Je crois, et je ne suis pas le seul, que dans la mise en place progressive et systématique du programme idéologique pour lequel il a été “formaté” à Chicago (Saul Alinsky, Bill Ayers et alii…), Obama vient de réveiller un géant qui dormait. Et ce géant, c’est l’Église catholique aux États-Unis. Une déclaration du Ad Hoc Committee for Religious Liberty (commission ad hoc pour la liberté religieuse créée le 29 septembre dernier) en donne un signal fort.
Cette déclaration intitulée Our First, Most Cherished Liberty : A Statement on Religous Liberty (notre première et plus précieuse liberté : une déclaration sur la liberté religieuse), a été élaborée par cette commission et approuvée par l’épiscopat le 13 mars dernier. Elle a été rendue publique hier 12 avril, une date désormais historique dans l’histoire de l’Église aux États-Unis et dans celle de l’Amérique, signée du président de la commission ad hoc, Mgr William Lori (archevêque désigné de Baltimore, Maryland), des dix évêques membres et des cinq évêques consultants qui la constituent. C’est une déclaration plutôt longue (35 000 signes en anglais), argumentée et structurée (le PDF est téléchargeable ici Our_First_Most_Cherished_Liberty) que je n’ai pas le loisir de traduire intégralement. Je me contenterai de quelques paragraphes particulièrement révélateurs.
La déclaration commence par illustrer son propos, en signalant des attaques particulièrement significatives du gouvernement Obama, appuyé sur le dispositif législatif et réglementaire dont il dispose, contre la liberté religieuse et notamment celle de l’Église catholique. En tête, évidemment, le HHS Mandate dont une grande figure de l’épiscopat américain et de l’Église universelle et un grand canoniste, le cardinal Raymond Burke, préfet de la Signature apostolique, vient de déclarer que l’accepter constituerait non seulement une « coopération matérielle » mais une « coopération formelle » au mal et qu’on ne pouvait « en aucun cas le justifier » ! La déclaration donne quelques autres exemples :
. des agences catholiques d’adoption et de placement d’enfants ont du cesser leurs activités à Boston, à San Francisco, en Illinois et à Washington D.C., faute d’accepter l’obligation faite par la loi de permettre l’adoption ou le placement chez des couples homosexuels ; leurs licences ont été révoquées ;
. des discriminations étatiques contre des services humanitaires catholiques, privant ces derniers de toute subvention fédérale s’ils n’acceptent pas de fournir des accès à l’avortement et aux contraceptifs ;
. un projet fédéral – que j’avoue découvrir – visant à restructurer les paroisses catholiques déclarées comme “sociétés” – la chose est possible et existe aux États-Unis – au détriment de l’autorité épiscopale ;
. une université d’État contraignant, au nom du principe de “non discrimination”, son association d’étudiants catholiques à quitter le campus pour que cette dernière ne soit pas obligée d’avoir des non catholiques ou des personnes hostiles au catholicisme dans son organe dirigeant (voir ici). Etc…
Passons, à présent, à la traduction de quelques passages d’intérêt.
Dans le premier, l’épiscopat rappelle que la liberté religieuse ne se limite pas à la liberté de culte…
« La liberté religieuse n’est pas seulement la possibilité d’aller à la Messe le dimanche ou de prier le chapelet à la maison. Il s’agit de savoir si nous pouvons apporter notre contribution au bien commun de tous les Américains. Pouvons-nous accomplir les bonnes œuvres que notre foi nous invite à faire, sans avoir à compromettre notre foi elle-même ? Sans la liberté religieuse, entendue comme il convient, ce sont tous les Américains qui souffrent en ce qu’ils sont privés de l’aide essentielle en matière d’éducation, de santé, d’aliments pour ceux qui ont faim, de droits civiques et de services sociaux que les croyants américains fournissent chaque jour, chez nous et à l’étranger ».
Le paragraphe suivant met en garde contre l’étatisme et rappelle le principe de subsidiarité:
« Ce qui est en jeu c’est de savoir si l’Amérique continuera à avoir une société civile libre, créatrice et solide, ou si l’État sera le seul à déterminer qui peut contribuer au bien commun et comment on le peut. Les croyants font partie de la société civile américaine où l’on trouve des voisins qui s’aident réciproquement, des associations communautaires, des clubs de service fraternel, des ligues sportives ou des groupes de jeunes. Tous ces Américains apportent leur contribution à notre vie quotidienne, et ils n’ont pas besoin de l’autorisation du gouvernement pour le faire. Toute restriction à la liberté religieuse est une attaque contre la société civile et contre le génie américain pour les associations volontaires ».
Un nouveau paragraphe évoque, avec force, la désobéissance civile :
« C’est une chose triste que de voir notre gouvernement promulguer une loi injuste [le HHS Mandate]. On n’a pas à obéir à une loi injuste. Face à une loi injuste, il n’est pas question de rechercher un accommodement [le mot même utilisé par Obama pour tenter d’adoucir l’amertume de la pilule qu’il veut faire avaler aux catholiques], notamment en ayant recours à des mots équivoques et à des agissements trompeurs. Si nous devons aujourd’hui affronter des lois injustes alors les catholiques en Amérique, en solidarité avec leurs compatriotes, doivent avoir le courage de ne pas leur obéir. Aucun Américain ne souhaite que cela arrive. Aucun catholique ne peut accueillir cela avec joie. Mais si cela nous tombe dessus, nous devons nous en acquitter car c’est un devoir citoyen et une obligation de foi ».
Les évêques américains élargissent la question de la liberté religieuse au monde entier :
« Dans cette déclaration, en tant qu’évêques aux États-Unis, nous nous occupons de la situation que nous trouvons ici, chez nous. Mais dans le même temps, nous sommes conscients et avec tristesse que la liberté religieuse est en plus grand péril dans d’autres régions du monde. Notre devoir, chez nous, c’est de défendre vigoureusement la liberté religieuse, mais nous ne pouvons pas dédaigner la situation critique beaucoup plus grave que connaissent des croyants, la plupart chrétiens, à laquelle ils sont affrontés dans le monde. Le temps du martyre n’appartient pas au passé. Des assassinats, des attaques à la bombe contre des églises, des orphelinats incendiés : ce ne sont que les plus violentes attaques subies par des chrétiens à cause de leur foi en Jésus-Christ. On trouve dans les lois de plusieurs pays d’autres négations des droits humains fondamentaux, et aussi par des persécutions de la part d’adhérents à d’autres fois [l’islam est aussi en filigrane dans ce passage].
Si la liberté religieuse est rognée ici, chez nous, la défense américaine de la liberté religieuse à l’étranger sera moins crédible. Et une menace commune, qui recouvre à la fois le domaine international et national, réside dans la tendance à réduire la liberté religieuse à la simple liberté de culte. Par conséquent, nous avons la tâche de renforcer la liberté religieuse chez nous, pour tel motif ou tel autre, afin que nous puissions la défendre plus vigoureusement à l’étranger. À cette fin, la politique étrangère américaine de même que vaste réseau international des institutions catholiques devraient faire de la promotion de la liberté religieuse une priorité continuelle et urgente ».
Dans ce dernier paragraphe, les évêques convoquent à une campagne nationale dite « Quinzaine pour la Liberté » :
« Nous suggérons que les quatorze jours entre le 21 juin – vigile des fêtes de saint John Fisher et de saint Thomas More – et le 4 juillet, Jour de l’Indépendance [fête nationale aux États-Unis] soient consacrés à cette “Quinzaine pour la Liberté”, dans une grande hymne de prière pour notre pays. Notre calendrier liturgique célèbre plusieurs grands martyrs qui sont demeurés fidèles face à la persécution du pouvoir politique : saint John Fisher, saint Thomas More, saint Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul, les Premiers martyrs de l’Église de Rome. Culminant au Jour de l’Indépendance, ce temps spécial de prière, de réflexion, de catéchèse et d’action publique devra célébrer à la fois notre héritage chrétien et américain en matière de liberté. Les diocèses et les paroisses dans tout le pays pourront choisir une date de cette période pour organiser des manifestations spéciales qui participeront à cette grande campagne nationale d’enseignement et de témoignage pour la liberté religieuse ».
J’insiste, et ne crains pas de me répéter, il s’agit là d’une campagne lancée par l’épiscopat américain qui n’a aucun précédent à ma connaissance tant par son ampleur, que par sa détermination et son unité épiscopale sans faille… Nous devons la saluer et, dans la communion de saints, nous y associer. Je vous propose donc, comme je l’ai déjà fait pour les campagnes des 40 Days for Life, de constituer une petite chaîne de prière “de l’arrière” en récitant chaque jour, entre le 21 juin et le 4 juillet, une dizaine de Je vous salue Marie aux intentions de cette grande bataille, qui est aussi la nôtre, qu’engage l’Église catholique aux États-Unis. Si vous voulez bien vous inscrire à cette chaîne de prière, merci de me le signaler ici…
Merci. Si ce genre d’initiative pouvait avoir lieu en France….
Bonjour,
1. En l’occurrence, j’ai l’impression, à la lecture de ce texte, mais je ne connais ni l’ensemble du texte, ni l’ensemble du contexte, que la partie de l’argumentaire qui est mise en avant dans cet article est quelque peu hémiplégique.
2. Je ne suis pas absolument persuadé par le fait qu’il ne s’agit, dans cette affaire, que de la liberté religieuse, ou de l’autonomie relative de la personne humaine en matière religieuse.
Je pense qu’il s’agit également de l’autorité absolue de la loi divine en matière morale, de l’articulation entre l’une et l’autre, et de la subordination de la liberté humaine à la vérité divine.
3. Si l’Eglise catholique est combattue, c’est parce qu’elle croit encore en la nécessité de faire marcher et de faire tenir ensemble
– l’autonomie relative de la personne humaine en matière religieuse, ce que j’appelle aussi la liberté responsable en matière religieuse,
ET
– l’autorité absolue de la loi divine en matière morale, ce que j’appelle aussi la vérité libératrice en matière morale.
4. Le problème est ici le suivant : depuis bientôt 50 ans, l’Eglise catholique n’insiste suffisamment
– ni sur la dimension responsabilisante de l’adhésion à la liberté humaine en matière religieuse, pour les catholiques comme pour les autres chrétiens, pour les chrétiens comme pour les autres croyants, pour les croyants, comme pour les non croyants ;
– ni sur la dimension libératrice de l’adhésion à la vérité divine en matière morale, sur l’autorité universelle de la vérité divine en matière morale, telle que celle-ci se manifeste dans la loi naturelle qui a été prescrite par Dieu, Créateur de la nature.
5. A ma connaissance, il a fallu attendre la lettre encyclique Veritatis Splendor, en 1993, pour que l’Eglise catholique, sous l’impulsion de Jean-Paul II, explicite
– l’articulation entre la liberté humaine et la vérité divine, en matière morale,
– la subordination de la liberté humaine à la vérité divine, en matière morale.
Cette lettre encyclique, surtout en ce qui concerne la deuxième de ses trois parties, absolument fondamentale, était destinée aux évêques ; je ne suis pas absolument persuadé qu’ils aient tous fait le nécessaire pour la faire connaître, comprendre, et aimer, par leurs fidèles respectifs…
6. Mais, à ma connaissance, le même type d’explicitation, consacré
– à l’articulation entre la liberté humaine en matière religieuse et la vérité divine en matière morale,
– à la subordination de la liberté humaine en matière religieuse à la vérité divine en matière morale,
n’a jamais été effectué, entrepris, par l’Eglise catholique, d’une manière suffisamment explicite et spécifique, au bénéfice et à destination des catholiques et des non catholiques, des individus et des institutions, des citoyens et des dirigeants, des Etats et des peuples, pour qu’il n’y ait aucun malentendu sur cette articulation et sur cette subordination.
7. Aujourd’hui, plus que jamais, depuis le début des années 1960 et du Concile, il faut que l’Eglise fasse savoir clairement, aux individus et aux institutions, que l’autonomie relative des uns et des autres en matière religieuse ne doit déboucher
– ni sur de l’anomie morale, car la liberté humaine responsable en matière religieuse est subordonnée à la vérité divine libératrice en matière morale,
– ni sur de “l’athéocratie”, car la volonté de liberté responsable, en matière religieuse, n’a pas à être assimilée à de la volonté de licence, transgressive, en matière religieuse,
– ni sur de la “théocratie”, car la volonté de liberté responsable, en matière religieuse, n’a pas à être synonyme de volonté de puissance, agressive, en matière religieuse.
8. Quand je parle
– de liberté responsable en matière religieuse, d’autonomie relative de la personne humaine en matière religieuse,
– de vérité libératrice en matière morale, d’autorité absolue de la loi divine en matière morale,
– d’articulation entre l’une et l’autre, et de subordination de l’une à l’autre,
je parle de deux principes et fondements qui s’imposent à tous, non seulement à tous les individus, mais aussi à tous les Etats et à tous les peuples ; pour autant, ce n’est pas de la théocratie, mais de la théonomie.
9. L’Eglise catholique, au moment du Concile, sous l’impulsion, notamment, d’un théologien et de plusieurs évêques…américains, a cru devoir faire un autre choix, celui de faire reposer l’articulation
– entre la liberté, dans l’ordre du croire
– et la vérité, dans l’ordre de l’agir
sur une anthroponomie : la dignité et la liberté de la conscience et de la personne humaine, un peu comme si, il faut bien le dire, l’une et l’autre étaient, pour ainsi dire, inerrantes et infaillibles…
De mémoire et en substance, la seule limite à la liberté religieuse qui a été formulée par l’Eglise catholique, dans Dignitatis Humanae, est une limite adossée à la notion d’ordre public, sans référence, ou en tout cas sans référence explicite et spécifique, à la subordination de l’ordre public à l’autorité absolue de la vérité divine en matière morale.
10. Si le Président OBAMA a une conception de l’ordre public qui l’amène, très directement ou indirectement, à faire à l’Eglise catholique, aux Etas-Unis, les misères qu’il lui fait, c’est à celle-ci à se défendre, mais ce que je suggère, c’est que les catholiques se défendent, en marchant et en tenant sur leurs deux jambes :
– celle de la promotion de la liberté humaine responsable, en matière religieuse,
ET
– celle de la promotion de la vérité divine libératrice, en matière morale.
Cette liberté là et cette vérité là s’imposant à tous, y compris aux Etats, cette vision des choses me semble plus éclairante et plus exigeante, mais aussi plus cohérente et moins équivoque que la seule référence à la notion d’ordre public, en tant que délimitation, relativement indéterminée, de la liberté humaine, sans prescription, énergique et courageuse, de la vérité divine.
Vraiment merci beaucoup pour la publication éventuelle de ce message sur votre site, et excellente continuation à tous.
A Z
Merci, cher Daniel Hamiche, de nous faire parvenir cette grande et bonne nouvelle qui nous vient d’Amérique.
Je reprendrai en écho le premier commentaire, “Si ce genre d’initiative pouvait avoir lieu… en Belgique ‘”.
Hélas, il n’y a aucune unité épiscopale sauf pour ce qui est contraire à ce que veut l’Eglise Catholique.
Il n’y a de déclarations épiscopales que pour clamer ce qui est contraire à ce que veut l’Eglise Catholique. Exemples récents plaidant pour l’ordination d’hommes mariés et pour l’ordination de femmes…
Mgr Léonard est seul.
Ses évêques lui tournent le dos et lorsqu’il leur arrive, ô miracle, d’obéir au Pape ce n’est qu’à coups de crosse du Vatican !
Prions pour ces évêques américains afin qu’ils restent toujours plus unis et plus forts dans la Foi et aussi pour la conversion des évêques de nos pays décadents.
courageux et lumineux; cela me conforte dans l’idée qu’on ne peut voter prochainement pour un moindre mal, dans le but d’éviter un mal pire, si ce moindre mal est en contradiction forte avec des valeurs essentielles.