Le nom de la déléguée épiscopale Rebecca dans la prière eucharistique. C’est l’astuce du vicariat de Brabant-Wallon (archidiocèse de Malines-Bruxelles), à la demande de la déléguée elle-même, Rebecca Charlier-Alsberge, nommée il y a un an par Mgr Luc Terlinden. Dans un décret daté du 6 novembre, la déléguée épiscopale a décidé qu’elle pourrait prendre la parole à trois reprises au cours de la célébration eucharistique : après la salutation liturgique initiale, avant la bénédiction finale et après l’Évangile, afin de « faire résonner la parole de Dieu » ; la déléguée sera également aux côtés du célébrant dans la procession d’entrée et dans la procession de sortie, s’associant aux « salutations » que le célébrant adressera aux fidèles, elle recevra directement de lui le signe de paix et elle sera nommée dans le canon de la messe, immédiatement après la mention de l’ordinaire.
Cette nouvelle ne fait que montrer la distorsion que le paradigme de la synodalité est en train de donner à la structure hiérarchique de l’Église. En effet, après que des laïcs aient participé avec droit de vote à un synode d’évêques, il n’est pas surprenant que Mme Rebecca ait été appelée à exercer le pouvoir de gouvernance dans l’Église, bien que sous l’autorité déléguée de l’évêque. Oui, car pour contourner le droit canonique qui, conformément à la constitution hiérarchico-sacramentelle de l’Église, prévoit des vicaires épiscopaux qui sont au moins prêtres (cf. can. 478 § 1), qui ont un pouvoir ordinaire qu’ils exercent selon la détermination qui leur est conférée (vicaire pour la vie consacrée, pour la charité, pour la famille, etc. ), on a multiplié les délégués épiscopaux, qui font en fait tout ce que les vicaires sont censés faire, y compris faire partie du Conseil épiscopal, mais sans être ordonnés.
Mme Charlier-Alsberge a reçu la nomination de déléguée pour le vicariat de Brabant-Wallon après que le vicaire épiscopal, l’évêque auxiliaire Jean-Luc Hudsyn, soit devenu émérite le 31 décembre 2023. Il s’agit d’une « succession » qui amène la dame en question à exercer l’autorité d’un vicaire épiscopal, même si elle apparaît avec le titre de déléguée « pour le Canon qui ne le permet pas ». Il en va de même pour Mme Marianne Pohl-Henzen, nommée en mai 2020 par l’évêque de Fribourg, Mgr Charles Morerod, déléguée épiscopale pour les catholiques germanophones du diocèse, en remplacement du vicaire épiscopal, l’abbé Pascal Marquard. Cela multiplie le nombre de laïcs qui se retrouvent en autorité sur les curés, qui leur sont subordonnés…..
Une autre façon d’abuser du droit canonique est de faire de l’homélie une « résonance de la parole de Dieu ». Car même ici, le droit de l’Église est clair : « l’homélie […] est réservée au prêtre ou au diacre » (Can. 767 § 1), en raison de la dépendance du ministère de la prédication et de l’enseignement à l’égard de l’Ordre sacré. Ainsi, la dame déléguée n’a pas l’autorité de parler après l’Évangile, puisque le commentaire autorisé de la parole de Dieu dans la liturgie relève de la responsabilité du ministre ordonné. Quant à la « résonance », elle n’est pas prévue dans l’ordre liturgique.
Qu’en est-il de l’inclusion de son nom dans le canon de la messe ? Dès les premiers siècles, le canon romain stipule que dans la première partie (Te igitur), on prie pour l’Église, afin qu’elle reçoive paix et protection, qu’elle soit rassemblée dans l’unité et gouvernée sur toute la terre « avec ton serviteur [una cum] notre pape N., notre évêque N., et avec tous ceux qui gardent la foi catholique transmise par les apôtres ». Cette mention avait lieu dans toutes les églises occidentales et l’exclusion explicite de la mention du pape dans l’una cum était considérée comme un signe de schisme, comme le rappelle I. Schuster, rappelant l’avertissement du pape Pélage I aux évêques de Tuscia : « Comment pouvez-vous croire que vous n’êtes pas séparés de la communion catholique, puisque vous refusez de mentionner mon nom pendant les saints mystères, comme c’est la coutume de le faire ? » (in Liber Sacramentorum, II, p. 64). Il ne s’agit donc pas de prier pour le pape, l’évêque ou d’autres personnes, mais d’exprimer la communion hiérarchique avec les successeurs légitimes des Apôtres, comme il est par ailleurs facile de le comprendre en observant la structure syntaxique du passage en question.
Pour confirmer que c’est bien le sens de l’unique cum, il faut noter que le Te igitur était réservé au célébrant, et donc clairement distinct des diptyques suivants, qui étaient plutôt priés par le diacre, dans lesquels on prie pour les offrants, en les nommant. Quant à l’inclusion de « tous ceux qui gardent la foi catholique transmise par les apôtres », qui date d’une période ultérieure, elle ne concerne là encore que les évêques. Il ne s’agit donc pas de prier pour le pape ou l’évêque, mais d’exprimer la soumission à la hiérarchie légitime, ce qui nécessite constitutivement l’ordre sacré.
Elle est donc à tous égards une intruse, puisqu’elle n’a pas reçu ni ne peut recevoir l’ordre sacré, et que l’autorité (problématique) qu’elle exerce n’est pas du tout ordinaire, comme celle d’un évêque, mais simplement déléguée. Elle ne peut donc en aucun cas exiger des prêtres qu’ils mentionnent son nom dans la prière eucharistique, puisqu’elle n’a pas d’autorité ordinaire. La décision de Mme Charlier-Alsberge, manifestement partagée par son évêque, constitue à toutes fins utiles une atteinte à la constitution hiérarchique de l’Eglise. Les dicastères compétents devraient intervenir rapidement, mais on sait qu’ils ont d’autres priorités en ce moment.