C’est ce que va juger la Cour de Cassation vendredi 14 février :
Le juge judiciaire peut-il contrôler la décision prise par l’Église de renvoyer un diacre, lorsque cette sanction induit une perte de rémunération, de protection sociale et de logement ?
Les faits
L’Église catholique a engagé une procédure interne contre un diacre, en raison d’un comportement contraire aux règles de son état. Un tribunal ecclésiastique a décidé d’exclure ce diacre en lui retirant ses fonctions religieuses. Il s’agit de la sanction la plus sévère que peut prononcer l’Église à l’égard de l’un de ses ministres du culte : on parle de « renvoi de l’état clérical ». En perdant ses fonctions religieuses, l’ex-diacre a aussi perdu la rémunération qui y était associée, la protection sociale et le logement qui était mis à sa disposition par l’Église.
La procédure
L’ex-diacre a saisi la justice judiciaire afin d’obtenir l’annulation de la décision prononcée par la justice ecclésiastique et l’indemnisation des préjudices résultant de son renvoi. Selon l’ex-diacre, au cours de la procédure ecclésiastique, son droit à un procès équitable n’avait pas été respecté et il avait été discriminé à raison de sa couleur de peau. Le tribunal judiciaire s’est déclaré compétent pour examiner cette décision rendue par une juridiction ecclésiastique. Toutefois, il a rejeté les demandes d’annulation de la sanction et d’indemnisation de l’ex-diacre.
L’ex-diacre a fait appel.
La cour d’appel a jugé qu’elle n’était pas compétente pour examiner une décision rendue par une juridiction ecclésiastique.
L’ex-diacre a formé un pourvoi en cassation.
La question posée à la Cour de cassation
La justice judiciaire est compétente pour trancher les litiges de nature patrimoniale (rémunération, protection sociale, logement, etc.).
Mais la justice judiciaire reste-t-elle compétente lorsque la situation qu’on lui demande d’examiner est la conséquence directe d’une décision prise par la justice ecclésiastique ?
Pour répondre à la question qui lui est posée, la Cour de cassation devra articuler le principe constitutionnel français de laïcité et les droits garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme :
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l’État français est neutre et la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte (textes constitutionnels et jurisprudence du Conseil constitutionnel) ;
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la liberté de culte garantit l’autonomie des communautés religieuses (art. 9 et 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme) ;
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toute personne qui invoque un droit reconnu dans son pays doit pouvoir le faire valoir devant une juridiction indépendante et impartiale, au cours d’un procès équitable (art. 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme).
La Cour de cassation pourrait adopter une des solutions suivantes :
Solution n°1 : La justice judiciaire n’a pas le pouvoir de contrôler les décisions prises par une instance religieuse en application de ses règles internes, même lorsque ces décisions produisent des effets dans champ du droit civil.
Dans cette affaire, c’est la solution retenue par la cour d’appel.
Solution n°2 : La justice judiciaire a le pouvoir de contrôler les décisions prises par une instance religieuse en application de ses règles internes, lorsque ces décisions produisent des effets dans le champ du droit civil.
Dans cette affaire, c’est la position soutenue par l’ex-diacre, qui souhaite être indemnisé de la perte de sa rémunération, de sa protection sociale et de son logement.
Solution n°3 : La justice judiciaire a le pouvoir de contrôler les décisions prises par une instance religieuse en application de ses règles internes, seulement si cette décision porte atteinte à un droit fondamental.
Ex. : Le droit à la non-discrimination.