D’après les informations du média italien catholique Adista, le père Gebhard Sigl, cofondateur de la Famille de Marie (Pro Deo et Fratribus), s’est vu frapper de plusieurs sanctions canoniques, dont une interdiction de ministère pendant dix ans, suite au délibéré le 18 septembre dernier dans son procès canonique.
La décision, indique la Croix, “prévoit certaines interdictions pour une durée de dix ans, comme celles de résider de jour comme de nuit dans une maison où se trouveraient des membres de la FM ou de l’Œuvre de Jésus Souverain Prêtre (OJSS, sa branche sacerdotale approuvée par Rome en 2008), de reprendre des charges ou des postes administratifs au sein de ces communautés. Gebhard Sigl ne devrait plus pouvoir non plus administrer le sacrement de la confession, exercer la direction spirituelle ou encore prêcher ou animer des retraites et des exercices spirituels.
Pour une durée indéterminée, sa peine canonique prescrit également une impossibilité d’intervenir dans la gestion des affaires des associations civiles chargées de s’occuper des biens de la FM. Le document qui fait état de ces différentes condamnations a été signé des trois juges du tribunal ecclésiastique – le salésien Mgr Markus Graulich, le jésuite Ulrich Rhode et le père Grzegorz Erlebach – ainsi que par le pape François, le 11 octobre“.
La Famille de Marie communique :
Le 19 février 2024, la famille de Marie communiquait au sujet de l’abandon du noviciat des soeurs, lancé à Rome en 2023 : “au mois de septembre 2023, on a démarré à Rome, dans les locaux attenant aux Catacombes de Sainte Priscille, une expérience de “Noviciat” pour les Sœurs de la Pro Deo et Fratribus-Famille de Marie. Malgré l’engagement des personnes concernées, à la suite d’un examen attentif de la part des responsables de la formation, il est apparu clairement qu’on n’avait pas obtenu les résultats escomptés. C’est pourquoi, le 17 février 2024, il a été décidé de mettre fin à ce projet de formation“.
Le 6 novembre dernier elle communique au sujet du délibéré du procès canonique du père Gebhard Sigl :
“Le 18 septembre 2024, le Tribunal ecclésiastique en charge de la cause contre le Rév. P. Gebhard Paul Maria Sigl a rendu son jugement à son encontre.
Le 11 octobre 2024, la sentence a été approuvée de manière spécifique par le Saint-Père.
Par lettre en date du 25 octobre 2024, le Dicastère pour le Clergé et les Séminaires en a informé le Commissaire pontifical de l’OJSS et de la PDF-FM, en ordonnant que tous les membres soient informés de la disposition de la sentence.
Le 31 octobre 2024, le même Dicastère a communiqué au Commissaire pontifical le Décret d’application, en demandant que tous les Évêques des Diocèses dans lesquels les Associations OJSS et PDF-FM opèrent soient informés.
Le Décret d’application stipule que le Rév. P. Gebhard Paul Maria Sigl ne pourra, pendant dix ans, entretenir de relations avec les membres des Associations OJSS et PDF-FM, ni exercer les fonctions de ministère sacerdotal auprès des fidèles, ni occuper de rôles dans les organismes administratifs des Associations ; il devra également résider dans un lieu défini par le Commissaire pontifical.
Le 5 novembre 2024, le Décret d’application a été notifié aux Évêques concernés“.
(Mal) fondée par un prélat slovaque controversé et un prêtre autrichien condamné pour pédophilie
Reconnue pour la première fois en 1992 dans le diocèse de Roznava en Slovaquie, cette communauté missionnaire internationale de droit pontifical est actuellement implantée en Uruguay, au Kazakhstan, en Russie, en Corée du Sud, en Slovaquie, en Tchéquie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Irlande, en Suisse, en Autriche, en France – à la Brardière, dans l’Orne (diocèse de Sées), depuis 2008, et en Italie ; elle compte plus de 60 prêtres, 30 séminaristes et 200 femmes laïques appelées « sœurs apostoliques ».
Le média italien Adista a consacré plusieurs articles aux nombreuses dérives – notamment spirituelles, mais aussi canoniques – au sein de la Famille de Marie, énième avatar des fondations du prélat slovaque controversé Mgr Pavol Hnilica, ordonné sans mandat pontifical dans la Slovaquie communiste, dont l’Oeuvre du Saint-Esprit (OSS), et de père Josef Seidnitzer (1920-1993), un prêtre autrichien condamné à trois reprises pour pédophilie dans les années 1950, mais qui a su profiter de la crise d’autorité à l’époque du Concile pour garder des responsabilités dans sa communauté, avant d’être forcé au retrait par le Vatican au début des années 1990.
Après de nombreux signalements, Rome avait diligenté en 2021 une visite apostolique conduite par l’évêque émérite de Bari (Italie) Francesco Cacucci, à la suite de laquelle la communauté avait été mise sous tutelle et le père Gebhard Sigl écarté. Outre la question des dérives spirituelles et canoniques, le centrage de la communauté sur les visions de la voyante néerlandaise Ida Peedermann pose problème, car elles ont été condamnées par le dicastère pour la Doctrine de la Foi qui a confirmé son jugement le 11 juillet dernier.
Des messes célébrées sans être prêtre
Adista a notamment publié des documents anciens, des années 1970, provenant d’anciens membres de la communauté. Parmi eux, les photos d’une messe célébrée par le père Gebhard Sigl alors qu’il n’est pas prêtre.
Comme l’indique Adista, “au moment où les photos ont été prises – en 1978 à l’intérieur de la chapelle de la communauté de l’Œuvre du Saint-Esprit à Castelgandolfo, en 1980 au nouveau siège de celle-ci à Innsbruck, la « Studienheim International Villa Salvatoris », et au sanctuaire marial d’Altötting, en Bavière (1979-80) – Gebhard Paul-Maria Sigl n’était pas prêtre. En effet, il n’a été ordonné, d’ailleurs illégalement, secrètement et sans être passé par le séminaire, que le 8 décembre 1992 au Portugal, par l’évêque tchécoslovaque controversé Mgr Pavel Hnilica, avec quatre autres membres de la Famille de Marie.
Joseph Seidnitzer avait conféré à Gebhard Paul-Maria Sigl et à d’autres membres de l’organisation une ordination « mystico-sacramentelle ». Afin de la justifier, explique un ancien membre, Joseph Seidnitzer invoquait un « mandat divin ». Qu’en est-il alors de la médiation ecclésiastique requise pour une telle ordination ? « Le Père Joseph nous avait raconté que l’évêque du diocèse où il était en mission pour la dernière fois, Mgr Paul-Joseph Schmitt de Metz, lui avait imposé les mains au moment de son départ et qu’il avait été « béni en silence pendant longtemps ». « Sans que je m’en rende compte, Dieu m’a donné la grâce sacramentelle d’évêque à travers lui » nous disait Joseph Seidnitzer ».
Un ancien séminariste, dans une lettre à Mgr Hlinica, détaillait en 1995 de nombreuses dérives canoniques, et confirmait celles sur les sacrements : “selon l’expérience mystique personnelle de P. Joseph (et confirmée par Gebhard et en partie par d’autres mystiques), nous étions destinés par Dieu lui-même aux plus hautes vocations possibles qui existent dans l’Église ; nous avions dans nos rangs les ‘papes du futur’ qui exerçaient déjà une sorte de ‘magistère parallèle’ […] nous avons reçu de père Joseph/Gebhard, par ‘ordre divin’, des ordinations mystico-sacramentelles de diacre, de prêtre, d’évêque, que seul le pape ou les évêques légitimes sont habilités à conférer. Nous utilisions partiellement ces ordinations – régulièrement à l’intérieur de la communauté, occasionnellement à l’extérieur – surtout par le port de vêtements liturgiques sacerdotaux et la ‘concélébration’. Nous étions convaincus que ces consécrations étaient voulues par Dieu, donc valables à ses yeux – et qu’elles seraient reconnues par l’Église après l'”intervention divine“.