Lettre de Jean-Pierre Maugendre sur Renaissance catholique :
À l’occasion des 3e Assises de la Tradition qui se sont déroulées le 12 octobre dernier à Paris les participants ont découvert, un peu abasourdis il faut le dire, les derniers rebondissements de la persécution menée par Mgr Touvet contre les tenants de la liturgie traditionnelle au diocèse de Fréjus-Toulon.
Les abus de pouvoir de Mgr Touvet
Si certains avaient pu croire que Mgr Touvet, nommé en 2023 comme coadjuteur de Mgr Rey au diocèse de Fréjus-Toulon, parviendrait à maintenir l’unité du diocèse les faits semblent contredire ces perspectives optimistes. En effet s’il est désormais bien connu que Mgr Touvet bloque toujours les ordinations des Missionnaires de la Miséricorde Divine (voir notre chronique du 20 septembre 2024, Missionnaires de la Miséricorde. Toujours pas d’ordinations), d’autres faits, accablants, ont été portés à la connaissance du public, indigné, par le porte-parole de l’union Lex orandi : Philippe Darantière. Ainsi Mgr Touvet a fait signer à un futur diacre, cinq jours avant son ordination, selon le nouveau rituel mais en latin et dos au peuple, à la paroisse St Pie X de Toulon le 21 septembre dernier, un document dans lequel l’abbé Thomas Duchesne s’engageait à ne célébrer la messe que selon le missel de Paul VI, à ne donner les sacrements que selon le rite réformé et à n’utiliser que le bréviaire actuel. Il était également interdit de reprendre dans la liturgie conciliaire des éléments de l’ancien rite, soit de rajouter des signes de croix ou des génuflexions, voire de réciter le canon en silence. Il était également demandé de ne pas refuser de donner la communion dans la main. Nous ne sommes pas tout à fait dans la logique de l’enrichissement mutuel des deux rites, chère à Benoît XVI… Ce texte a également été proposé, par la suite, à neuf futurs diacres du diocèse de la part de Mgr Touvet. La réaction de la plupart d’entre eux a été très négative, ceux-ci dénonçant un abus de pouvoir. Mgr Touvet qui était venu avec le texte à distribuer est reparti avec ses exemplaires en disant que le sujet avait besoin d’être retravaillé. On a connu des actes de management plus éclatants et couronnés de succès plus manifestes ! Les séminaristes furent, à bon droit, scandalisés et si, comme l’affirme un grand classique des séminaires d’entreprise sur le management : « Le pouvoir se reçoit. L’autorité se construit. La légitimité se voit dans le regard des autres », Mgr Touvet a dû observer d’étranges et incrédules lueurs dans le regard de ses jeunes lévites. Quelqu’un pourrait-il expliquer à Mgr Touvet qu’un séminaire n’est pas l’école des Fusiliers et qu’un séminariste n’est pas un quartier-maître, fut-il chef ?
En outre, plusieurs nouveaux curés du diocèse ont reçu, à la rentrée, une lettre de nomination leur demandant de ne pas célébrer la messe uniquement dos au peuple, de ne pas utiliser l’offertoire de la messe tridentine, ni exclusivement le canon N° 1, dit romain, du Novus ordo.
Le mépris du passé
Mgr Touvet a rencontré le conseil presbytéral qui lui a fait part de son désaccord et lui a rappelé l’histoire du diocèse et, en particulier, l’accueil de prêtres de sensibilité traditionnelle depuis Mgr Madec, un morbihannais évêque de Fréjus-Toulon de 1983 à 2000, et créateur du séminaire de la Castille. C’est Mgr Madec qui a initialisé la bienveillance du diocèse envers la Tradition, attitude dont Mgr Rey s’est positionné comme le légitime héritier. Mgr Touvet semble tout à fait ignorant de cette histoire récente. On pense au « carme naval », l’amiral Thierry d’Argenlieu, à la rigidité proverbiale, débarquant en Indochine, après la guerre, sans rien connaître du pays et de son histoire, multipliant bévues, vexations, injustices et altercations en particulier avec le général Leclerc qui fut finalement rappelé à Paris. Mgr Touvet apparaît, ainsi, très gêné pour assumer cette histoire et très embarrassé dans ses réponses. Bien sûr, pendant que Mgr Touvet fait la chasse aux « tradis » rien n’est fait pour rappeler à l’ordre les prêtres qui innovent en manière liturgique ou ne transmettent plus la foi. Citons les messes charismatiques avec rayon laser et ambiance boîte de nuit dans l’église Saint Louis de Toulon, les célébrations minables des écoles Bon accueil des Salésien qui obligent les enfants à communier debout dans la main, la catéchèse lamentable de l’institution Notre Dame à Toulon ou celle tout aussi indigente des Maristes à Fénelon. Ce constat est l’occasion de rappeler que Fréjus-Toulon n’est pas un diocèse « traditionaliste » mais un diocèse dans lequel les traditionalistes ont, aussi, leur place, ce qui n’est pas la même chose.
Mgr Touvet a donc décidé de faire la guerre non seulement aux tenants du rite traditionnel de la messe mais aussi aux conservateurs conciliaires. Cette ouverture simultanée de deux fronts risque bien d’être une erreur stratégique fatale. Ainsi Mgr Touvet a réussi, en l’espace d’un an, à se mettre à dos la majorité des séminaristes et des prêtres de son diocèse. On n’a malheureusement pas deux fois l’occasion de faire une première bonne impression ! Mgr Touvet n’est que coadjuteur, il ne peut pas légiférer en matière liturgique et n’a pas le droit d’obliger des prêtres à célébrer face au peuple ou d’imposer l’utilisation de certains canons.
D’autres priorités ?
À l’heure de la multiplication de la révélation d’abus sexuels commis par des clercs et couverts par la hiérarchie (voir l’abbé Pierre), de l’ignorance religieuse généralisée, de la baisse de la pratique religieuse Mgr Touvet n’a -t-il pas d’autres chantiers plus urgents à entreprendre que de détruire ce qui fonctionne à peu près correctement ? Sans changement d’orientation il est écrit que le séminaire de la Castille, à terme, disparaîtra : il n’y a eu aucune rentrée cette année en propédeutique. De même l’avenir des Missionnaires de la Miséricorde divine qui attendent six ordinations est sérieusement obéré. En effet Mgr Touvet a accepté que les ordinations aient lieu avec la messe traditionnelle mais selon le nouveau rite d’ordination. Formule liturgiquement un peu étrange dans la mesure où dans la réforme liturgique les ordres mineurs et le sous-diaconat ont été supprimés. Cependant solution déjà expérimentée pour des ordinations à l’abbaye de Lagrasse, dans l’Aude, il y a quelques mois. En revanche Mgr Touvet refuse que les prêtres des Missionnaires de la Miséricorde ainsi ordonnés puissent célébrer ensuite la messe traditionnelle, célébration pourtant inscrite dans leurs constitutions. Pendant ce temps, signe indubitable de la vitalité de la Tradition catholique dans le Var, notons le succès – 2 000 participants – pour la première édition-du pèlerinage Nosto Fe les 5 et 6 octobre à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. Il faut souhaiter, pour l’avenir du diocèse, que Mgr Touvet aura l’intelligence et la charité de respecter l’identité liturgique et doctrinale de ce beau témoignage d’une jeunesse avide de transcendance, de beauté et de vérité.
Où est le soin des âmes ?
Mgr Touvet a été curé. Il se rappelle donc que le beau titre de curé renvoie à sa responsabilité première : « cura animarum », le soin des âmes. Ce n’est pas la préoccupation qui apparaît comme majeure dans les relations entre les fidèles attachés à la Tradition de l’Église et certains de leurs évêques. On a plus souvent l’impression d’avoir à faire à des fonctionnaires ecclésiastiques ou des « préfets violets » qu’à des pères. En témoigne la réponse type adressée par Mgr Jordy, archevêque de Tours, aux participants de l’UDT de Renaissance Catholique à l’été 2024 qui s’étaient étonnés, auprès de lui, d’avoir dû assister à la messe dans une salle municipale à 100 mètres d’une église vide mais interdite : « Vos courriers manifestent un manque d’information concernant le régime de célébration selon ce missel (de Jean XXIII) (…) En effet depuis le motu proprio Traditionis custodes du 16 juillet 2022 (sic, il s’agit en fait de 2021) et le rescrit pontifical concernant cette liturgie, la messe ne peut être célébrée que dans certains lieux prescrits. » Apparaît bien ainsi une logique de réserve d’Indiens dont les évêques de France seraient les gardiens, voire les gendarmes, maritimes dans certains cas. Le jour de son intronisation Mgr Touvet s’était engagé à ne pas être instrumentalisé et à ne pas devenir l’homme d’un parti. Il serait temps qu’il se rappelle ses belles résolutions.
Jean-Pierre Maugendre