Le saint Père a rappelé lundi, devant les 178 ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège (en français, langue officielle de la diplomatie vaticane) que le monde en tant que monde présent n’est pas forcément dans ses plus belles heures. N’en déplaise aux “optimistes” de passage. Mais que le catholicisme a des armes concrètes pour affronter ces problèmes. Analyse du discours.
« Le moment actuel est malheureusement marqué par un profond malaise et les diverses crises: économiques, politiques et sociales, en sont une expression dramatique. »
1° La crise économique, un mal pour un bien ?
Le Saint Père rappelle d’abord « les développements graves et préoccupants de la crise économique et financière mondiale. », qu’il prend toutefois, selon l’herméneutique sub ratione boni (point de vue bon) sur le monde, comme un mal pour un bien : « la crise peut et doit être un aiguillon pour réfléchir sur l’existence humaine et sur l’importance de sa dimension éthique, avant même de le faire sur les mécanismes qui gouvernent la vie économique ». La crise économique permettant tout à la fois, par mode d’ascétisme généralisé en quelque sorte, un retour à la rigueur d’une existence qui ne se satisfasse plus de pain, mais qui dorénavant doit attendre les paroles qui sortent de la bouche du Seigneur. Classique dans le discours de l’Eglise, qui connaît l’art d’user des malheurs ; non pas qu’elle se réjouisse de la paupérisation annoncée des populations occidentales parce qu’elle se nourrit du désespoir des gens, mais parce qu’au milieu de l’écroulement des civilisations, toujours la Croix, et l’Eglise, demeurent. Stat crux dum volvitur orbis.
2° Espoirs et pièges des révoltes arabes
Les révoltes arabes, et leurs résultats, sont éminemment préoccupants pour l’Eglise : « L’optimisme initial a cependant cédé le pas à la reconnaissance des difficultés de ce moment de transition et de changement » – par là Benoit XVI conforte les craintes occidentales envers la victoire des islamistes aux élections, montrant par là que ces peuples ne se sont pas totalement extirpés du joug qui pèse sur eux. Regard perspicace, donc, du Saint-Père, sur la situation qui se déroule dans les pays arabes. Point n’est besoin de rappeler qu’avec ces victoires islamistes, nous découvrons, occidentaux naïfs que nous sommes, que les pays arabes sont musulmans. Au contraire, ce que nous découvrons c’est que les populations des pays arabes ne se sont pas libérés du joug islamiste qui pèse sur eux. Et comment pèse ce joug ? Sur la masse déculturisée et islamisée des populations arabes. C’est clair pour le Saint-Père : c’est la jeunesse arabe, éduquée, qui a levé ces pays, mais c’est la masse, la vieille population, qui vote. Le piège s’est refermé, parce que les populations n’ont pas l’ouverture de la jeunesse, ouverte notamment sur les démocraties occidentales. Aussi s’explique la victoire des islamistes.
3° L’éducation, vecteur d’espoir
Le type d’éducation, justement, est tout à la fois la cause et la tâche de ces mouvements mondiaux. En occident la crise est provoquée par la décadence morale et le consumérisme ; dans les pays arabes les révolutions sont provoquées par la rigidité législative (de l’islam) et la pauvreté. Le parallèle opéré par le Saint-Père est clair. Des deux, le salut et la paix viendra d’une éducation juste, qui reposera sur des lieux forts : « Outre un objectif clair, comme est celui de conduire les jeunes à une connaissance pleine de la réalité et donc de la vérité, l’éducation a besoin de lieux. ». Et du lieu où l’on est le plus proche, d’où l’homme se nourrit de ce qu’il a de plus profond, c’est son chez soi : « Parmi ceux-ci figure en premier la famille, fondée sur le mariage d’un homme avec une femme. ». Sans chez soi, une famille stable et assurée, c’est le pays tout entier qui s’effondre. Car le Saint-Père, en reprenant l’élaboration aristotélicienne (et naturaliste) du Ier livre de la Politique, fait de l’État le prolongement de la famille : « Le cadre familial est fondamental dans le parcours éducatif et pour le développement même des individus et des États ».
D’où deux constats :
- D’une part, l’effondrement et le dérèglement de la famille produit l’effondrement de l’état, et de la nation tout entière. En d’autres termes, être pour le mariage gay et être anti-nationaliste, c’est une seule et même chose.
- D’autre part, le catholicisme, en tant qu’institution, permet cette ouverture éducative ; aussi, « une œuvre éducative efficace requiert également le respect de la liberté religieuse. », car « l’Église catholique a toujours été particulièrement active dans le domaine des institutions scolaires et académiques, remplissant une œuvre appréciée à côté de celle des institutions étatiques. ». En d’autres termes, parmi les remous qui secouent ce monde, le catholicisme n’a pas seulement un message à faire passer, mais a encore une immense tâche très concrète à accomplir.