Le projet de loi de révision des lois bioéthiques, qui doit être présenté en Conseil des ministres fin septembre et débattu par les parlementaires en novembre, a été présenté mardi par le ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Voici déjà ses principaux aspects, avec quelques commentaires en italique.
• Génétique
— Simplification de la procédure d’information familiale en cas de détection d’une anomalie génétique grave, le dispositif retenu par le législateur en 2004 étant resté lettre morte. La personne chez qui l’anomalie a été détectée pourra habiliter le médecin à informer des membres de sa famille, dans le respect du secret médical (sans que son nom ne soit mentionné).
Il n’est pas condamnable de tenir des proches informés des risques qu’ils courent, surtout en vue de prendre des mesures préventives. Mais le risque de dérive est là aussi, dans le cadre de la procréation, avec des moyens et une tentation accrus de « trier » les embryons des personnes affectées.
• Greffe d’organes et de cellules
— Dans le cadre de don du vivant, autorisation des dons croisés de rein entre deux paires donneur-receveur, lorsque le don n’est pas possible au sein de chaque paire pour des raisons d’incompatibilité biologique.
Ces dons entre vivants qui se connaissent sont actuellement réservés aux proches sur le plan familial ou affectif et représentent 5 % des dons de reins. Plutôt une bonne chose, donc.
— Encadrement des prélèvements de sang de cordon qui ne sera plus considéré comme déchet opératoire. Le prélèvement de sang de cordon à des fins de conservation autologue (pour son propre enfant) est interdit.
Toujours l’arbitraire interdiction de conserver une banque de cellules souches « adultes » parfaitement compatibles avec l’enfant qui vient de naître… Comme si l’on voulait à tout prix limiter l’accès aux solutions « éthiques » (et réelles) offertes par les cellules adultes.
• Diagnostics avant la naissance
— DPI : maintien de l’encadrement actuel du diagnostic préimplantatoire (DPI) et notamment de l’absence de liste des maladies susceptibles de faire l’objet de ce diagnostic. Le DPI est un diagnostic génétique réservé aux couples ayant une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie particulièrement grave, reconnue comme incurable.
Le principe – tuer les embryons non conformes – demeurera sans doute « encadré », mais il est en tout cas reconnu.
— DPN (diagnostic prénatal) : rapprochement de l’encadrement de l‘échographie, lorsqu’elle entre dans une démarche de diagnostic prénatal, de celui prévu pour les examens biologiques (information préalable de la femme enceinte).
On semble donc aller dans le sens d’une surveillance accrue de la conformité de l’enfant à naître.
• Assistance médicale à la procréation
— Le texte pose que l’assistance médicale à la procréation a pour finalité de remédier à une stérilité médicalement constatée et encadre les procédés d’AMP. La mise en œuvre de la vitrification (congélation ovocytaire ultra-rapide), qui permet une meilleure conservation et utilisation des ovocytes, serait ainsi autorisée.
Elargissement donc, de « l’enceinte concentrationnaire », l’AMP étant considérée comme un procédé médical autorisé par le fait même de la stérilité : même s’il n’en ouvre pas la possibilité aux couples homosexuels, le texte l’élargit aux couples hétérosexuels pacsés. A prévoir : la dénonciation du caractère discriminatoire de la mesure par les pacsés homosexuels…
— Levée de l’anonymat du donneur pour les enfants issus d’un don de gamètes (sperme ou ovocyte). Lorsque l’enfant atteint sa majorité, le texte prévoit un droit d’accès aux « données non identifiantes » (données médicales, taille, niveau socioprofessionnel, origine géographique…), mais aussi une possibilité d’accès aux origines. L’identité du donneur ne sera cependant communiquée que si celui-ci y consent.
Reconnaissance de l’importance de la lignée. Mais cela ne change rien à l’aberration de la « fabrication » d’enfants adultérins…
• Recherche sur les embryons humains et les cellules souches embryonnaires
— Maintien du principe de l’interdiction de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, avec un régime d’autorisations à titre dérogatoire, sans limitation de durée (levée du moratoire de 5 ans institué par la loi de 2004).
Interdiction peut-être, mais le procédé destructeur d’embryons entrerait ainsi dans les mœurs scientifiques, avec pour seule limite l’autorisation préalable.
• Processus de révision de la loi
— La clause de révision régulière systématique, incluse dans les précédentes lois de bioéthique (1994 et 2004), est abandonnée.
Cela ne veut pas dire que l’on cesse de considérer la réglementation bioéthique comme figée une fois pour toutes. Puisque rien ne grave dans le marbre le principe du respect de la vie humaine, toutes les dérives sont possibles, qu’elles soient programmées ou non…
Source : n° 7170 de Présent, du jeudi 2 septembre 2010.