Vendredi 26 avril 2013 au soir,
fête de la manifestation miraculeuse de l’image de Notre-Dame du Bon Conseil
à Genazzano (cf. > www)
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Depuis des années, avec Frère Maximilien-Marie, en observant ce qui se passe dans le monde et plus encore dans l’Eglise, nous avons développé toute une réflexion sur la perte quasi généralisée de la compréhension de ce qu’est la fonction hiérarchique, et – en contrepartie – sur les exécrables développements du culte de la personnalité.
Dans les siècles de foi authentique, les fidèles, étaient capables de bien faire la distinction entre la fonction, investie d’une autorité donnée par Dieu, et la personne qui assure tant bien que mal cette fonction.
Ainsi par exemple, érigeait-on dans les cathédrales de très imposantes stalles ouvragées pour que l’évêque y trônât : c’était l’expression du respect dû à la fonction épiscopale, et ce respect découlait de la foi, indépendamment des qualités ou des défauts de la personne.
En revanche, et sans que cela n’amoindrisse le respect de la fonction, pouvait-on sculpter dans le décor de cette même stalle des représentations – parfois très crues – des défauts physiques et moraux de la personne qui était alors revêtue de la dignité épiscopale.
Et cela était sain.
Aujourd’hui au contraire – sous un fallacieux prétexte d’humilité ou de pauvreté – les prélats semblent rivaliser d’ingéniosité pour se soustraire aux honneurs dus à la fonction qu’ils assument et se refusent à pontifier : aux trônes ils préfèrent d’ordinaires fauteuils et plutôt qu’aux riches ornements magnifiant la grandeur de l’épiscopat ils donnent la préférence aux mitres en macramé et aux chasubles en toile de jute ; cependant ils supportent rarement qu’on plaisante sur leurs travers, physiques ou moraux, pourtant bien réels…
Imaginez le tollé qu’aurait suscité par exemple l’installation sur une église parisienne d’une gargouille caricaturant la tête de certain cardinal aujourd’hui défunt!
Et cela n’est pas sain.
C’est que la perte du sens de la fonction hiérarchique, presque systématiquement rabaissée par l’amoindrissement des honneurs qui lui sont dus, dégénère très souvent en culte de la personnalité pour celui qui occupe cette fonction.
C’est là une chose moralement exécrable. C’est là une chose ruineuse tant pour les institutions que pour la santé psychologique et spirituelle des personnes.
Dans l’Eglise, cela entraîne des engouements superficiels et sentimentalistes qui n’ont plus rien à voir avec la foi surnaturelle ni avec la saine révérence due à l’autorité : aux siècles de foi, lorsque paraissait le Souverain Pontife, on faisait silence et on s’agenouillait pour recevoir la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ qui passait, hiératique ; maintenant le Pape multiplie les tours de piste, les saluts, les risettes et les bisous comme le font les starlettes, et il passe sans plus bénir des foules qui s’agitent et poussent des cris, dont on peut parfois se demander s’ils émanent d’êtres dotés de raison, tant l’émotionnel et l’entraînement collectif semblent prévaloir…
Nous en étions là de nos réflexions, lorsque Jean-Nicolas, l’un de nos fidèles amis qui vit en Argentine, nous a fait connaître un texte des plus intéressants, paru ce jour d’hui même, texte auquel nous adhérons totalement et que nous livrons à notre tour à votre réflexion.
A notre demande, Jean-Nicolas en a assuré une traduction en Français (on en trouvera la version originale, en Espagnol, ici > www), et nous l’en remercions très chaleureusement.
Lully.
Par Juan Manuel de Prada
«L’exposition médiatique du Pape est un phénomène qui peut nous sembler ‘normal’, et qui l’est en fait dans la phase actuelle de l’histoire ; mais ce phénomène est si spectaculaire qu’il affecte inévitablement la vie des catholiques, si ce n’est pas dans la substance de leur foi, ce l’est du moins dans leur façon de vivre cette foi. Des siècles durant, un catholique pouvait tranquillement mourir sans même savoir qui était le Pape de Rome ; ou en le sachant seulement de façon assez brumeuse, ignorant s’il était gros ou maigre, grand ou petit, taciturne ou bavard, très fin théologien ou très rustique pasteur. Pendant des siècles, savoir qu’il y avait à Rome un homme qui était le vicaire du Christ sur la terre, que cet homme, dont la succession était certaine, gardait le dépôt de la foi qu’il professait, reçue de ses ancêtres, était assez pour un catholique. Des siècles ont passé pendant lesquels un catholique vivait sa foi dans la prière, dans la fréquentation des sacrements et la célébration communautaire ; où il ne recevait d’enseignements que du curé de son village, trônant dans sa chaire, et de ses aînés dans la chaleur du foyer. C’est ainsi que les choses se sont passées depuis la fondation de l’Église jusque à il y a peu de siècles, et ce furent les siècles d’or de la Chrétienté.
Avant l’arrivée de cette phase médiatique de l’histoire, il y en eut une autre, intermédiaire, pendant laquelle le succès de la presse permit à un catholique curieux de connaître les prises de position des papes sur des questions de foi et de mœurs, à travers leurs encycliques ; mais aussi, quand c’était le cas, les difficultés rencontrées par la papauté dans le concert politique international. Lors de cette époque, un catholique connaissait l’effigie du Pape, grâce aux petites estampes et, s’il était lecteur avide de journaux et revues, pouvait se faire une idée sommaire des lignes maîtresses de son pontificat. Mais l’immense majorité des catholiques restait ignorante de telles particularités, vivant encore sa foi à la manière traditionnelle : en communion avec les autres fidèles de sa contrée et écoutant les enseignements du curé du village, qu’il fût saint ou de mœurs relâchées, parfois même dissolues – affaire qui semblait assez triviale au catholique ordinaire : car savoir que, saint ou libertin, ce curé, pendant qu’il disait la messe, était ‘un autre Christ’ était suffisant pour lui. Il s’agissait d’une époque où les institutions restaient au dessus des personnes qui les incarnaient.
Mais cette phase médiatique de l’histoire est arrivée, et tout s’est désorganisé. Voici que le Pape, tout à coup, est devenu une figure omniprésente ; et le catholique ordinaire a commencé à connaître au sujet du Pape des choses intimes inouïes : s’il souffrait de la goutte ou s’il était chauve ; s’il aimait le foot ou les échecs ; s’il était austère ou somptueux dans sa manière de s’habiller ; s’il chaussait des souliers de maroquin ou de canepin ; s’il prenait plaisir à mettre le chapeau de mariachi ou le tricorne dont les fidèles qu’il recevait en audience lui faisaient cadeau, ou s’il déclinait un honneur aussi douteux. On tint qu’en connaissant ces intimités inouïes le catholique pouvait aimer le Pape plus parfaitement, qu’il deviendrait de cette façon plus «humain», plus «proche» et «accessible». Propos d’autant plus grotesques que le Pape n’a d’autre mission sur la terre que d’être le vicaire du Christ et que, pour approcher le Christ, pour le faire plus «humain», «proche» et «accessible», c’est le Christ lui-même qui nous a donné la recette : «Car j’ai eu faim et vous m’avez nourri ; je fus assoiffé et vous me donnâtes à boire ; je fus étranger et vous m’avez donné refuge… etc.» Ce n’est pas en connaissant des intimités inouïes du Pape que le catholique approche le Christ, mais en souffrant avec les petits dans lesquels le Christ se cache.
On peut bien se demander si, en revanche, cette omniprésence médiatique du Pape ne contribue point à distraire ou à refroidir la foi du catholique. On peut se demander si le suivi médiatique du Pape, pas seulement dans ses prises de position sur des questions qui affectent la foi et les mœurs, mais dans les âneries quotidiennes les plus variées, ne génère point quelque sorte de ‘papolatrie’ tout étrangère à la tradition catholique, et qui frôle souvent le phénomène ‘fan’ provoqué par des chanteurs, des footballeurs et des acteurs. On peut encore se demander si cette exposition médiatique tellement abusive ne génère pas une distorsion dans la transmission de la foi. Car si le Christ avait souhaité que la foi fut transmise ‘en grand’ il aurait inventé d’un coup le porte-voix, la radiophonie, les antennes relais, la ligne ADSL, la télévision digitale et les réseaux sociaux d’Internet ; mais, pouvant le faire, Il préféra que la foi fût transmise dans la chaleur humaine, à travers des petites communautés qui grandirent moyennant le témoignage personnel et intransférable, cœur-à-cœur, de ses disciples.»
Juan Manuel de Prada
Né en 1970 en Biscaye (Pays Basque), diplômé en droit de l’université de Salamanque,
se fait connaître d’abord, à partir de 1994, par des romans un peu scabreux ;
après une grâce de conversion, il s’engage dans la défense de la pensée traditionnelle
et fait de la lutte contre le politiquement correct un apostolat de l’intelligence
à travers une activité journalistique dans laquelle il excelle.