Selon L’Express, l’Eglise de France se droitise. On aimerait y croire… L’hebdomadaire en veut pour preuve les rencontres, discrètes, entre évêques et élus du RN :
- Début 2023, Pierre Meurin, député Rassemblement national du Gard, se rend à l’évêché de Nîmes pour rencontrer Mgr Nicolas Brouwet, afin d’échanger sur les questions bioéthiques. Les autres parlementaires du Gard, pour la plupart frontistes, ont reçu la même invitation.
- 24 mars 2023, Christophe Bentz, député de la Marne, est reçu par Mgr Joseph de Metz-Noblat, évêque de Langres, pour évoquer cette fois le projet de loi fin de vie.
Ces deux élus sont catholiques pratiquants.
- En 2022, Alexandra Masson, élue dans les Alpes-Maritimes, est sollicitée par un évêque francilien pour un déjeuner au diocèse. L’évêque l’interroge : « Quelle est votre position sur la fin de vie? Que pensez-vous de l’évolution de la société? De la montée de l’islam dans les quartiers? » Fin mars 2023, elle décorera de la médaille de l’Assemblée nationale Mgr David, archevêque de Monaco, et Mgr Geley, vicaire général de la ville de Nice.
- Sébastien Chenu, député du Nord, échange avec l’évêque de Cambrai.
- Fin 2023, lors des discussions concernant l’inscription de l’avortement dans la Constitution, les élus RN sont contactées par Mgr Rougé, évêque de Nanterre. Pierre Meurin et lui partageront un café. Puis Bruno Bilde, élu RN dans le Pas-de-Calais, a reçu une lettre d’évêque l’appelant à se positionner contre le projet de loi sur la fin de vie.
Evidemment, il semble lointain ce propos de Jean-Marie Le Pen, en 1985 :
« A gauche du Parti radical, du Grand Orient et de la Ligue des droits de l’homme, je vois quelques évêques… Ils sont en civil, pourtant. C’est même à ça que je les reconnais, ils ont le col roulé. »
De fait, les évêques ont l’habitude de s’entretenir avec les élus, quels qu’ils soient. Et il n’a échappé à personne qu’avec les élections législatives de 2022, puis celles de 2024, le RN a vu l’arrivée massive d’élus à l’Assemblée nationale. Ce que confirme la CEF auprès de L’Express :
« Nos relations institutionnelles avec le Rassemblement national, comme celles que nous pouvons entretenir avec l’ensemble des partis politiques français représentés au Parlement, s’inscrivent dans le cadre d’un dialogue républicain et respectueux, sans distinction particulière, et concernent des sujets sur lesquels l’Eglise est engagée et sur lesquels les parlementaires sont conduits à travailler dans le cadre de leurs travaux législatifs ».
En 2022, déjà, Marine Le Pen, en pleine campagne présidentielle, avait été sollicitée par la Conférence des évêques de France pour une rencontre. Ses trois enfants ont été baptisés à Saint-Nicolas du Chardonnet. Le 23 juin 2023, c’est l’abbé Frament, prêtre de la FSSPX, qui a célébré le mariage de sa fille à La Trinité-sur-Mer.
Renaud Labaye, son bras droit au Palais-Bourbon, François Durvye, son conseiller économique, et Ambroise de Rancourt, son chef de cabinet, sont tous trois catholiques pratiquants.
En 2022, la candidate RN obtient 21 % des voix des pratiquants réguliers, contre 25 % pour Emmanuel Macron. Et aux élections européennes de 2024, 42 % des catholiques ont voté pour le RN.
Denis Pelletier, historien spécialiste du catholicisme, analyse :
« Il y a une droitisation évidente de l’appareil hiérarchique de l’Eglise de France, c’est-à-dire du clergé et du recrutement. Ils sont de moins en moins nombreux et de plus en plus à droite. Depuis trente ans le recrutement des prêtes s’embourgeoise et s’aristocratise. Pour résumer, une partie de l’épiscopat fricote avec l’extrême droite et une partie de l’extrême droite fricote avec le catholicisme. »