Le 13 juin dernier, Mgr Voderholzer, évêque de Ratisbonne depuis 2013, a donné une interview au Schwäbische Zeitung, où il est revenu sur la politisation croissante de l’épiscopat allemand qui a rompu son unité, la gestion par Mgr Bätzing du chemin synodal et ses objectifs, qu’il a qualifié « d’irréalistes » dès le départ. En voici quelques extraits, où il critique aussi la FSSPX et le comité central des catholiques allemands, fer de lance du chemin synodal allemand :
Rupture de l’union des évêques allemands et politisation
» Je voudrais aborder un point que je considère comme crucial dans notre situation actuelle : jusque dans les années 1980, la présidence alternée de la Conférence épiscopale était une règle tacite en Allemagne. L’évêque Lehmann de Mayence a ensuite enfreint cette règle en se présentant face à Friedrich Wetter de Munich. Cette situation a politisé la fonction : les personnes n’étaient plus élues parce que c’était leur tour, mais parce qu’elles représentaient une orientation politique ecclésiastique particulière. Les majorités se rassemblent, ce qui crée des minorités, et cela disloque l’unité. J’ai déjà proposé en 2020 de revenir à un système de rotation, étendu aux métropolites (c’est-à-dire aux archevêques). Berlin serait le premier, puis Fribourg, Hambourg, etc. Je continue de penser que cette idée mérite d’être étudiée, afin de supprimer la dimension politique ecclésiastique ».
Mgr Bätzing et Hans Urs von Balthazar
« Il s’est pleinement investi dans le projet du chemin synodal, même s’il l’a hérité de son prédécesseur. Je le connais depuis longtemps. Nous nous entendions très bien. Nous nous sentions à l’aise grâce à la théologie de Hans Urs von Balthasar et à la Communauté Saint-Jean, fondée par le théologien suisse. Malheureusement, j’ai récemment découvert qu’il s’était éloigné d’idées importantes de Balthasar. Concernant la question du genre et son impact sur la théologie sacramentelle, Mgr Bätzing estime que Hans Urs von Balthasar pense différemment aujourd’hui. Je ne comprends absolument pas cela. »
Les évêques allemands et l’AFD
J’ai soutenu ce document [où les Eglises allemandes catholique et protestante s’opposent ouvertement à l’AFD] car, compte tenu de la gravité de la situation, il est important que nous prenions clairement position sur cette question. Cependant, comme je l’ai dit publiquement à plusieurs reprises, je n’ai adhéré au document qu’après avoir obtenu que la protection de la vie soit incluse dans la déclaration comme critère de référence pour nous, en tant qu’Églises. Je voulais à tout prix éviter d’ignorer ce point important, qui nous a toujours été utile en tant qu’Église, et de le laisser à d’autres. Ce que je n’ai malheureusement pas obtenu, c’est le renoncement à une identité purement négative. Par identité négative, j’entends que l’on se définit par ce que l’on ne veut pas. Nous aurions dû être beaucoup plus clairs : nous encourageons expressément les jeunes chrétiens à s’engager au centre de la politique, sur la base de l’enseignement social catholique« .
Son avis sur la FSSPX et la FSSP : « placer la vérité au dessus de la liberté, c’est inacceptable »
« La frontière est clairement la reconnaissance du Concile Vatican II, des enseignements de l’Église et de sa tradition. Il ne s’agit pas de latin ni de liturgie. Nous avons aussi la Fraternité Saint-Pierre, qui célèbre la messe selon l’ancienne coutume, mais reconnaît le Concile. Avec la FSSPX, nous faisons l’expérience d’une théologie politique qui place la vérité au-dessus de la liberté. C’est inacceptable ».
Chemin synodal : « nous n’avons plus de base commune de discussion dans l’Eglise »
« Je l’ai répété à maintes reprises au début du chemin synodal : nous n’avons plus de base commune de discussion dans l’Église. Au sein du chemin synodal, par exemple, nous ne sommes pas d’accord sur ce qu’est un argument théologique, ni sur la manière dont l’Écriture et la tradition, d’une part, et les connaissances prétendument sûres des sciences humaines, d’autre part, doivent être évaluées. Les choses deviennent assez confuses et les discussions finissent par se perdre. C’est difficile. Et cela vaut non seulement pour le chemin synodal, mais aussi pour la politique ».
« Les objectifs du chemin synodal étaient irréalistes dès le départ. Le cardinal Woelki et moi-même avions proposé, entre autres, les thèmes de l’évangélisation, de la pastorale des vocations et de l’éducation religieuse. Ce sont des domaines dans lesquels nous pouvons mettre toute notre foi, notre passion et notre imagination au service de notre situation. L’État nous offre la possibilité de dispenser un enseignement religieux. Mais nous manquons de plus en plus d’enseignants en éducation religieuse. Ce sont des sujets qui méritent d’être débattus : comment proclamer la foi de manière crédible ? »
« Lors du processus synodal, le cardinal Woelki et moi-même avons présenté un projet de statut alternatif basé sur la lettre du pape François de juin 2019. Nous ne sommes pas contre la synodalité, mais contre une certaine forme de synodalité qui s’apparente davantage à un discours parlementaire partisan qu’à une écoute commune de la Parole de Dieu ».
Que représente vraiment le Comité central des catholiques allemands (ZDK) ?
« Je crois que cela n’a jamais été représentatif, et n’a jamais eu l’intention de l’être. Je reçois énormément de courriers de personnes qui disent ne pas s’y sentir représentées. Bien sûr, il est difficile de dire ce qui est vraiment représentatif de la population catholique. Mais j’ai l’impression que la grande majorité des croyants ne peut pas faire grand-chose avec le ZdK, par exemple.
Lorsque je visite des paroisses, j’entends différentes questions : comment apprendre à mes enfants à prier ? Et puis, bien sûr, d’autres disent : tant que nous n’accorderons pas le mariage aux couples homosexuels, vous ne pourrez pas amener votre enfant à prier. Personnellement, je ne pense pas que cela fonctionne ainsi. Sinon, l’Église protestante prospérerait« .