Dans le dernier numéro de Nouvelles de Chrétienté (n°205, Juillet-Août 2024), l’abbé Alain Lorans FSSPX évoque les rumeurs du début de l’été concernant l’avenir de la messe traditionnelle dans l’Eglise :
C’est une rumeur qui court depuis plusieurs semaines. Les autorités romaines s’apprêteraient à rendre encore plus restrictive l’autorisation de célébrer la messe traditionnelle. Elles interdiraient l’usage du missel de saint Pie V à tous les prêtres diocésains qui n’appartiennent pas aux instituts ex-Ecclesia Dei.
Et elles défendraient même aux évêques de célébrer ou d’autoriser la célébration de l’ancien rite dans leurs diocèses. La Croix du 1er juillet dernier, qui cite des sources vaticanes prudemment anonymes, parle de « bavardages » et de « fantaisies ».
Cependant The Pillar du 3 juillet révèle que ces nouvelles mesures « ne viseraient pas une suppression totale », mais plutôt « une sorte de mise en quarantaine » des prêtres et fidèles attachés à la messe de toujours.
« L’idée serait de “forcer les catholiques traditionnels à vivre dans des réserves”, avec ce que ce genre d’image implique. Les retirer de la vie diocésaine, les pousser dans des petits réduits autour de sociétés comme la Fraternité Saint-Pierre et même la Fraternité Saint-Pie X, les enlèverait des mains des évêques locaux », déclare un fonctionnaire romain dont l’identité n’est pas divulguée.
Il s’agirait donc de retirer aux évêques toute possibilité d’accorder une dérogation en faveur d’une messe que l’on veut voir disparaître définitivement. Ce centralisme autoritaire va contre la « synodalité » affichée à Rome, et montre clairement le peu de confiance du Saint-Siège à l’égard de son personnel épiscopal. Les intéressés sont habitués, ils seront dociles.
Plus intéressante est cette idée de créer des « réserves », comme il y en eut pour les Indiens d’Amérique. Bien évidemment, elles ne seront pas des réserves pour protéger une espèce en voie de disparition, à la façon du Dernier des Mohicans, mais des réserves pour raison sanitaire.
La notion de « mise en quarantaine » explique clairement la nature du projet. Il faut établir un cordon sanitaire pour empêcher la contamination et l’attraction qu’exerce la Tradition sur les prêtres et les fidèles. L’aveu est de taille.
Les adeptes de la liturgie conciliaires adoptent l’attitude de ceux qui savent qu’ils appartiennent à un organisme fragilisé, immunodépressif. Et cette absence de vitalité se manifeste de façon criante par une stérilité de plus en plus inquiétante.
Pour s’en rendre compte, il suffit d’ouvrir le dossier de presse Ordinations presbytérales 2024 de la Conférence des évêques de France : depuis plusieurs années il n’y a qu’une petite centaine d’ordinations par an pour remplacer plusieurs centaines de prêtres décédés ou en grande incapacité.
Ce document donne le chiffre de 709 séminaristes en 2024, contre 828 en 2018, mais surtout depuis deux ans les chiffres des entrées dans les séminaires diocésains en France ne sont plus présentés, parce qu’ils ne sont plus présentables. On masque ainsi une faillite patente par un refus des chiffres, un déni de la réalité. La pastorale des vocations se transforme en pastorale de l’autruche.
En définitive, où est la réserve d’Indiens ? Où est l’espèce en voie de disparition ? Et les âmes dans tout cela ? Les fonctionnaires du Vatican n’en ont cure, et cela porte un nom : non-assistance à personnes en danger. Voilà pourquoi la Tradition est plus que jamais vitalement nécessaire.
Abbé Alain Lorans, FSSPX