J’ai déjà traité ici de l’“affaire” du curé de Charleston. À présent, c’est le
curé de la paroisse St. Joseph à Modesto (comté de Stanislaus, Californie), le P. Joseph Illo (photo : en train de lire son bréviaire), qui met
en garde ses paroissiens d’avoir à se confesser s’ils avaient voté po
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ur Obama dans certaines dispositions de
conscience. Le curé l’a d’abord expliqué aux fidèles rassemblés pour sa Messe dominicale du 16 novembre, puis, sans doute en raison de l’incompréhension de certains, il a explicité sa
pensée dans une lettre adressée, le 21 novembre suivant, en la Fête de la Présentation, à
plus de 15 000 paroissiens de St. Joseph qui relève du diocèse de Stockton. Et cette lettre est très bonne. Je crois devoir vous en fournir une traduction intégrale, d’autant plus que,
comme il fallait s’y attendre, le curé s’est fait “taper sur les doigts” par son évêque, Mgr Stephen Blaire. Dans un communiqué de presse du 1er décembre – fait exceptionnel puisqu’on n’en
compte que trois pour toute l’année 2008 – l’évêque déclare : « Déterminer la culpabilité morale d’un individu catholique qui vote pour un candidat qui a des antécédents pro-avortement, est une
affaire très compliquée. Exiger de tous les catholiques qui ont voté pour un candidat ayant des antécédents pro-avortement d’aller se confesser n’est pas en accord avec les directives morales
énoncées dans Faithful Citizenship [1]. Toutefois, si un catholique vote pour un candidat ayant des antécédents pro-avortement au motif de soutenir cette position sur l’avortement, alors
c’est une affaire morale grave ». M’est avis que l’évêque a lu un peu trop rapidement le texte de son curé qui ne soutient pas précisément ce que l’ordinaire lui reproche indirectement et sans le citer. Il y aurait beaucoup à dire sur la
coopération matérielle et formelle à l’avortement… Ce poste étant déjà exceptionnellement
long, je préfère m’arrêter ici.
Voici donc le texte de cette lettre (les italiques sont du P. Illo, les [ ] de votre serviteur ainsi que les indispensables notes explicatives au texte).
« Chers paroissiens de St. Joseph,
j’ai dit récemment lors de la Messe : “Si vous avez voté pour un candidat pro-avortement le 4 novembre et que vous saviez ce que vous faisiez, vous devez aller vous confesser avant de recevoir la
communion”. Ai-je eu des propos déplacés ? Je répondrai à cette question, du mieux que possible, à la fin de cette lettre.
Tous les catholiques ont la grave obligation de défendre la vie humaine innocente, et tout spécialement celle des plus pauvres et des plus démunis. Jésus a dit : “Ce que vous faites au plus petit
d’entre mes frères et sœurs, c’est à moi que vous le faites”. Il y a beaucoup de sortes de pauvres dans notre comté de Stanislaus. Les sans-abri, les incarcérés, les pauvres âgés, les infirmes, ceux qui sont dans maisons de retraite : tous ont besoin de
notre amour particulier. Mais il y a toute une classe d’Américains qui est la cible d’une attaque concentrée, un peuple sans droits, dont l’existence même dépend du caprice de juges et de
politiques. Je parle bien sûr des Américains à naître. L’industrie de l’avortement et notre système juridique se refusent à reconnaître l’humanité du fœtus d’homme. Mais si un fœtus d’homme n’est
pas humain, qu’est-il ?
Nous les catholiques, et tous les gens de bonne volonté et raisonnant sainement, devons défendre la vie des plus
pauvres des pauvres. Protéger les enfants à naître de l’avortement est le problème décisif de notre temps comme notre Église l’a toujours explicité : “Parmi tous les crimes que l’homme peut
accomplir contre la vie, l’avortement provoqué présente des caractéristiques qui le rendent particulièrement grave et condamnable” a écrit Jean-Paul II dans L’Évangile de la vie
(1995 [n. 58]). “Devant une situation aussi grave, le courage de regarder la vérité en face et d’appeler les choses par leur nom est plus que jamais nécessaire”.
Beaucoup de catholiques [2] on voté le 4 novembre pour des candidats qui ont clairement dit qu’ils promouvront l’avortement. Le Président élu Obama, par exemple, a promis à Planned
Parenthood que la première chose qu’il fera, sitôt qu’il assumera ses fonctions, sera de
signer le soi-disant “Freedom of Choice Act”, qui permettra un accès sans limite à l’avortement, et jusqu’au moment de l’accouchement, dans les 50 États. Beaucoup de catholiques ont voté
pour de tels candidats pro-avortement en pensant que leurs bonnes positions sur d’autres problèmes, comme la guerre ou les soins médicaux, étaient plus importantes que leur lamentable position
sur l’avortement. Beaucoup ont écarté le “vote sur un seul problème”, mais si un problème est très sérieux personne n’objecterait à “voter sur un seul problème”. Par exemple, s’il s’agissait de
légaliser l’esclavage, personne n’hésiterait à voter contre un candidat sur ce seul problème. En fait, cette élection a été de toutes les manières et en grande partie un vote sur un seul problème, et ce problème c’était l’économie. Ce que nous autres catholiques et les
gens raisonnant sainement devons comprendre c’est que refuser de protéger toute vie humaine est rédhibitoire. L’avortement est un problème beaucoup plus sérieux que l’esclavage ?
Mes chers frères et sœurs, je sais que beaucoup d’entre vous n’avaient pas les idées très claires sur ces problèmes. Les temps sont difficiles pour nous tous et nous devons affronter des
problèmes sociaux et culturels inédits. Mais une chose est sûre et certaine : nous ne pouvons jamais voter pour un candidat qui s’est engagé à promouvoir l’avortement. À nul promouvant
l’assassinat de la vie naissante ne saurait être confiée la charge du bien public. “Le plus grand destructeur de la paix dans le monde d’aujourd’hui, a écrit Mère Teresa, c’est
l’avortement”. Ce n’est pas l’économie, la guerre, les soins médicaux, la pauvreté ou le terrorisme.
C’est l’avortement. “La vie humaine, selon le Catéchisme de l’Église catholique, doit être respectée et protégée de manière absolue depuis le moment de la conception (…) Le droit
inaliénable à la vie de tout individu humain innocent constitue un élément constitutif de la société civile et de sa législation” [2270, 2270]. Autrement dit, c’est un problème de droits
civiques. Nous devons parler pour ceux qui n’ont pas de voix. Nous devons exiger que nos responsables politiques soient honnêtes ; ils sont franchement malhonnêtes quand ils affirment que le
fœtus humain n’est pas humain.
Si vous faites partie de ces 54 % de catholiques qui ont voté pour un candidat pro-avortement, qui connaissaient sa position et étaient au fait du sérieux de cette question, je vous
conjure d’aller vous confesser avant de recevoir la communion. Ne prenez pas le risque de perdre
votre état de grâce en la recevant de manière sacrilège. J’en appelle à votre conscience fondée sur l’enseignement de l’Église. À des degrés divers, nous avons tous du sang de ces enfants sur les
mains. Je m’en suis moi-même confessé sacramentellement, et je vous le confesse aujourd’hui : je n’en ai pas fait assez pour défendre ces enfants. Leur sang est aussi sur mes mains. Nous
les verrons dans la vie future et ils nous demanderont pourquoi les avons-nous laissés mourir.
Le pape Benoît XVI a écrit en 2004 (il était alors le cardinal Ratzinger) que les responsables politiques catholiques qui “font systématiquement campagne et votent pour des lois
permissives en matière d’avortement et d’euthanasie » sont coupables d’un grand mal. Si on les a prévenus qu’ils doivent s’abstenir de la sainte Communion et qu’ils persistent à promouvoir
l’avortement, alors, écrit-il, “le ministre de la sainte Communion doit refuser de la [leur] donner » [3]. En 2002, il avait écrit qu’« une conscience chrétienne bien formée ne permet pas qu’on
vote pour un programme politique (…) qui contredit les contenus fondamentaux de la foi et de la morale”.
Si vous avez voté pour un candidat pro-avortement, je ne puis dire en toute certitude si vous devez vous abstenir
de la sainte Communion. Je ne sais pas quel était l’état de votre réflexion alors. Mais voter pour un candidat qui s’est engagé pour les “droits à l’avortement”, même s’il s’est engagé
sur toutes sortes d’autres choses bonnes, c’est voter pour l’avortement. C’est une grave erreur, et c’est probablement un péché grave. Aucun autre problème ne peut être tenu pour
équivalent à la destruction légale de l’enfant d’une mère. Je vous écrit parce que je vous aime et parce que j’ai le souci de votre relation avec Dieu. Je vous écrit aussi parce que Dieu l’exige
de moi comme prêtre catholique…
Nous n’avons pas à accepter des candidats “pro-avortement”. Nous pouvons et nous devons exiger que nos responsables politiques protègent le droit inaliénable de tout Américain à
vivre et à s’épanouir. Si chaque catholique de ce district [4] avait, par exemple, dit au député
Dennis Cardoza [5], qu’il le soutiendrait et soutiendrait l’essentiel de son programme politique, mais qu’il ne voterait pas pour lui tant qu’il ne défendrait pas toute vie
humaine, il aurait changé de position. Nous tous catholiques, et tous les gens raisonnant sainement et de bonne volonté, pouvons et devons tout simplement exiger de nos responsables politiques
qu’ils agissent, pour ce qui est du respect
de la vie humaine, avec raison et responsabilité ».
Dans l’ultime paragraphe de sa lettre le P. Illo indique les jours et les heures de confession…
L’évêque et son curé ont du – ou doivent – se rencontrer pour discuter de tout cela, et le P. Ello a dit
son intention de publier une seconde lettre « pour préciser » sa position. En attendant lui et sa paroisse se préparent activement à la Walk for Life West Coast, la marche pour la vie
qui aura lieu à San Francisco le 24 janvier, deux jours après la grande March for Life de
Washington.
[1] Ce document d’une quarantaine de pages fut approuvé par une majorité qualifiée – au moins les deux tiers – d’évêques lors de leur assemblée plénière de novembre
2007. Publié ce même mois sous le titre Forming Consciences for Faithful Citizenship : A Call to Political Responsibility from the Catholic Bishops of the United States [la formation des
consciences au service d’une citoyenneté fidèle : un appel des évêques catholiques des États-Unis à la responsabilité politique], il fut réédité, une troisième fois, en mai 2008, c’est-à-dire en
pleine campagne électorale.
Ce texte est loin de faire l’unanimité chez les catholiques américains (y compris chez certains évêques…), en raison de certaines formulations ambiguës pouvant être interprétées dans un sens ou
dans un autre. Le commentaire même de Mgr Blaire le démontre (il en cite 5 passages, mais rien du Magistère). C’est là encore un de ces textes de compromis dont la Conférence épiscopale a le secret du savoir-faire, mais qui laisse le problème en
suspens, les fidèles désemparés, les sacrilèges se multipliant et l’Église divisée.
[2] Les sondages de “sorties des urnes” donnent le chiffre de 54 % de catholiques ayant voté pour Obama, donc 1 point au-dessus du résultat national (53 %). Raymond Arroyo, le
directeur de l’information d’Eternal Word Television Network, estimait, de son côté, que plus d’un évêque sur deux a voté pour Obama !
[3] Worthiness to Receive Holy Communion. General Principles. Mémorandum écrit directement en anglais par le cardinal Ratzinger à l’intention des évêques américains et adressé au
cardinal Theodore McCarrick (écrit en juin 2004, expédié au destinataire avant la session de printemps de l’assemblée plénière de l’épiscopat américain – 14-19 juin 2004 – et rendu public
dans la première semaine de juillet).
[4] 18ème district électoral de l’État de Californie qui en compte 53. Il se compose des comtés de Stanislaus et de Merced.
[5] Dennis A. Cardoza, 49 ans, est député démocrate du 18ème district de Californie depuis 2002. Cet élu “catholique” est membre de la Blue Dog Coalition qui regroupe une
quarantaine de députés démocrates plutôt modérés ou conservateurs, voire pro-vie pour certains : ce qui n’est pas cas de Cardoza qui est pro-avortement. Ce siège n’était pas à pourvoir en
2008 et le sera aux Midterm Elections de 2010.
Merci pour cet article
La lutte contre l’avortement est indispensable elle passe avant tout car Dieu nous a ordonné “Tu ne tueras point”
Je prierais pour ce prête courageux et pour tout les catholiques tièdes qui n’ose pas défendre le droit à la vie !