Ce Dimanche est le cinquième de saint Matthieu pour les Grecs ; il était connu chez les Latins sous le nom de Dimanche de la Pêche, avant que l’Église eût transféré au Dimanche précédent l’Évangile d’où lui était venue cette dénomination. La semaine qu’il commence est désignée comme première après la fête des Apôtres ou de saint Pierre en d’anciens lectionnaires, en d’autres comme deuxième ou troisième après la même fête ; ces divergences et d’autres semblables, qu’il n’est pas rare de rencontrer dans les livres liturgiques du moyen âge, tiennent à la date plus ou moins tardive de la Pâque dans les années où furent dressés ces documents.
L’Église a commencé cette nuit la lecture du second livre des Rois, qui débute par le récit de la fin malheureuse de Saül et l’avènement de David au trône d’Israël. L’exaltation du fils de Jessé marque le point culminant de la vie prophétique de l’ancien peuple ; en lui Dieu trouvait son serviteur fidèle, et il allait le montrer au monde comme la plus complète figure du Messie à venir. Un serment divin garantissait au nouveau roi l’avenir de sa race ; son trône devait être éternel : car il devait devenir un jour le trône de celui qui serait appelé le Fils du Très-Haut, sans cesser d’avoir David pour père.
Mais au moment où la tribu de Juda acclamait dans Hébron l’élu du Seigneur, les circonstances n’étaient pas toutes, il s’en faut, à l’allégresse et à l’espoir. L’Église, hier à Vêpres, empruntait une des plus belles Antiennes de sa Liturgie au chant funèbre inspiré à David par la vue de ce diadème ramassé dans la poussière ensanglantée du champ de bataille où venaient de succomber les princes d’Israël : « Montagnes de Gelboé, que la rosée ni la pluie ne descendent point sur vous ; car c’est là qu’est tombé le bouclier des forts, le bouclier de Saül, comme si l’huile sainte n’eût point marqué son front. Comment, dans le combat, sont-ils tombés les forts ? Jonathas a été tué sur les hauteurs ; Saül et Jonathas, aimables et beaux durant leur vie, n’ont point non plus été divisés dans la mort. »
Inspirée par le voisinage de la solennité des Apôtres, au 29 juin, et du jour où l’Office du Temps ramène chaque année cette Antienne, l’Église en applique les derniers mots à saint Pierre et à saint Paul durant l’Octave de leur fête : « Glorieux princes de la terre, ils s’étaient aimés pendant leur vie, s’écrie-t-elle ; ils n’ont point davantage été séparés dans la mort ! » Comme le peuple hébreu à cette époque de son histoire, plus d’une fois l’armée chrétienne n’a salué l’avènement de ses chefs que sur une terre humide du sang de leurs prédécesseurs.
Dom Prosper Guéranger