Ainsi donc, par un communiqué du 7 janvier 2025 Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, a informé ses diocésains qu’un an après que le pape lui eut personnellement demandé, le 23 décembre 2023, de ne pas démissionner, suite à la nomination de Mgr Touvet comme évêque coadjuteur, le même pape François lui demandait, désormais, par l’intermédiaire du nonce à Paris, Mgr Migliore, et des instances romaines de remettre sa démission. Ce qu’a immédiatement fait Mgr Rey manifestant, cependant, sa surprise devant ce revirement « sans que je n’ai eu connaissance d’éléments nouveaux », écrit-il.
Les raisons d’un acharnement
Beaucoup s’interrogent sur les raisons de cet acharnement contre le diocèse le plus dynamique de France, et son évêque. En effet, cas unique, le diocèse de Fréjus-Toulon compte aujourd’hui plus de prêtres en activité (250) qu’au moment du concile Vatican II. Toutes les paroisses ont un curé, Mgr Rey ayant lui-même ordonné 164 prêtres. Ces résultats sont le fruit du labeur apostolique continu de deux évêques : Mgr Madec, de 1983 à 2000 puis Mgr Rey depuis 2000. L’un et l’autre ont répondu généreusement à la demande que faisait Mgr Lefebvre à Paul VI : « Laissez-nous faire l’expérience de la Tradition ». Mgr Madec avait ainsi ordonné prêtre le père Jean-Paul Argouarc’h qui fut longtemps prieur de la Sainte Croix de Riaumont et Mgr Rey a accueilli dans son diocèse de nombreuses communautés et prêtres célébrant habituellement la messe romaine traditionnelle. Dès 1983 Mgr Madec avait réouvert un séminaire diocésain au domaine de La Castille. Séminaire particulièrement prospère, avec 7/ 8 ordinations annuelles jusqu’à l’arrivée de Mgr Touvet, en 2023, puis qu’il n’y a eu aucune rentrée en propédeutique en 2023 et en 2024.
Dans un entretien avec le journaliste du Figaro (7/01/2025) Jean-Marie Guenois, Mgr Rey a donné les véritables raisons de cet acharnement romain : « Les griefs visent l’accueil trop large de groupes, de prêtres, de vocations, de communautés, avec un manque de prudence particulièrement dans l’accueil du monde dit tradi ». Ainsi que « des dysfonctionnements dans la gestion économique et financière du diocèse ». S’il fallait virer les évêques dont les diocèses sont en situation financière critique il ne resterait plus grand monde !
Un représentant en mission
Tel les représentants en mission envoyés par l’Assemblée législative pour mettre au pas les provinces et villes récalcitrantes à l’ordre révolutionnaire nouveau (Fouché à Lyon, Carrier à Nantes) Mgr Touvet a reçu, il y a deux ans, les pleins pouvoirs pour faire rentrer le diocèse de Fréjus-Toulon dans le nouvel ordre conciliaire et synodal. Nous sommes, aujourd’hui, loin du discours d’intronisation de Mgr Touvet en novembre 2023 dans lequel il s’engageait à ne pas être instrumentalisé contre Mgr Rey. Le pacificateur semble être devenu l’éradicateur avec l’appui du nonce apostolique et la complicité de la Conférence des Evêques de France, dont le communiqué prenant acte de cette démission est un chef d’œuvre de froideur administrative sans un mot de remerciement ni de compassion pour celui qui fut membre de cette CEF pendant près de 25 ans. Parmi les procédés ignobles utilisés contre Mgr Rey, Mgr Giraud ancien évêque de Sens n’a pas hésité à appeler des étudiants pour savoir comment les dîners de Mgr avec des jeunes se terminaient. Les étudiants furent scandalisés devant de tels soupçons. N’oublions pas, aussi, que Mgr Hérouard, évêque de Dijon, chargé de la visite apostolique de février-mars 2023 livrait ses informations à Timothée de Rauglaudre journaliste luttant pour la cause LGBT et auteur d’une série à charge en dix épisodes de juin à septembre 2023 : Tempête sur le diocèse. Mgr Hérouard s’est ensuite intéressé au diocèse de Bayonne où il a effectué, à la demande du nonce, en juin et juillet 2024 une « visite fraternelle ». Rappelons que Mgr Rey n’est pas un évêque traditionaliste, puisqu’il est lui-même issu de la communauté charismatique de l’Emmanuel, mais qu’il avait simplement répondu aux consignes des papes Jean-Paul II dans la lettre apostolique Ecclesia Dei afflicta (2 juillet 1988) puis Benoît XVI dans le motu proprio Summorum Pontificum (7 juillet 2007) d’accorder « un accueil large et généreux » aux fidèles attachés aux pédagogies traditionnelles de la foi. Avec l’heureux résultat que l’on sait. Après avoir pris en otage les dix séminaristes dont l’ordination avait été bloquée par décision romaine Mgr Touvet a enfin les mains totalement libres pour normaliser le diocèse. On notera incidemment que sur les dix candidats au sacerdoce neuf ont été finalement ordonnés ce qui a donc validé leur formation et leur vocation.
Une séance de vœux houleuse
On ne peut pas dire que cette démission forcée ait soulevé beaucoup d’enthousiasme parmi le presbyterium du diocèse. La séance de vœux du 8 janvier rassemblant les deux évêques a été tendue. Chacun a fait un bref discours. L’un annonçant son départ, l’autre informant l’assistance qu’un jeune prêtre accusé de comportement déviant avait été finalement innocenté. Les prêtres présents ont pu exprimer leur gratitude à leur évêque démissionné et démissionnaire. Un prêtre diocésain en civil a fait l’éloge de Mgr Rey, de sa dimension missionnaire et de ses initiatives. Le père Aguilla, fondateur de la Société des Pères de la Fraternité Missionnaire Jean Paul II a rappelé que l’unité avec la communauté traditionnelle se vivait bien. Un prêtre allemand s’est interrogé sur les raisons de la destitution de Mgr Rey en rappelant qu’en Allemagne des évêques, toujours en poste, s’opposent au magistère et bénissent des unions homosexuelles ». L’abbé Loiseau, fondateur des Missionnaires de la Miséricorde Divine, qui se veut toujours obéissant, a rappelé comment Rome avait encouragé sous Jean Paul II et Benoît XVI l’accueil des prêtres, et des fidèles, attachés à la Tradition de l’Eglise. Un prêtre a rappelé la vitalité et l’unité du diocèse. Cependant l’intervention la plus marquante fut celle de Mgr Molinas ancien vicaire général et ancien directeur du séminaire. Il a affirmé que ceux qui disaient que le diocèse était divisé mentaient et qu’il ne fallait pas « nous prendre pour des cons ou des canards « . « Certains ont de la merde à leurs chaussures » a- t- il proclamé avec force, loin de la langue de buis habituelle. Il fut longuement applaudi. A la fin Mgr Rey fut ovationné par les 200 prêtres présents pendant une longue minute.
Où est le souci des âmes ?
La normalisation, pour laquelle un nouveau vicaire général très opposé aux traditionalistes, le père Mallard, a été nommé, ne sera pas aussi simple que prévu. Les prochaines étapes du processus de normalisation-éradication sont parfaitement identifiées :
- fermeture du séminaire de la Castille, les séminaristes étant envoyés au séminaire interdiocésain d’Aix-en-Provence, qui sans cela pourrait bien être contraint de fermer ses portes tant il y a peu de séminaristes.
- pression maximale sur le pèlerinage Nosto Fe afin qu’y soit célébrée la liturgie réformée. Rappelons que les 5 et 6 octobre derniers ce pèlerinage a rassemblé plus de 2 000 marcheurs, pour sa première édition, de Cotignac à Saint Maximin- la Sainte Baume.
- maintien du refus d’ordonner, conformément à leurs constitutions, selon le rite traditionnel six diacres des Missionnaires de la Miséricorde Divine, les futurs prêtres n’ayant pas l’assurance d’avoir l’autorisation de célébrer, ensuite, la messe romaine traditionnelle.
Ce qu’il y a d’objectivement terrifiant c’est que ce processus de normalisation est un processus assumé de destruction.
Les vocations qui auraient pu rejoindre le séminaire de la Castille ne rejoindront pas un séminaire inter diocésain à Aix en Provence ou ailleurs.
Le pèlerinage Nosto Fe perdrait toute raison d’exister par l’adoption de la liturgie réformée qui comme l’affirmait benoîtement le cardinal Roche, préfet du dicastère pour le culte divin, en mars 2023 sur la BBC, est le témoignage d’une autre théologie et donc d’une autre foi.
Quant à la société des Missionnaires de la Miséricorde Divine, la négation de son attachement à la messe romaine traditionnelle par des ordinations selon le nouveau rite la conduirait à une inéluctable implosion.
Autrefois, le beau titre de curé renvoyait au souci du soin des âmes : cura animarum. Le cardinal Merry del Val, qui fut secrétaire d’Etat de Saint Pie X avait pour exaltante devise : « Da mihi animas, tolle cetera, donnez-moi les âmes, prenez le reste ». Où est le souci des âmes dans ces ukases de fonctionnaires ecclésiastiques, préfets violets, attachés par carriérisme, peur, conformisme ou idéologie à persécuter les prêtres et les laïcs dont le seul tort est de vouloir croire et prier comme leurs anciens le firent pendant des siècles ? Comme de Rama montait le cri de Rachel pleurant ses enfants, du peuple abandonné et trahi par ses pasteurs monte le cri des enfants qui ne demandent à l’Eglise que des miettes : les paroles et les instruments du salut.
Jean-Pierre Maugendre