Saint Jour de Pâques
Dimanche 31 mars 2013, au soir.
Voici que par ce bois
la joie s’est répandue dans tout l’univers!
(Liturgie du Vendredi Saint)
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
En ce soir de Pâques, je vous rejoins pour vous adresser une chronique de la Semaine Sainte qui s’achève et telle que nous l’avons vécue en notre Mesnil-Marie.
A – Dimanche des Rameaux 24 mars :
Comme il le fait normalement tous les dimanches, Frère Maximilien-Marie part pour le village de Ceyssac, où se trouve la petite église attribuée à notre paroisse non territoriale pour la « forme extraordinaire du rite romain ».
Le coffre de la voiture est rempli de rameaux d’oliviers, puisque (comme je vous l’ai expliqué dans ma chronique précédente – cf. > www) c’est notre Frère qui chaque année en apporte pour toute la paroisse depuis le sud du Vivarais.
Le franchissement du Mézenc – s’il n’est pas rendue impossible comme ce fut le cas pour le premier dimanche de la Passion – se révèle néanmoins délicat puisque, encore une fois, il neige au dessus de 1300 m d’altitude.
En certaines contrées on nomme le jour des Rameaux « Pâques fleuries », vraiment ce ne saurait être le cas dans le haut pays où ce matin-là donne plutôt une impression de mois de janvier :
Ferme traditionnelle proche du sommet du Mézenc, le dimanche des Rameaux.
Près de mille mètres plus bas, dans le bassin du Puy-en-Velay, il tombe une petite pluie froide. Aussi Monsieur l’Abbé juge-t-il plus prudent de modifier le parcours de la procession : en effet, habituellement le rassemblement et la bénédiction des Rameaux se font près du cimetière, à quelques centaines de mètres en contrebas de l’Eglise et la procession se dirige vers elle de la même manière que, à Jérusalem, depuis la vallée du Cédron, le cortège triomphal du Christ a gravi la colline du Temple.
Cette année donc, la bénédiction et la distribution des Rameaux ont lieu sur le parvis et notre petite procession doit se contenter de faire le tour de la place du village sous quelques gouttes glaciales, avant de s’engouffrer dans l’Eglise pour la Sainte Messe au cours de laquelle est intégralement chanté en latin l’Evangile de la Passion selon Saint Matthieu.
Bénédiction des Rameaux d’olivier
B – Début de la Semaine Sainte :
Lundi Saint au matin, Frère Maximilien-Marie conduit notre voiture au garage : il est prévu qu’elle y reste deux jours complets pour le changement de la courroie de distribution…
En réalité, elle y restera quatre jours et demi : une autre pièce s’avérant défectueuse et ayant été commandée, en conséquence d’une erreur de livraison, n’arrivera que le Jeudi Saint entre les mains de notre garagiste, si bien que la réparation ne sera achevée que le Vendredi Saint en fin de matinée!
Pendant ce temps-là, au Mesnil-Marie, nous profitons de deux belles journées ensoleillées – Mardi et Mercredi Saints – pour jardiner.
C – Précisions au sujet du Jeudi Saint des Rois de France :
En raison de quelques questions qui m’ont été posées à la suite de ma publication sur « le dernier Jeudi Saint de la Monarchie Très Chrétienne » (cf. > www), je me dois d’apporter ici quelques précisions en complément parce que beaucoup de nos jours sont dans l’ignorance de ce que sous-entendent les textes que j’ai publiés :
* 1) Le « Mandatum » (c’est-à-dire la cérémonie du lavement des pieds) était un rite traditionnel auquel se sont soumis pratiquement tous les Rois de France (sauf par exemple Louis XVIII qui ne possédait pas les conditions physiques pour l’accomplir mais sous son règne la cérémonie avait cependant bien lieu et c’était son frère, futur Charles X, qui lavait les pieds des pauvres au nom du Roi : on en trouve le compte-rendu dans d’autres numéros de l’ « Ami de la Religion et du Roi » que j’ai pu lire).
* 2) D’un point de vue liturgique, le « Mandatum » n’a été intégré dans la Messe du Jeudi Saint qu’avec la réforme « bugninienne » des rites de la Semaine Sainte promulguée par Pie XII en 1955. Jusqu’alors il constituait un rite liturgique à part, accompli en dehors de la Messe, par les évêques, par les curés de paroisses, par les supérieurs de communautés religieuses… etc., dans la journée du Jeudi Saint.
* 3) Dans l’article sus-cité, nous voyons Sa Majesté le Roi Charles X, le Dauphin (futur Louis XIX) et les deux princesses (c’est-à-dire Madame la Dauphine – Marie-Thérèse, fille de Louis XVI – , et Madame la Duchesse de Berry) aller « faire leurs Pâques » à Saint-Germain l’Auxerrois : ceci appelle deux explications. Tout d’abord, il est bon de rappeler que la famille royale assistait quotidiennement à la Sainte Messe dans la chapelle du château des Tuileries ; mais, selon les règles canoniques alors en vigueur, chacun était tenu d’accomplir le précepte de la Communion Pascale dans sa paroisse. Le palais des Tuileries se trouvant sur le territoire de la paroisse de Saint-Germain l’Auxerrois, c’est la raison pour laquelle la famille royale devait se rendre dans cette église pour satisfaire au devoir pascal, et ne pas se contenter d’assister aux offices de la Semaine Sainte dans la chapelle du château. En même temps le Souverain et ses proches donnaient par là un bel exemple d’observation des commandements de l’Eglise.
* 4) L’article que j’ai publié mentionne aussi qu’après la Sainte Messe au cours de laquelle elle a communié, la famille royale a assisté à une seconde Messe, dite Messe d’action de grâces. Il faut bien comprendre que la communion fréquente n’est qu’une pratique extrêmement récente : jusqu’aux permissions données par Saint Pie X, les fidèles et les religieux eux-mêmes, ne pouvaient pas communier tous les jours, même s’ils assistaient quotidiennement à la Sainte Messe. Les jours où la Sainte Communion était permise, on avait coutume d’assister – aussitôt après la Messe au cours de laquelle on avait communié – à une autre Messe, la Messe d’action de grâces, qui – comme son nom l’indique – était offerte à Dieu en remerciement du bienfait incommensurable du sacrement que l’on venait de recevoir. Cette manière de faire peut paraître curieuse à beaucoup de nos contemporains, mais du moins avait-elle le grand mérite de ne pas banaliser la Sainte Communion – comme c’est trop souvent le cas de nos jours – et d’en mettre en valeur toute l’extraordinaire grandeur.
Luca Signorelli : la communion des Apôtres (détail)
D – Le Triduum Sacré :
Ce sont trois jours où pratiquement toutes les activités extérieures et profanes cèdent la place à des temps de prière beaucoup plus longs et intenses : offices des Ténèbres célébrés le soir ; longs moments de prière silencieuse pour « suivre » – par la lecture des saints Evangiles – toutes les étapes du drame au travers duquel Notre-Seigneur a accompli le mystère de notre Rédemption ; méditation assidue des textes et des rites de la liturgie avant d’y participer.
Malheureusement, comme je vous l’ai expliqué ci-dessus, notre Frère, en raison du retard pris par la réparation de notre véhicule, n’a pas pu aller à Ceyssac, le Jeudi Saint, pour la Messe Vespérale de la Sainte Cène (et par ailleurs il ne saurait être question d’assister à la « messe » dans notre « paroisse territoriale » dont, en raison de certaines affirmations et pratiques des prêtres qui y officient, on peut légitimement douter de la validité).
A partir du soir du Jeudi Saint, même la petite cloche de la porte d’entrée du Mesnil-Marie est rendue muette, et elle est enveloppée d’un tissu de deuil jusqu’au moment où Frère Maximilien-Marie rentre de la nuit pascale.
Le soir du Jeudi Saint nous veillons à l’oratoire bien au-delà de minuit. Après quelques heures de repos, dans la matinée du Vendredi Saint nous « revivons » les étapes du procès de Notre-Seigneur : devant le Sanhédrin, devant Pilate, à la cour d’Hérode, puis le portement de la Croix jusqu’au Golgotha et la Crucifixion à la sixième heure (midi), les trois heures d’agonie tandis que les ténèbres ont enveloppé la terre, et enfin – à la neuvième heure – la mort du Fils de Dieu…
Ensuite, après avoir tendu l’autel de notre oratoire avec les ornements funèbres, Frère Maximilien-Marie est parti pour la célébration liturgique de la Passion et de la Croix, où – comme le dimanche des Rameaux – il devait exécuter la partie de l’Evangéliste pour le chant de la Passion selon Saint Jean.
La matinée du Samedi Saint fut consacrée à la méditation sur le mystère de la descente aux enfers, puis, en début d’après-midi, il y a eu le grand ménage de l’oratoire et le « changement de décor », avant « d’assister » – en direct depuis Turin, grâce à Internet – à l’ostension du Linceul de Notre-Seigneur voulue par notre regretté Pape Benoît XVI…
En tout début de soirée, Frère Maximilien-Marie est reparti pour aller à la Vigile Pascale à Ceyssac : il pensait bien que la route serait un peu difficile, mais il n’eût point imaginé que ce fut à ce point.
En raison de la neige qui tombait au-dessus de 1300 m d’altitude, et plus encore en raison du brouillard, extrêmement dense, il lui a fallu une heure et demi pour parcourir moins de soixante kilomètres… Il mit à peu près le même temps pour revenir : il y avait un peu moins de brouillard, mais un peu plus de neige que le vent faisait voler et tournoyer!
Outre l’eau, bénite au cours de cette Sainte Nuit, notre Frère a aussi rapporté, dans une lanterne, le Feu Pascal, que nous espérons conserver toute l’année dans notre oratoire.
Lanterne contenant le Feu Pascal pendant le voyage de retour au Mesnil-Marie
Cette nuit de Pâques était celle du passage à l’heure d’été. Ce changement d’heure ne nous concerne pas directement, en notre Mesnil-Marie, où nous vivons toute l’année en référence à l’heure solaire ; mais bien sûr il a une incidence pour tout ce qui concerne les activités de Frère Maximilien-Marie à l’extérieur.
Sachez-le, retenez-le : nous avons désormais, en notre « principauté », deux heures de décalage avec cette « heure d’occupation » imposée qui est une insulte aux rythmes naturels. Ainsi donc, depuis la fin mars jusqu’à la fin octobre, quand il est huit heures du matin à votre montre, comprenez qu’il n’est en réalité que six heures au soleil… et au Mesnil-Marie.
Merci de bien vouloir le prendre en compte!
E – Le Saint Jour de Pâques :
Je ne vous le cache pas, je n’étais pas mécontent, au petit déjeuner, en ce dimanche de Pâques, de recevoir à nouveau mon petit morceau de beurre!
En effet, au Mesnil-Marie, pendant toute la durée du Carême, Frère Maximilien-Marie a observé la discipline antique (telle qu’elle se pratique toujours dans les Eglises d’Orient), et n’a donc consommé ni viande, ni poisson, ni fromages ou laitages, ni oeufs, ni aucun produit d’origine animale.
Et moi, Lully, habitué depuis que je suis chaton à recevoir une noisette de beurre tous les matins (c’est bon pour mon poil), j’en étais privé puisque mon papa-moine n’en prenait pas.
A vrai dire, j’essayais bien, pourtant, de l’apitoyer et de le faire fléchir : tous les matins de la sainte quarantaine, je suis venu m’installer à côté de son grand bol de thé, en m’efforçant de prendre un air malheureux avec l’espoir que cela ferait sortir le beurrier… Las! je n’ai rien obtenu d’autre que ces paroles que Frère Maximilien-Marie m’a souvent répétées : « Quand les Ninivites firent pénitence en entendant la prédication de Jonas, tous les animaux furent contraints, par décret royal, à jeûner très strictement en même temps que les humains : alors toi, Lully, qui es un chat monastique, tu peux bien te passer de ton petit morceau de beurre pendant le Saint Carême… »
Enfin, Pâques est arrivé… et le beurre est revenu!
Après trois petites heures de sommeil, Frère Maximilien-Marie a repris la route ce matin pour aller à la Grand’Messe du Saint Jour de Pâques.
Le brouillard était toujours là ; la burle avait recouvert de neige les routes d’altitude ; c’est dire que notre Frère a encore eu une route difficile…
Montée du Col de la Croix de Boutières au matin du Saint Jour de Pâques
Il m’a rapporté une photo du sanctuaire de la belle petite église de Ceyssac dans ses atours pascals :
Sanctuaire de l’église de Ceyssac pour le Saint Jour de Pâques
Pendant la Messe, le ciel s’est peu à peu dégagé et le soleil, timidement d’abord, a fini par dissiper la couche de nuages, sans toutefois apporter véritablement de la chaleur.
A son retour au Col de la Croix de Boutières (1505 m d’altitude), par lequel on arrive dans notre merveilleux pays des Hautes Boutières, le spectacle était vraiment féerique, même s’il ne s’agissait pas d’autres fleurs que celles du givre sur les branches des arbres…
au Col de la Croix de Boutières : Saint Jour de Pâques au retour de la Messe
au Col de la Croix de Boutières : saint Jour de Pâques au retour de la Messe
La Croix de Boutières au Col qui porte son nom (1505 m) en ce dimanche de Pâques
C’est avec cette belle lumière qui dissipait les lourds nuages gris alors que le soleil de Pâques arrivait à son midi, que je veux vous présenter mes voeux : ils ne sont pas longs à écrire, mais ils vous souhaitent, de toute la force de mon amitié chrétienne, de voir la lumière surnaturelle dissiper toutes ténèbres en vos vies et vaincre toutes les formes de découragement et de lassitude.
Χριστός ἀνέστη : le Christ est ressuscité!
Par Sa Sainte Croix Il a vaincu l’empire du mal et fait descendre la joie spirituelle en ce monde : qu’Il vous bénisse, qu’Il vous garde, qu’Il protège tous ceux qui vous sont chers, et qu’Il vous donne – par dessus tout – une part abondante à la Rédemption que Son Sang versé nous a acquise.
Et, pour terminer sur une note d’humour et pour vous montrer que la joie spirituelle déborde aussi dans nos vies au travers de petites joies terrestres, je vous dirai que le « lapin de Pâques » est passé au Mesnil-Marie, et qu’il nous a laissé, entre autres friandises,… un petit chat en chocolat : Alléluia, alléluia!
Lully
Le lapin de Pâques nous a visités!
(cliquer sur la photo pour la voir en grand format)
Pour aider le Refuge Notre-Dame de Compassion > www.