Dans un entretien donné au Salon beige, le père Louis-Marie de Blignières, fondateur de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, explique les contours de l’ordinariat traditionnel. Extrait :
La formule que je propose est l’institution d’une Administration apostolique personnelle établie de façon stable, comme celle qui a été établie à Campos au Brésil en 2002. Cette structure juridique serait aussi l’équivalent d’un Ordinariat personnel, tel qu’il existe en différents pays pour assurer de façon stable le soin pastoral des militaires et de leurs familles. Elle serait établie sur l’ensemble des diocèses français.
L’évêque placé à la tête de cet Ordinariat pourra ouvrir des paroisses personnelles, après simple consultation de l’évêque du lieu. C’est ce que prévoit le Décret d’érection de l’Administration apostolique personnelle Saint Jean-Marie Vianney à Campos du 18 janvier 2002, au n° VIII, § 1 :
« L’Administrateur apostolique pourra, selon les normes du droit et après avoir entendu l’avis de l’évêque du diocèse de Campos, ériger des paroisses personnelles afin de pourvoir au soin pastoral des fidèles de L’Administration apostolique ».
Ce sera là un précieux avantage pour ouvrir de nouveaux lieux de culte.
L’évêque de l’Ordinariat pourra ensuite confier la charge pastorale de la paroisse personnelle, soit à l’un des instituts issus d’Ecclesia Dei, soit à un prêtre incardiné dans l’Ordinariat. Les prêtres diocésains qui le désirent pourront célébrer ponctuellement dans les lieux de culte de l’Ordinariat.
Du point de vue canonique, l’inscription des fidèles dans l’Ordinariat traditionnel n’annulera pas pour eux la possibilité de pratiquer la messe et les sacrements en dehors de l’Ordinariat. L’évêque placé à la tête de l’ordinariat jouira d’une juridiction personnelle cumulative avec celle de l’évêque du lieu. Loin de constituer une « réserve de peaux-rouges » où les fidèles seraient parqués, l’Ordinariat proposé créera une alternative précieuse, qui sera utile – voire parfois indispensable – pour échapper à la rigidité administrative de certains diocèses et aux tracasseries de certains pasteurs.
Depuis Traditionis custodes, les autorités romaines semblent peu disposées à faciliter la vie des prêtres et des fidèles attachés à la messe traditionnelle. Les évêques doivent systématiquement demander l’autorisation de Rome pour permettre à un prêtre diocésain de célébrer selon le missel de 1962. Comment pensez-vous que les évêques diocésains et les autorités romaines acceptent l’idée même d’un Ordinariat ? Avez-vous pu sonder quelques dicastères à Rome sur ce sujet ?
Il est vrai que depuis plus de cinquante ans, la tendance dominante dans la hiérarchie française a été peu ou prou opposée à ce qui se faisait en faveur des pédagogies traditionnelles de la foi. Il est probable que cette opposition persiste chez plusieurs évêques diocésains. Mais les choses sont en train de changer lentement. Des évêques plus pragmatiques pourraient ne pas voir d’un mauvais œil une solution qui les déchargerait d’un souci, notamment par rapport à des presbyteria réticents envers les traditionalistes. D’autres évêques, soucieux de la mission, pourraient se réjouir de voir ouvrir une porte supplémentaire à l’évangélisation, par le biais des pédagogies traditionnelles, tout en gardant la juridiction cumulative sur les fidèles qui en bénéficieraient.
Pour les autorités romaines, les quelques sondages que nous avons déjà faits ne sont pas défavorables. Un prélat canoniste de haut rang nous a dit que c’était en soi une excellente solution, même si elle était prématurée sous le pontificat actuel. […]
En face d’une situation bloquée en de très nombreux endroits depuis le motu proprio du 16 juillet 2021, il est préférable de mettre en avant de façon constructive des solutions plutôt que de se lamenter. Un juste « sens de l’Église » suggère aux fidèles et aux prêtres traditionalistes de proposer respectueusement des solutions à la hiérarchie, plutôt que de récriminer sans fin sur les inconvénients de la situation actuelle.