Contribution féline
à la célébration du cinquantième anniversaire
du second concile du Vatican (quatrième partie).
Lundi 15 octobre 2012,
Fête de Sainte Thérèse d’Avila.
De Jean XXIII :
– Qui fut en réalité celui pour lequel une espèce de moderne légende dorée veut à tout prix imposer l’image du « bon Pape Jean »?
– Et d’abord : jusqu’au pontificat du vénérable Pie XII, certains très sérieux ouvrages d’histoire de l’Eglise plaçaient Baldassare Cossa, élu au souverain pontificat par le concile de Pise sous le nom de Jean XXIII (1410 – 1415), dans la liste des vrais Papes.
L’élection d’Angelo Giuseppe Roncalli – qui reprit le même nom en 1958 – fit (définitivement?) basculer le pauvre cardinal Cossa dans la liste des antipapes, bien que quelques voix érudites eussent suggéré de prendre le numéro XXIV…
Je note au passage une curiosité : il n’y a pas de Jean XVI dans la liste officielle actuelle des Pontifes Romains.
Pas de Jean XVI, deux Jean XXIII : l’histoire de la papauté est pleine de choses étonnantes, décidément!
– Janus bifrons?
Le Pape Roncalli demeure quoi qu’on en dise une énigme.
Fut-il vraiment un Pontife bonhomme et simple? Ne s’est-il pas montré en plus d’une circonstance redoutablement habile et calculateur?
Etait-il un « homme d’audace et de modernité », comme certains se plaisent à le présenter, ou était-il un étonnant conservateur, comme pourraient le laisser penser son attachement aux antiques pompes liturgiques romaines et les prélats de curie qu’il plaça aux postes clefs du gouvernement de l’Eglise?
Plus je l’étudie, plus les fioretti et la dévotion populaire me semblent une façade en trompe l’oeil…
… plaquée sur la figure d’un singulier matois? ou sur celle d’un imprudent aux frontières de l’irresponsabilité?
Janus bifrons?
– Récit hagiographique officiel : une soudaine et irrépressible inspiration survenue le 25 janvier 1959 – et qui aurait surpris Jean XXIII lui-même – le poussant à convoquer le vingt-et-unième concile oecuménique.
Faux!
Des historiens ont produit les témoignages irréfragables de certains de ses collaborateurs attestant que le dit Pontife avait examiné la question avec eux plusieurs semaines auparavant.
De Paul VI :
– Homélie du 29 juin 1972 pour la solennité des Saints Apôtres Pierre et Paul :
« Si credeva che dopo il Concilio sarebbe venuta una giornata di sole per la storia della Chiesa. È venuta invece una giornata di nuvole, di tempesta, di buio, di ricerca, di incertezza. – On croyait qu’après le Concile serait venue une journée de soleil pour l’histoire de l’Eglise. C’est au contraire une journée de nuages, de tempête, d’obscurité, de recherche, d’incertitude, qui est venue. » (cf. > www).
Des faits !
– L’histoire de ce concile reste à écrire (cf. > www).
– Je me méfierai également des hagiographes et de ceux qui noircissent à outrance.
– Les faits! Les faits!
– Qu’on me donne avec la plus grande objectivité l’histoire des luttes d’ombre et de lumière, l’histoire des intérêts politiques et spirituels mêlés, l’histoire des conflits et des convergences qui sous-tend en réseaux entrecroisés le second concile du Vatican.
Qu’on ne taise pas « l’accord de Metz » (cf. > www) et qu’on ne passe pas non plus sous silence l’inespéré sursaut d’autorité du lundi 16 novembre 1964, véritable preuve d’une assistance de l’Esprit-Saint, par lequel Paul VI – à l’encontre peut-être de ses convictions personnelles (n’était-il pas, par éducation et par conviction un adepte des théories de la démocratie chrétienne?) – fit insérer la « nota praevia » à la constitution dogmatique Lumen gentium avant son adoption définitive par l’assemblée conciliaire!
– Et je me souviendrai qu’une chose est l’histoire, autre chose est le Magistère.
De Charles de Gaulle :
– Un de mes bons amis, me communique ce témoignage de Son Excellence Monseigneur Georges Gilson, archevêque émérite de Sens-Auxerre : l’anecdote se situe à la fin de l’été 1968 alors qu’il était le secrétaire particulier de Monseigneur François Marty, cardinal-archevêque de Paris.
Le général (de brigade à titre temporaire) Charles de Gaulle eut cette remarque à l’adresse du cardinal : «Le concile de Vatican II, l’événement le plus important de ce siècle, car on ne change pas la prière d’un milliard d’hommes sans toucher à l’équilibre de toute la planète» (cf. > www).
Comment ne pas y voir, en définitive, une singulière lucidité (celle qui fit défaut à nombre d’ecclésiastiques?)!
Cette réflexion en entraîne beaucoup d’autres et pourrait susciter de nombreux commentaires…
Du recul donné par l’histoire de l’Eglise :
– Je révise avec un certain plaisir l’histoire de la papauté aux IXe et Xe siècles.
Cela permet de relativiser pas mal de choses en voyant tous ces Papes (des Papes légitimes, faut-il le préciser?) qui s’emprisonnent mutuellement, s’étranglent entre eux, jugent les cadavres de leurs prédécesseurs et établissent à Rome ce que l’on appelé avec raison la pornocratie (le palais pontifical du Latran étant transformé en théâtre d’orgies et les « filles » payées avec les vases sacrés) …etc.
– Comme le disait si joliment Saint François de Sales : « Partout où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie ».
– Cela n’enlève rien au caractère divin de la Sainte Eglise.
– On raconte que, dans un de ses accès de colère, l’ignoble Buonaparte s’écria devant le cardinal Ercole Consalvi : « Votre Eglise, je la détruirai! » Et le porporato de répondre : « Vous n’y parviendrez pas : voilà dix-neuf siècles que nous autres hommes d’Eglise n’y sommes pas parvenus… »
Alors – aussi imparfait soit-il, aussi ambigu soit-il, aussi déformé soit-il dans son application, aussi récupéré soit-il par les ennemis de l’Eglise (à l’extérieur comme en son propre sein), et autant de dégâts qu’il ait fait et qu’il fasse en conséquence de cela – , un concile pourrait-il la détruire?
– Sans nul doute est-il préférable et souhaitable que les hommes d’Eglise soient des saints, mais, quand ils ne le sont pas (et loin s’en faut que tous le soient), j’en viens à préférer qu’ils se comportent mal dans leurs moeurs et ne perdent que leur propre âme, plutôt qu’ils laissent se propager l’erreur et l’hérésie qui égarent des multitudes d’âmes jusqu’à les faire tomber en enfer…
Damnatio memoriae?
– Cette année 2012 est celle du centenaire de sa naissance (14 juin 1912), du quarantième anniversaire de sa consécration épiscopale (6 janvier 1972), du trentième anniversaire de sa mort (3 juillet 1982), et pourtant, en marge du cinquantenaire du concile Vatican II, je n’ai entendu personne célébrer ni même rappeler sa mémoire, alors qu’il fut l’une des plus emblématiques figures de la réforme liturgique qui en est issue!!!
– Son nom? Annibale Bugnini…
– Plusieurs diocèses ont voulu marquer l’anniversaire du concile par des rassemblements et des célébrations.
– Leur zèle tapageur pour « Vatican II » est-il pur?
Ferveur de véritables fils de l’Eglise ou espèce d’auto-justification?
En réalité, n’y aurait-il pas dans cette façon d’en marquer l’anniversaire une volonté plus ou moins consciente de masquer l’aveu de leurs désillusions, voire aussi une forme de protestation contre un pontificat jugé « rétrograde » et contre toute tentative de « restauration »?
Est-ce bien le concile qu’ils célèbrent, ou bien ce qu’ils en ont fait : les désobéissances et les déformations dont ils ont été les promoteurs sous le prétexte de sa mise en oeuvre?
Est-ce le concile qu’ils célèbrent ou son détournement?
– N’y a-t-il pas quelque cruelle ironie à voir une majorité de vieillards « célébrer le renouveau et le dynamisme de l’Eglise » quand leurs paroisses sont désertifiées, leurs séminaires vides, leurs anciennes congrégations mourantes, leur nombre de prêtres en chute libre, leurs effectifs d’enfants baptisés et catéchisés réduits comme peau de chagrin …etc.?
Inconscience ou aveuglement volontaire?
– Pourquoi cela m’évoque-t-il l’image d’un troupeau de dindes manifestant bruyamment pour protester contre toutes les suggestions de modification du menu traditionnel de Noël?
– Dieu ne met aucune hâte à faire les choses.
Contrairement aux hommes.
Des hommes se sont hâtés de « réformer » ce que l’on croyait immuable. Ce qu’ils ont entrepris semble davantage faire écho à la parole que Notre-Seigneur adressait à Judas : « Ce que tu as à faire, fais-le vite! », plutôt qu’aux exigences de la vertu cardinale de prudence.
– Il n’a fallu que quelques secondes à Adam et Eve pour précipiter l’humanité dans le péché.
Dieu tout-puissant, Lui, a mis « plus de quatre mille ans » – selon l’expression du vieux cantique de Noël – pour réparer (et encore, pas en remettant les choses dans leur état originel) cette faute dont les conséquences perdureront pourtant encore jusqu’à la consommation des siècles.
Pourquoi Dieu a-t-il permis le péché?
Pourquoi Dieu a-t-il tellement tardé à vaincre le péché, puisque pendant ces millénaires les âmes, privées de Sa grâce, étaient encore plus exposées au danger de l’éternelle perdition?
Pourquoi la Rédemption opérée par Son Fils incarné a-t-elle dû se réaliser à travers la trahison et la damnation de l’un de Ses Apôtres dont la vocation n’était pas moindre en dignité que celle de Saint Pierre ou de Saint Jean?
Pourquoi Dieu a-t-il permis qu’un concile devienne « 1789 dans l’Eglise » et soit suivi d’une telle crise?
A vouloir tout comprendre et tout expliquer ne tente-t-on pas de juger l’infinie Sagesse de Dieu selon l’étroitesse de nos vues humaines?
– Il ne m’appartient pas de dire si le Pape a vraiment la foi et en quels degrés, mais il m’appartient de garder moi-même la foi et de me sanctifier dans la foi.
– Jésus a promis à Pierre que les portes de l’enfer ne prévaudraient point contre Son Eglise (cf. Matth. XVI, 18), mais Il ne lui a pas promis qu’elle serait exempte de combats douloureux comparables à des agonies, de blessures – et même de blessures graves – , ni même de mort apparente…
– Dieu sait bien que « la contre-révolution n’est pas une révolution contraire mais le contraire de la révolution » ; la manière qu’Il a de réparer les bêtises des hommes participe de Son Etre éternel, de Sa Sagesse éternelle, de Sa Justice éternelle, de Sa Miséricorde éternelle…
– Je l’ai déjà écrit (cf. > www) : j’ai l’intime conviction que le Pontificat présent ne fait que poser les tout premiers jalons de lecture et d’interprétation authentique du second concile du Vatican. Il faudra encore du temps, beaucoup de temps : expectans expectavi… (Psalm. XXXIX, 2).