Selon La Croix, les responsables religieux français seraient partagés entre « consternation », prudence et appels fermes à contrer le Rassemblement national. Mais plusieurs préfèrent ne pas s’exprimer publiquement. La Conférence des évêques de France se refuse à toute prise de parole, renvoyant à la déclaration des évêques en faveur du projet européen, lue lors des commémorations du Débarquement la semaine passée.
Selon un sondage Ifop pour La Croix publié ce lundi, les catholiques ont voté autant que leurs concitoyens pour le candidat du RN Jordan Bardella (32 %) et sont surreprésentés dans les suffrages exprimés pour la liste Reconquête ! menée par Marion Maréchal (10 %).
Ainsi, les suffrages recueillis par la droite nationale lors des élections européennes ont plus que doublé : 42 % en 2024, contre 18 % en 2019. Un score très proche des 40 % obtenus dans cet électorat en additionnant les résultats de Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan pour l’élection présidentielle de 2022. Jérôme Fourquet, directeur opinion et stratégie de l’Ifop, commente :
« On observe une évolution très forte de l’électorat catholique, marquée par deux grandes tendances de fond qui se dessinent depuis l’élection présidentielle de 2017 et confirmées en 2022. On note d’abord une archipélisation du vote catholique qui se fragmente de plus en plus et ensuite une montée du vote RN. Il n’y a plus de résistance à l’extrême droite, sauf parmi le noyau dur, très réduit, des catholiques pratiquants réguliers qui sont 18 % à voter pour Jordan Bardella. »
« L’attachement à l’Union européenne, dans le sillage de la démocratie chrétienne ou de Jacques Delors, existe parmi les catholiques, mais ces courants sont en perte de vitesse. De même que 28 % des catholiques pratiquants réguliers ont voté pour des listes de gauche. Mais aujourd’hui, les lignes de clivage sont autres et touchent aux questions de sécurité, d’identité ou de rapport à l’islam. »
Le sondeur rappelle qu’il y a sept ans, François Fillon, candidat LR à l’élection présidentielle, captait presque un catholique pratiquant sur deux (46 %) au premier tour. Philippe Portier, sociologue des religions, souligne :
« On peut noter le peu d’influence de la parole magistérielle sur ce type de comportement électoral malgré des textes très clairs des évêques ».
Il cite notamment la lettre pastorale intitulée « Un nouveau souffle pour l’Europe », publiée début avril par les évêques de huit diocèses de l’Euregio (Allemagne, Belgique, France et Luxembourg) et qui invitait à « choisir les candidats qui soutiennent le projet européen ». Ou encore la déclaration du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France à l’occasion de la célébration des 80 ans du Débarquement.
Ce basculement se fait au détriment de la droite de gouvernement. Catholique revendiqué, François-Xavier Bellamy obtient certes chez les pratiquants un score nettement plus élevé qu’au niveau national – 14 % contre 7,25 % – mais sans parvenir à renverser la tendance à la désaffection pour les Républicains. Il perd d’ailleurs huit points dans ce même électorat par rapport à 2019.
L’autre fait marquant est l’effondrement du vote pour la majorité présidentielle. Très mobilisés, les catholiques pratiquants avaient voté à 37 % pour Nathalie Loiseau lors des précédentes européennes, ce qui témoignait d’un attachement au projet communautaire. Cinq ans plus tard, la liste menée par Valérie Hayer n’a convaincu que 12 % des pratiquants – 16 % de l’ensemble des catholiques.
Vice-président de la Commission des épiscopats de l’Union européenne (Comece) et visiteur “fraternel” du diocèse de Bayonne, Mgr Antoine Hérouard, archevêque de Dijon, souligne :
« À l’échelle européenne, on observe une remise en cause du fonctionnement des institutions européennes considérées comme trop lointaines, trop bureaucratiques »
Il voit dans les résultats d’hier l’expression de la peur « de la guerre, des migrations, du déclassement économique ». Bigre.
Concernant la dissolution de l’Assemblée nationale :
« On peut dire que c’est un peu dangereux car le RN peut gagner, mais en même temps c’est aussi une question de vérité qui peut permettre de mettre les uns et les autres au pied du mur après deux ans de difficultés. C’est une clarification qui peut être douloureuse ».
Pourquoi Mgr Hérouard pense-t-il qu’Il est dangereux que le RN puisse gagner ? Serait-il favorable au projet de loi sur l’euthanasie, porté par l’extrême-centre qui vient d’échouer et dont la dissolution a acté la fin de vie ? Les catholiques aimeraient comprendre.
L’Église catholique, si elle ne donne pas de consigne de vote, doit rappeler le « cœur de son enseignement : solidarité, destination universelle des biens de la Terre, subsidiarité », énumère Mgr Antoine Hérouard. Et la constitutionnalisation de l’avortement, porté par le parti d’Emmanuel Macron, l’extension de la PMA, la reconnaissance de la GPA pratiquée à l’étranger (en attendant de la légaliser en France, comme le souhaitent certains ministres de Macron) ?
La position de Mgr Hérouard interroge. Vous pouvez faire part de vos interrogations en lui écrivant :
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Ou par téléphone au 03 80 63 16 68