Dans l’État du Tamil Nadu, au sud de l’Inde, une décision judiciaire de la Haute Cour de Madras remet en question la gestion des propriétés contrôlées par l’Église. Fin octobre, les juges ont en effet exprimé la nécessité de créer un organisme légal pour régir les affaires des institutions chrétiennes. L’ordonnance suscite l’inquiétude des chrétiens, qui représentent en Inde 2,4 % d’une population de 1,4 milliard d’habitants.
La Haute Cour de Madras estime que l’administration des biens de l’Église doit être placée sous le contrôle de l’État. « Alors que les dotations charitables des hindous et des musulmans sont soumises à une régulation légale, aucun dispositif de ce type n’existe pour les dotations chrétiennes », a déclaré le juge N. Sathish Kumar, qui souhaite la création d’un organisme dédié.
Selon la Haute cour, les affaires de corruption se multiplient en raison de l’absence de réglementation. Les conflits croissants au sein des conseils chrétiens qui gèrent des institutions éducatives, des hôpitaux et des fonds se retrouvent régulièrement devant les tribunaux indiens, entraînant une perte de temps et de ressources. Selon le juge N. Sathish Kumar, certains actifs sont utilisés à des fins individuelles, principalement par des personnes cherchant à renforcer leur pouvoir.
La Haute cour intervient dans le cadre d’une série de pétitions concernant les salaires d’employés et les nominations à des postes au sein de l’établissement du Scott Christian College, situé dans le diocèse de Kanyakumari. Ces recours ont été déposés par des membres de l’Église de l’Inde du Sud (CSI, Church of South India), créée en 1947 à l’Indépendance de l’Inde pour administrer les biens de l’Église anglicane. Les institutions chrétiennes possèdent d’importantes propriétés et leurs fonds « sont utilisés pour alimenter des luttes de pouvoir », a observé la Haute cour de Madras.
En cas de conflits, des administrateurs temporaires sont habituellement nommés par les tribunaux. La création d’un conseil statutaire permettrait une meilleure régulation des affaires administratives tout en rendant l’institution plus responsable, a estimé le juge N. Sathish Kumar. Ce dernier a décidé, le 23 octobre, de solliciter la position du ministère de l’Intérieur de l’Inde et du gouvernement du Tamil Nadu, qui devraient faire part de leur réponse à la fin du mois de novembre.
Des responsables religieux ont d’ores et déjà exprimé leur inquiétude face à ces développements. Le père Robinson Rodrigues, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI), a déclaré :
« Notre département juridique est en train d’étudier les implications de cette décision ».
Le père jésuite Santhanam a ajouté :
« Le problème existe. Un examen de conscience est nécessaire pour protéger l’avenir de ces biens. En ce qui concerne les fonds et les propriétés, les instances ecclésiastiques devraient se rappeler qu’elles ne sont que des ‘gardiennes’ de ces biens et qu’elles doivent les préserver pour les générations futures. »
Au Kerala et au Maharashtra, des demandes de groupes chrétiens ont par ailleurs déjà été formulées en faveur de l’adoption de lois pour régir les biens de l’Église.
Cette semaine au Tamil Nadu, un affrontement a éclaté au sein même de l’église CSI de Keelavasal, dans le district de Madurai, entre les anciens et les nouveaux administrateurs. Il s’agirait d’un différend lié à la gestion des registres financiers de l’église. La police a dû intervenir et une plainte a été déposée contre trois personnes. Depuis, une vidéo de l’altercation circule sur les réseaux sociaux et contribue plus encore à mettre en lumière les conflits internes de l’Eglise.