La cause d’Edmond Michelet a été ouverte par Mgr Bernard Charrier, évêque de Tulle, le 16 septembre 2006 à Brive. Présidée par le professeur Yves-Marie Hilaire (professeur honoraire de l’université Charles-de-Gaulle / Lille 3), la commission historique est composée de 7 historiens. Cette équipe travaille en lien étroit avec la postulatrice de la cause, Lucienne Sallé. Mgr Charrier n’hésite pas à mélanger la béatification d’Edmond Michelet et celle de ses choix politiques :
Il a été un homme de fidélité, et de courage, de foi et de prière. Sa foi était éclairée par ses lectures, par ses échanges au sein d’un large réseau d’amis laïcs comme lui et de religieux. Ce qui me touche, c’est la fidélité de cet homme à ses convictions chrétiennes, au sein même de ses engagements. Mais j’ajoute, il fut aussi un homme libre, capable de faire des choix et de les assumer : le choix d’être résistant à la première heure, le choix d’un engagement politique avec ses risques. […] Je suis de ceux qui espèrent qu’un jour l’Eglise reconnaîtra la sainteté d’Edmond Michelet. Mais c’est une décision encore à venir. Nous sommes présentement à l’heure du discernement et de la recherche des témoignages, des documents, pour comprendre une histoire, la sienne et celle de son époque. […] Dès maintenant pourtant, pour les chrétiens du diocèse de Tulle et pour beaucoup d’autres, l’expérience humaine, le chemin spirituel et l’engagement d’Edmond Michelet, étonnent et stimulent. Ils réveillent l’idée qu’être chrétien n’est pas une petite affaire, qu’il en va au contraire d’une foi éclairée et active, qu’on peut être chrétien quand on assume des responsabilités importantes, que la politique doit être animée, elle aussi, par une forte exigence éthique.
Il reste que les choix politiques (et surtout religieux) de la démocratie chrétienne ouest-européenne n’ont pas été heureux. Je partage avec les démocrates chrétiens d’après guerre une commune aversion pour le national-socialisme et pour le marxisme-léninisme, mais je ne vois aucune raison d’approuver le prétendu anti-colonialisme (qui consista à laisser la voie libre à l’impérialisme soviétique en attendant la théocratie islamiste, sans parler du grave recul en termes de développement économique et culturel des pays concernés). Je ne vois aucune raison surtout d’approuver l’espèce de progressisme diffuse qui nous promettait la paix par la disparition des nations et une dissolution de l’Eglise catholique dans une espèce de magma interreligieux. […] Qui peut nier aussi que la démocratie chrétienne s’est toujours alliée avec le socialisme, y compris communiste, contre les chrétiens dits « conservateurs »? Bref, chacun fait ce qu’il veut en politique (à condition naturellement de respecter la loi naturelle et la loi divine), mais je ne me sens pas vraiment porté à applaudir aux « réussites » démocrates chrétiennes! Et je ne verrais donc pas volontiers une canonisation de ces orientations politiques. […] J’ai, en particulier, un peu de mal à croire qu’un homme qui a rétabli la peine de mort pour crime politique, qui a fait pression (alors que sa mission de Garde des sceaux aurait exigé un peu de retenue, pour ne rien dire de l’indépendance de la justice) sur les tribunaux pour « obtenir » la peine de mort contre les généraux Challe et Zeller (et peut-être d’autres encore), puisse être béatifié. Surtout en un temps où Rome est plutôt sur une « ligne » très réservée, pour ne pas dire plus, à propos de la peine de mort. […]Si béatification il y a, elle ne pourra donc sanctionner que la qualité de la vie personnelle du croyant.