Dans l’éditorial du bulletin A Crucetta (n°152, Mai et Juin 2024), l’abbé Herbé Mercury évoque le respect de la vie :
La loi constitutionnelle du 8 mars 2024 stipule d’inscrire dans la Constitution révisée de 1958 que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Cette modification, votée par les députés et les sénateurs réunis en congrès le 4 mars dernier, a été massivement approuvée par 780 voix contre 72 et 50 abstentions.
Pour juger du chemin parcouru, il suffit de se rapporter au vote sur la loi Veil. En décembre 1974, la dépénalisation de l’avortement avait été adoptée, toutes chambres confondues, par 462 voix contre 280. Cette comparaison en dit long sur la mentalité qui prédomine aujourd’hui non seulement chez nos élus, mais aussi chez leurs électeurs. Par cette inscription, le législateur s’octroie le droit de fixer les critères selon lesquels une femme pourrait légalement exercer sa liberté, toujours garantie, d’avorter.
Mais, qu’est-ce qu’avorter ? La science bio génétique actuelle répond sans ambages : avorter consiste à supprimer un être dont le programme personnel de développement a commencé dès le moment de la fécondation. Comme il y a une linéarité continue du zygote au fœtus, la cohérence des données médicales nous contraint à affirmer qu’il s’agit donc de la suppression d’un être humain. Par conséquent, nos députés s’accordent le pouvoir de décider dans quelle mesure une femme aura la liberté de tuer son enfant. La Constitution française ne protège plus la vie dès son commencement, ni l’être le plus fragile et le plus dépendant qui soit : l’enfant à naitre. Elle décide même qu’il est légal qu’une femme ne respecte plus le cinquième commandement : « Tu ne tueras point ». Elle s’oppose frontalement au dessein exposé dans la Genèse et exclusivement déployé au profit inconditionnel de la vie : « croissez et multipliez-vous ».
Ces considérations nous conduisent à réfléchir sur l’évolution des mentalités. Notre perception de la vie humaine s’émousse au fil du temps. Nous ne nous scandalisons plus de la cruauté avec laquelle les femmes sont traitées. Dans le moment de leur grossesse qui rend un soutien plus nécessaire, la loi décrète les conditions de liberté concernant l’existence d’une vie en gestation.
Mais personne n’est libre par rapport à la vie d’autrui, parce qu’il n’y a plus de liberté là où commence la responsabilité. Nul ne peut agir à sa guise quand le devenir de ce qui advient dépend de lui. Quelles que soient les circonstances dans lesquelles la vie se présente, elle impose à ceux qui l’ont fait advenir la responsabilité de la faire grandir et de la laisser s’épanouir en produisant la fleur et le fruit de la semence fécondée.
Abdiquer cette responsabilité, c’est renoncer à la vraie grandeur qui ennoblit l’homme. En engendrant un autre lui-même, chacun retrouve dans cet enfant, en plus d’une part de lui-même, une image de l’être aimé. Ce mystère de la génération tisse secrètement des relations multiples qui constituent, dès le premier instant, un réseau dense et nécessaire dans lequel s’intègre le nouveau venu : lien de l’enfant avec ses géniteurs, mais aussi avec ceux qui les entourent, à des titres divers, grands-parents ou personnels de santé qui s’en occupent.
Il est donc injuste de faire supporter à la femme seule, au nom de sa soi-disant liberté, le poids de la vie nouvelle et l’éventualité de la supprimer. S’il est vrai qu’elle en est, dans les premiers mois, la principale responsable, elle n’en est pourtant jamais la seule. Le père est concerné au premier chef, tout comme leurs parents respectifs qui, un jour, ont assumé cette même responsabilité. Par le serment d’Hippocrate, les médecins et tous les personnels soignants s’y sont également obligés.
La perversité de la loi est de substituer la liberté à la responsabilité en donnant l’illusion que la première effacerait la seconde. Ni responsable, ni coupable… Il est facile de coucher ces mots sur un papier. Qu’en est-il quand ils s’inscrivent dans un corps façonné pour développer une vie et meurtri par sa suppression volontaire ? Nos législateurs ont-ils réfléchi à l’impact affectif, émotionnel et mental de ces mots sur les femmes, serrant leurs enfants survivants dans les bras ?
Au cours de l’année 2022, en Corse, 1203 femmes ont procédé à une interruption volontaire de grossesse. De l’avis même des médecins, ces actes ne sont anodins ni au plan physique, ni au plan moral. Le plus souvent, ils cachent des drames dans les arcanes desquels les prêtres sont parfois appelés à entrer.
La grâce divine vient alors guérir les blessures subies à condition de ne pas enfouir, au fin fond de sa conscience, les décisions prises et les actes posés. Seul, un regret sincère apporte une véritable paix à l’âme et répare, autant que faire se peut, les meurtrissures infligées au corps. Autrement, c’est l’idée d’un homme conçu comme un simple amas de cellules animées qui s’enracine. Il semblera naturel que les procédures médicales décident froidement de son terme final sur la base des statistiques et des rendements hospitaliers.
Nous ne partageons pas cette conception. La raison et la foi définissent l’homme comme un être raisonnable dont l’horizon ne se limite pas, comme les autres vivants, aux limites terrestres : il est destiné à partager pour l’éternité une vie d’intimité avec Dieu même. Dans la Genèse, le Créateur révèle son dessein : la vie est un don gratuit à répandre sur toute la terre.
Pour accomplir cette œuvre en plénitude, l’Eglise catholique a été fondée par Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme. Ses ministres ont été institués pour rappeler « à temps et à contre-temps » (2 Tim. 4, 2) les conditions pour obtenir cette vie en abondance. C’est pourquoi quand le pouvoir civil entend imposer une législation inique contraire aux prescriptions divines, ils sont contraints d’en dénoncer l’illégitimité et d’inviter chacun à son niveau à résister positivement.
Cet ordre de mission suppose la lumière pour ajuster les discours et la force pour accomplir son devoir jusqu’au bout. La prière est nécessaire. Elle demande que chacun assume fidèlement ses responsabilités, sans jamais se défausser sur une liberté purement légale.
Abbé Hervé Mercury
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