fautes passées et celles des autres, et l’indigne oubli de votre incomparable amour, par une foi inébranlable, par une vie pure, par l’observation parfaite de la loi évangélique, et particulièrement de la charité. Nous vous promettons d’empêcher selon nos forces les offenses dont vous serez menacé et d’amener le plus d’hommes possible à vous suivre.
Très doux Jésus, recevez, nous vous en prions, par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie Réparatrice, cet hommage volontaire d’expiation, et daignez nous accorder le don précieux de la persévérance, qui nous garde fidèles jusqu’à la mort dans votre obéissance et votre service, afin que nous puissions un jour parvenir à cette patrie où vous vivez et régnez, vrai Dieu, avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.