Curieuse démarche que celle de la Canon Law Society of America, une association de juristes spécialistes en droit canon et qui regrouperait 1 300 membres, mais dont il n’est pas même nécessaire qu’ils possèdent une licence en droit canon car ils peuvent devenir membres « actifs » à la discrétion du conseil d’administration (article III, § 2 des statuts de l’association). En effet, et en application d’une résolution prise lors de sa dernière assemblée générale (en octobre dernier, à Jacksonville Floride), la présidente Rita Joyce a adressé, début décembre, une lettre à l’archevêque de New York, Mgr Timothy Dolan, en sa qualité de président de la Conférence épiscopale (United States Conference of Catholic Bishops, USCCB), pour lui proposer les services de l’association afin “d’améliorer” – c’est le sens selon des déclarations postérieurs de l’association, la lettre n’ayant pas été rendu publique – le travail d’analyse mené par les évêques sur les travaux des théologiens. Cette démarche me semble assez déplacée, pour ne pas dire plus, mais la Canon Law Society of America avait été offusqué de la condamnation par la commission doctrinale de l’USCCB de passages hérétiques d’un ouvrage de la religieuse Elizabeth Johnson (Quest for the Living God : Mapping Frontiers in the Theology of God), paru au début de l’année. J’ai suivi ce dossier sans en faire un article : mon avis est que la commission doctrinale a vu juste, mais la religieuse n’a pas été satisfaite de la procédure. Elle espérait sans doute d’interminables bavardages, alors que le livre était déjà publié et disséminait des doctrines fausses. L’archevêque Dolan est sans doute rond de corpulence, mais très fin d’intelligence. Il a fait savoir qu’il avait bien reçu la lettre mais qu’il l’avait transmisse à… la commission doctrinale de l’USCCB qui a « seule compétence » sur ce type d’affaires… La démarche de cette association me semble à la limite de l’insolence même si, comme je l’imagine, la rédaction de la lettre a été soignée, en ce qu’elle pourrait, sous couvert de procédure canonique à tout le moins discutable, vouloir s’immiscer dans le munus docendi que seuls les évêques possèdent en propre. Cet incident est révélateur de deux choses qui ne fonctionnent pas dans l’Église.
1. La commission doctrinale d’un épiscopat ne possède pas, en propre, ce munus docendi, et aucun texte diffusé n’a, en soi, une note magistérielle Encore une fois, seul l’évêque la détient, et un évêque diocésain particulier n’est pas tenu par un texte produit par n’importe laquelle des commissions de sa Conférence épiscopale. Il y a là un problème sérieux.
2. Les théologiens publient et personne ne le leur reprochera, mais un nombre non négligeable d’entre eux publient parfois n’importent quoi et parfois même des ouvrages fourmillant d’hérésies. Il conviendrait, là encore, d’en revenir à la discipline antérieure. Aucun théologien catholique ne devrait lancer de livres dans le public avant d’avoir obtenu l’imprimatur et le nihil obstat de son ordinaire, quand il est laïc, de son ordinaire ou de son supérieur religieux quand il est prêtre ou religieux, comme c’est le cas de sœur Elizabeth Johnson. On s’éviterait ainsi des polémiques publiques bien inutiles et désagréables pour la Sainte Église.
Mieux vaut dans l’état actuel des choses, aux USA apparemment mais en France à coup sûr, s’abstenir de faire des études de théologie si on ne veut pas courir le risque de finir parfaitement hérétique.
En tous cas, les laïcs français n’ont pas le monopole de l’insolence. L’air empoisonné de 68 s’est répandu partout, plus pernicieux que le nuage de Tchernobyl. Notre Saint Père et ceux qui lui sont fidèles ont du pain sur la planche, prions pour eux!
Vous avez raison Michèle, le champ de la théologie est un champ difficile car dès qu’on a une idée nouvelle on est vite traité d’hérétique. Pourtant ne croyez vous pas que la recherche est plus fructueuse quand elle est libre? Y aurait il une exception pour la théologie?