La nouvelle déclaration du Dicastère pour la doctrine de la foi, dirigé par le cardinal Fernández, a été publiée hier. Une approche fondamentalement correcte, mais qui néglige le fondement transcendant de la dignité humaine. La justice sociale est la référence centrale, plutôt que le Décalogue. Et ce document fait des clins d’œil à l’environnementalisme et à l’homosexualité.
L’approche de base, de nature métaphysique, est en principe correcte mais, compte tenu de la valeur du document, elle nécessitait un approfondissement, par exemple en traitant le concept de personne en relation avec les trois personnes de la Sainte Trinité – car c’est de là que découle en définitive la préciosité de toute personne – et en soulignant ensuite que la préciosité intrinsèque de l’homme découle secondairement de la nature particulière de sa forme actualisée, c’est-à-dire de sa rationalité (dans le document, cette jonction conceptuelle n’est que très brièvement mentionnée). C’est la qualité de cette nature qui fait que l’homme a une valeur intrinsèque et mérite donc l’appellation de personne, qui est comme une sorte de titre pour indiquer une très haute dignité. Saint Thomas d’Aquin s’exprime sur ce point en ces termes :
“Parmi toutes les autres substances, les individus de nature raisonnable ont un nom particulier. Et ce nom est persona” (Summa Theologiae, I, q. 29, a. 1 c.).
Bien que la structure soit correcte, mais pas tous les arguments, il y a donc peu de profondeur d’analyse, un trait caractéristique de l’ensemble du pontificat.
À côté des passages agréables de cette Déclaration, signée par le Préfet Victor Fernández et approuvée par le Pape François, il y en a d’autres qui sont ambigus, d’autres qui sont discutables et d’autres qui sont finalement erronés. En ce qui concerne les passages ambigus – en laissant de côté, pour des raisons d’espace, la définition proposée de la “nature humaine” – nous nous arrêterons au point n° 1 où est affirmée la primauté de la personne humaine, comme cela avait déjà été affirmé dans Laudate Deum de François (n° 39). Cela est vrai sur le plan naturel, mais pas sur le plan surnaturel. En effet, la primauté appartient toujours à Dieu. Dans un document qui fonde à juste titre la dignité humaine sur le fait que nous avons été créés à l’image de Dieu, l’absence de référence à la primauté transcendante est une omission significative.
En ce qui concerne les passages douteux et de manière télégraphique :
“Cette dignité ontologique, lit-on dans le document, dans sa manifestation privilégiée à travers l’action libre de l’homme, a ensuite été soulignée surtout par l’humanisme chrétien de la Renaissance” (n. 13).
L’humanisme, même l’humanisme chrétien défini avec audace, était anthropocentrique et non théocentrique. Tout aussi critique est l’affirmation désinvolte suivante :
“il est évident que l’histoire humaine montre un progrès dans la compréhension de la dignité et de la liberté des personnes” (n. 32).
Un choix discutable est ensuite la liste proposée des comportements ou phénomènes contraires à la dignité de la personne, une liste déséquilibrée sur les questions de justice sociale : la pauvreté, la guerre, les migrants, la traite des êtres humains, les abus sexuels, la violence contre les femmes, le féminicide, l’avortement, la maternité de substitution, l’euthanasie et le suicide assisté, le rejet des personnes handicapées, la théorie du genre, le changement de sexe, la violence digitale (dans cet ordre dans le document). Tous ces comportements ou phénomènes sont certainement censurables, mais malgré l’assurance que la liste n’est pas exhaustive, on constate l’absence, par exemple, du divorce, de la contraception, de l’insémination artificielle, de l’expérimentation sur les embryons, et de l’environnementalisme. Il aurait été plus fructueux de partir du Décalogue pour dresser une telle liste.
Venons-en aux erreurs, du moins celles qui nous paraissent les plus évidentes. La première est dans le titre : Dignitas infinita. La dignité de la personne humaine n’est pas infinie (cf. n° 1) parce que son être n’est pas infini. Seule la dignité de Dieu est infinie parce que son être est infini. Notre nature comporte une préciosité intrinsèque limitée, finie, mais en même temps incommensurable, c’est-à-dire immense, et absolue, c’est-à-dire non soumise à des conditions, comme cela est correctement souligné à plusieurs reprises dans le texte.
Deuxième erreur : au n° 28, Laudate Deum est à nouveau cité : ” La vie humaine est incompréhensible et insoutenable sans les autres créatures ” (n° 67) Or la Déclaration ne répète pas moins de 15 fois et fort opportunément que la dignité humaine est telle au-delà de toute circonstance. Aujourd’hui, la dignité humaine semble descendre des autres créatures : ce n’est plus une dignité absolue, mais une dignité relative, par rapport aux plantes et aux animaux. L’obole classique due à l’environnementalisme.
Enfin, attardons-nous sur le paragraphe consacré à la théorie du genre. Or, cette théorie comporte, entre autres aspects, un jugement positif sur l’homosexualité et la transsexualité. Sur ce deuxième aspect, la Déclaration consacre un paragraphe spécial qui adopte une approche critique juste. On s’attendait donc à ce que le paragraphe “Théorie du genre” traite de l’homosexualité. C’est le cas dans la première partie de ce paragraphe, mais ensuite les réflexions qu’il articule semblent plus en rapport avec le transsexualisme, et n’ont qu’un vague rapport avec l’homosexualité. Cela dit, il est évident qu’une condamnation explicite et raisonnée de l’homosexualité fait défaut, se réfugiant dans de vagues références à la différence sexuelle entre hommes et femmes. Il ne pouvait en être autrement qu’après la publication de Fiducia supplicans bénissant l’homosexualité.
Nous parlions de la première partie du paragraphe “Théorie du genre” consacré à l’homosexualité. Le Catéchisme de l’Eglise catholique y est cité à juste titre lorsqu’il affirme que la personne homosexuelle doit être accueillie (cf. n° 2358), mais il n’est pas cité lorsqu’il censure à la fois l’homosexualité et le comportement homosexuel. De plus, immédiatement après cette citation, la Déclaration se poursuit ainsi :
“C’est pourquoi il faut dénoncer comme contraire à la dignité humaine le fait que, dans certains endroits, un nombre non négligeable de personnes sont emprisonnées, torturées et même privées du bien de la vie uniquement en raison de leur orientation sexuelle” (n° 55).
Il semblerait que l’acceptation des personnes homosexuelles implique l’exclusion de l’interdiction légale du comportement homosexuel. La sanction d’un comportement homosexuel serait alors un mal. Voici donc la question de fond : est-il moralement permis de sanctionner un comportement homosexuel ? Une réponse que nous savons piquante pour beaucoup : oui, mais pas toujours. Procédons dans l’ordre. Quel est le critère auquel il faut se référer pour savoir s’il est juste de sanctionner un certain comportement ? Le bien commun. Dans le cas des interdictions, les comportements qui nuisent gravement au bien commun doivent être interdits. Le comportement homosexuel est potentiellement préjudiciable au bien commun pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, parce que l’homosexualité contredit la nature humaine à son niveau le plus profond et le plus fondamental, et donc sa dignité. Il s’agit d’un trouble extrêmement violent de la personne qui ne peut que se répercuter à l’extérieur lorsqu’il devient un comportement, une relation, se répercutant négativement dans l’ordre social dont la protection est la première tâche du dirigeant. L’homosexualité pratiquée conduit à la corruption de la pensée et des mœurs, par exemple dans le domaine du comportement sexuel, même chez les hétérosexuels, dans l’éducation où l’on enseigne l’affectivité, etc. Pensons ensuite aux effets négatifs que nous avons dû enregistrer dans la sphère familiale où les unions civiles ou les “mariages” homosexuels ont été légitimés, y compris surtout la soi-disant homogénéisation. Pensons également à la sphère de la procréation, où l’homosexualité a encouragé des pratiques telles que la fécondation hétérologue, l’utérus à louer et a fomenté une culture anti-vie, car l’homosexualité est, de par sa structure intime, une condition infertile.
Ainsi, dans l’abstrait, le comportement homosexuel peut être légalement interdit, mais dans la pratique, il faut vérifier que l’interdiction est efficace, c’est-à-dire qu’elle promet plus de bénéfices que de préjudices pour le bien commun. Dans le cas contraire, il vaut mieux tolérer et ne pas interdire. Il est donc approprié, avec mille distinctions à faire, que dans certaines cultures, comme l’Afrique, l’homosexualité soit interdite parce que socialement elle est déjà profondément désavouée, d’autant plus que pour la culture africaine la descendance est tout et qu’une relation qui est par nature infertile est perçue comme une insulte très grave aux valeurs partagées. Dans ces contextes, l’homosexualité est déjà radicalement rejetée et ne pas l’interdire reviendrait à l’encourager et donc à favoriser des processus sociaux hautement déstabilisants (dans le même ordre d’idées, Pie XI dans Casti connubii demandait aux gouvernants de punir les unions libres – “turpi connubii” dans le texte – qui, entre autres, représentent une espèce morale moins grave que les relations homosexuelles).
Il va de soi que le type de sanction et le quantum de la peine doivent être proportionnés, entre autres aspects à prendre en considération, à la nature du mal commis et donc, comme le rappelle la Déclaration elle-même, la peine de mort et la torture sont à exclure, également parce que cette dernière est une action intrinsèquement mauvaise.
Pour les mêmes raisons, cependant, il semble tout à fait souhaitable de ne pas l’interdire en Occident – également parce qu’il est impossible, d’un point de vue réaliste, de s’y opposer – précisément parce que la société voit cette condition d’un œil absolument favorable. Le médicament serait pire que la maladie à guérir. Il faut donc avant tout intervenir dans le domaine culturel et, entre-temps, tolérer le phénomène, non l’interdire et surtout pas le légitimer.