Le Dicastère de la doctrine de la foi a mi sen ligne un document intitulé La dignité ontologique de la personne dans Dignitas infinita. Quelques précisions. Ce document vise à clarifier certains points conceptuels présents dans la Déclaration Dignitas infinita publiée par le même dicastère en mars 2024.
Il s’agit d’une conférence du cardinal Fernández, retranscrite en ligne, visant à répondre à certaines critiques. Le cardinal aborde la question des traitements médicaux visant à ce qu’on appelle « changement » de sexe. Fernández écrit :
Nous ne voulons pas être cruels et dire que nous ne comprenons pas les conditionnements des personnes et la profonde souffrance qui existe dans certains cas de « dysphorie » qui se manifeste dès l’enfance. Quand le document [Dignitas infinita] utilise l’expression «en règle générale [« di norma », ndt]», il n’exclut pas qu‘il existe des cas en dehors de la règle, comme les dysphories sévères qui peuvent conduire à une existence insupportable ou même au suicide. Ces situations exceptionnelles doivent être évaluées avec le plus grand soin.
Voici le passage concerné de Dignitas infinita :
Toute opération de changement de sexe risque, en règle générale, de menacer la dignité unique que la personne a reçue dès le moment de la conception. Cela n’exclut pas la possibilité qu’une personne présentant des anomalies des organes génitaux déjà évidentes à la naissance ou qui se développent ultérieurement choisisse de recevoir une assistance médicale dans le but de résoudre ces anomalies. Dans ce cas, l’intervention ne constituerait pas un changement de sexe au sens où on l’entend ici.
En substance, Dignitas Infinita affirme correctement: non aux interventions sur l’appareil reproducteur si l’objectif est de tenter, sans y parvenir, de changer l’identité sexuelle. Oui aux mêmes interventions si elles visent à confirmer l’identité sexuelle, c’est-à-dire si elles sont thérapeutiques en modifiant l’appareil reproducteur pour le mettre en conformité avec le patrimoine génétique, qui est la référence première pour comprendre à quel sexe une personne appartient. En effet, en raison de certaines pathologies, il peut arriver que les organes reproducteurs ne correspondent pas, morphologiquement et à des degrés divers, aux chromosomes XY ou XX de la personne. C’est pourquoi Dignitas infinita utilise l’expression «en règle générale» : elle veut affirmer que dans la majorité des cas (en règle générale), de telles interventions doivent être condamnées, à l’exception précisément de celles qui sont de nature thérapeutique.
Le cardinal Fernández reprend dans son document l’expression « en règle générale » que l’on trouve dans Dignitas infinita. Mais lui considère ces interventions comme illicites, sauf en cas de dysphorie grave et, implicitement, en cas de traitement thérapeutique. Le préfet considère ces interventions comme licites même dans le cas condamné par Dignitas infinita, c’est-à-dire lorsqu’elles servent à contredire l’identité sexuelle, à condition que la dysphorie soit grave et comporte des risques sérieux pour la personne. L’interdiction ne concerne donc pas, comme dans Dignitas infinita, le type moral de l’acte – les traitements pour « changer » de sexe – mais seulement la condition qui motive l’intervention : non aux interventions où la dysphorie est légère. En bref : pour le préfet, le « changement » de sexe est moralement acceptable dès que la dysphorie est grave.
Mais les interventions chirurgicales qui contredisent le sexe génétique sont des actions intrinsèquement mauvaises et le restent au-delà des conditions qui les motivent. Le principe « oui au changement de sexe » a donc été accepté par le cardinal Fernández. Une fois le principe accepté, des cas limites, on passe par cohérence logique aux cas courants, de l’exceptionnel au normal.
Donc Fernández rappelle le « en règle générale » contenue dans Dignitas infinita de manière indue : en effet, il le rappelle pour légitimer le « changement » de sexe dans un sens qui, cependant, est opposé à celui indiqué par le document Dignitas infinita lui-même. Ce dernier affirme que les interventions sur les organes génitaux sont en règle générale censurables sauf lorsqu’elles sont pratiquées à des fins thérapeutiques ; Fernández affirme que les interventions sur les organes génitaux sont en règle générale censurables sauf lorsque la dysphorie est accentuée (et lorsque la finalité est thérapeutique).
Via Benoît et moi.
Voici l’extrait :
Le changement de sexe n’est pas un simple changement extérieur, ni comparable à une opération de chirurgie esthétique normale ou à une opération visant à guérir une maladie. Il s’agit de la revendication d’un changement d’identité, du désir d’être une autre personne. Dans ce cas, l’évaluation de soi, sous l’influence d’un paradigme technocratique, nous amène à penser que la liberté humaine, rendue toute puissante par la technologie, peut créer une réalité alternative à sa guise.
Nous ne voulons pas être cruels et dire que nous ne comprenons pas le conditionnement des personnes et la souffrance profonde qui existe dans certains cas de « dysphorie » qui se manifeste dès l’enfance. Lorsque le document utilise l’expression « normalement », il n’exclut pas qu’il existe des cas en dehors de la norme, comme la dysphorie sévère qui peut conduire à une existence insupportable, voire au suicide. Ces situations exceptionnelles doivent être évaluées avec beaucoup d’attention. Ce que nous voulons dire, c’est que l’idéologie qui accompagne généralement tant de décisions de changement de sexe inclut la négation de la réalité donnée en cadeau, avec l’idée que l’identité sexuelle-corporelle peut être l’objet d’un changement radical, toujours soumis à ses désirs et à ses revendications de liberté, à l’instar de la revendication de toute-puissance qui sous-tend les idéologies de genre.