Paix Liturgique a publié une nouvelle lettre suite à la décision des Dominicaines de Pontcallec de faire appel après le jugement du tribunal de Lorient qui les condamne, ainsi que d’autres persécuteurs de mère Marie Ferréol, dont le cardinal Ouellet dont la “part prépondérante de responsabilité” a été reconnue par la justice. Au passage, Paix Liturgique revient sur d’autres aspects de la responsabilité de la congrégation sur lesquels devra maintenant se pencher la cour d’appel de Rennes.
“Après le jugement, le 3 avril dernier, du tribunal de Lorient (an Oriant) qui condamne les persécuteurs de mère Marie Ferréol – y compris sa congrégation – et fixe la « part de responsabilité prépondérante » du cardinal Ouellet, ni présent ni représenté, dans le préjudice qu’elle a subi à 60%, la congrégation des Dominicaines du Saint-Esprit de Pontcallec a répliqué par un communiqué d’une sécheresse certaine.
Campant sur leur position – pourtant largement désavouée par le tribunal, dans un jugement longuement motivé et détaillé (17 pages), la congrégation rappelle que « ce contentieux fait suite au renvoi par le Pape François de Sabine de La Valette de la vie religieuse. Cette décision a été prise par le Souverain Pontife à la suite de la visite apostolique menée par des Visiteurs religieux extérieurs à notre Institut. La visite apostolique a relevé à travers de très nombreux témoignages des comportements gravement inappropriés de Sabine de La Valette au sein de notre Institut ».
Après le rappel des sommes octroyées par le tribunal de Lorient à mère Marie Ferréol – comme si le contentieux ne se résumait qu’à une histoire de gros sous, la congrégation assène : «ce jugement rendu dans le cadre d’une procédure plaidée à juge unique et non en formation collégiale, est critiquable à plusieurs titres et nous avons donné instruction à nos avocats d’en interjeter immédiatement appel devant la Cour d’appel de Rennes. Cette procédure d’appel va permettre de mettre en lumière les nombreuses erreurs de fait et de droit commises par le premier juge dans un contexte très médiatisé par Sabine de la Valette ».
Visiblement, pour la congrégation, le souci de ne pas payer a remplacer les vertus cardinales et la charité, puisque déjà, au moment du procès, les religieuses demandaient pour l’essentiel un rejet total des demandes de mère Marie Ferréol, sans un sou, et les visiteurs canoniques un euro de dommages et intérêt pour procédure abusive (!).
Laissant entendre que l’appel n’est justifié que par la volonté de ne pas payer (33.000 euros au titre du devoir de secours pendant 18 mois, 20% des 190.000 euros attribués au titre des préjudices moral et matériel, 35% des frais de procédure à hauteur de 10.000 euros) et sans un mot d’excuses, de compassion ou de bienveillance, ce communiqué apparaît comme une singulière erreur de communication qui rappellent la responsabilité écrasante de la congrégation dans l’affaire mère Marie Ferréol et sa persécution.
La congrégation fournit des attestations qui discréditent l’accusation
L’on s’en rappelle – à l’automne 2023 lors de la première audience au tribunal de Lorient, la congrégation fournit des attestations écrites par une trentaine de religieuses sur les 90 qui restent actuellement dans la congrégation, minée par des crises à répétition, la perte quasi-totale des vocations et l’exclaustration ou le retour dans leurs familles d’une dizaine de religieuses.
Néanmoins ces attestations – dont 14, sur une trentaine, ont été rédigées par des religieuses qui n’ont jamais vécu en communauté avec mère Marie Ferréol, manquent de contenu. A l’époque, une source proche du dossier nous les décrit comme mettant en avant des niaiseries, une histoire d’écharpe perdue et retrouvée dans sa chambre, des élèves qui seraient moins souriants avec d’autres religieuses après être sortis de sa classe, une histoire de peluche, des généralités, des rumeurs, des on-dit, des mesquineries.
Par ailleurs, 35 religieuses qui ont vécu en communauté avec mère Marie Ferréol ont refusé, malgré les nombreuses pressions de leur hiérarchie – et le dévoiement complet de la notion d’obéissance tant à l’intérieur de la congrégation que par le cardinal Ouellet, qui en toute irrégularité s’est retrouvé à la diriger – d’écrire des attestations contre elle. D’autres autrices d’attestations étaient largement mouillées dans la crise des exorcismes et des agapêthérapies des années 2008-2013… que mère Marie Ferréol a arrêté en prévenant l’évêque de Vannes Mgr Centène, après le refus des responsables de Pontcallec d’alors de mettre fin aux dérives.
La méchanceté et la vacuité de la congrégation pendant l’audience civile d’automne a été contagieuse – mère Marie Ferréol est sortie en larmes de l’audience, notamment après que l’avocate des Dominicaines, en fin de plaidoirie, in cauda venenum, assène une citation du psaume 54 à son endroit « elle a un visage souriant, mais son cœur est comme un poignard acéré ».
La congrégation « ne pouvait ignorer ni le droit canonique, ni les droits fondamentaux »
Insensible au manque de charité et à la vacuité des pièces justificatives de la position de la congrégation, la justice bretonne montre la lumière aux Dominicaines de Pontcallec, navire hanté errant dans les Ténèbres, tel le Bag noz qui glisse sur la chaussée de Sein, avec l’Ankou pour pilote.
Le tribunal de Lorient applique l’article 1194 du code civil à la situation : « les contrats obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi ». En l’occurrence, « Mme Baudin de la Valette [nom civil de mère Marie Ferréol ] et l’association […] des Dominicaines du saint Esprit […] ont été liées par des obligations réciproques. En échange de [son] engagement dans la communauté, notamment en tant qu’enseignante, l’association s’est trouvée investie envers elle d’un certain nombre d’obligations.
Non seulement l’association en tant qu’entité juridique se devait de respecter ses propres statuts, mais la communauté en tant que membre de la Sodalité des Vierges dominicaines du Saint-Esprit, se devait de respecter sa propre constitution.
De plus, en tant que communauté religieuse et en tant qu’association déclarée, elle ne pouvait ignorer ni le droit canonique, ni les règles générales du droit relatives au respect des droits de la défense, outre les droits fondamentaux de la personne, face à une décision grave impactant la vie privée d’une Sœur de la communauté ».
Or, comme le développe longuement le jugement, ces règles du droit ont été foulées aux pieds. Quant aux attestations, elles discréditent l’accusation et prouvent, au contraire, que le renvoi de mère Marie Ferréol était injustifié, constate le tribunal de Lorient : « beaucoup de témoignages relatent des éléments qui se sont passés il y a de nombreuses années, de petits détails de la vie quotidienne dans une communauté, des mesquineries, […] des généralités sur le caractère, les qualités et les défauts présumés de la demanderesse ».
De quoi faire conclure au tribunal qu’il « ne trouve pas dans ces attestations la confirmation que les motifs très généraux figurant dans les décrets d’exclaustration puis de renvoi de Mme Baudin de la Valette, rédigés par le cardinal Ouellet, étaient réellement fondés sur des faits graves et précis, au demeurant non énoncés, justifiant la lourdeur des sanctions prononcées ».
Agapêthérapies : quand Pontcallec sombre dans le délire collectif
Cet été, Golias a sorti un hors-série dédié à l’affaire mère Marie Ferréol, qui pointe d’autres versants de responsabilité de la congrégation sur lesquels pourra se pencher la cour d’appel de Rennes – sise au Parlement de Bretagne.
Notamment sur la responsabilité de mère Marie Ferréol pour arrêter les dérives spirituelles dans sa congrégation qui ont fini par déboucher sur un délire collectif, sous la houlette de la supérieure d’alors. « La supérieure nous mettait tout le monde malade. Elle traitait sur place celles qui ne pouvaient pas se déplacer et pratiquait ces thérapies infernales [les agapêthérapies] sur ces pauvres petites sœurs qui cherchaient le bon Dieu. On a du fermer le foyer. Il n’y avait plus personne pour s’occuper des enfants », se rappelait-t-elle dans les colonnes de Golias.
Fondées sur des « introspections à la recherche des blessures d’enfance devenues des entraves spirituelles », lesdites thérapies conduisaient certaines religieuses, « sous prétexte de pardonner à leurs parents, à [revenir] chez elles pour les injurier », continue mère Marie Ferréol. « Lors d’une session, une sœur m’a raconté avoir façonné un fœtus avec de la pâte à modeler, puis l’avoir bercé pour le guérir des blessures infligées par sa mère ».
La supérieure pratiquant elle-même ces agapêthérapies, les dérives spirituelles finissent par être détournées contre le fondateur, accusé des pires maux… et plus c’est gros, plus ça passe – il est notamment accusé d’avoir été un « prêtre à la solde d’Osiris », constate Golias. Mère Marie Ferréol rappelle : « le Diable avait parlé, et comme il s’était exprimé en latin, on ne pouvait en douter. Il fallait détruire la chapelle devenue un temple maçonnique pour le culte d’Osiris. Tout le monde devenait dingo ! Mais les sœurs y croyaient ferme. J’ai vu de mes yeux certaines sœurs mesurer la distance qu’il y avait entre l’autel de l’église et un autel extérieur, le podium, où se célébraient certaines messes. Elles avaient conclu qu’il y avait 666 mètres et que c’était le chiffre de la Bête. On était tombés sur la tête ! »
Finalement, mère Marie Ferréol prévient l’évêque de Vannes, et d’autres sœurs – Rome directement. Des visiteurs nommés par la commission Ecclesia Dei arrivent à trois en juillet 2013, éloignent le noviciat à Draguignan, empêchent le chapitre général d’être élu, nomment le père dominicain Benoît-Dominique de la Soujeole à la tête de la congrégation, jusqu’en 2016, et le délire de diablerie se dissipe. La chapelle échappe à la démolition, et le père Berto, au déboulonnage – mais une quinzaine de sœurs, des novices principalement, quittent la communauté. Surtout, en 2016, accusé d’accentuer la ligne réformiste, le père de la Soujeole est écarté, et la nouvelle prieure ramène le noviciat à Pontcallec, puis gouverne trois ans seule, sans conseil. Aujourd’hui, les sœurs qui dirigent la congrégation de Pontcallec sont proches de celles qui ont largement trempé dans les agapêthérapies… et auxquelles mère Marie Ferréol s’est opposée.
Brutalement exclaustrée et recluse à Solesmes
Surtout, la cour d’appel de Rennes pourra se pencher sur les conditions de l’exclaustration – de l’éloignement de sa communauté – de mère Marie Ferréol, longuement détaillées dans Golias et qui ne semblent guère respectueuses du droit canonique, pas plus que des droits fondamentaux. On serait plus proche du Masque du fer, ou d’un embastillement – à Solesmes – d’Ancien Régime, sur lettre de cachet.
« Le [27] octobre 2020 […] sœur Marie Ferréol est attendue par les deux visiteurs. Jean Charles Naud, et Mère Emmanuelle Desjobert, l’invitent à prier l’esprit saint, puis à s’asseoir. ”Ce qu’on va vous dire est violent”. Statufiée sur sa chaise, elle ne se souvient plus de la prière récitée. Le Pape vient de prendre une sanction d’exclaustration contre elle, qualifiée de médicinale […] la visite apostolique aurait mis en évidence des difficultés dues à l’entretien et à la diffusion de sa part d’un mauvais esprit.
[…] Soeur Marie Ferréol peine à comprendre ce qu’on vient de lui annoncer. L’accusation de mauvais esprit est unanime, pourtant 23 sœurs l’ont déléguée pour le chapitre général qui vient d’etre célébré. Mais sa défense se retourne contre elle, ” l’heure n’est pas à la discussion, mais à l’obéissance !” Jean-Charles Naud se fâche tout rouge.
Choquée […] elle est exfiltrée de sa congrégation comme une criminelle, avec pour seules affaires son cartable contenant les dernières copies de sa classe de 4e, les œuvres complètes de Saint-Jean de la Croix, son pyjama, sa brosse à dents, trente euros correspondant à trois mois de pécule versés par sa communauté (!) et un paquet de pastilles Vichy. Elle n’est pas autorisée à dire au-revoir aux sœurs, à parler à l’aumônier, à prier sur la tombe de sa sœur, à récupérer son ordinateur ou son bréviaire. […] Elle n’a pas l’autorisation de poursuivre le bac canonique qu’elle préparait en ligne. La prieure générale, sœur Marie de saint Charles, la conduit à l’arrière du château. Une voiture est garée derrière la chapelle extérieure de sainte Anne des Bois. Un couple qu’elle ne connaît pas l’attend là depuis plusieurs heures pour la conduire vers un lieu qui lui est inconnu.
[Elle passe] 79 jours de pénitence à l’abbaye sainte Cécile de Solesmes. Enfermée sans comprendre ce qu’on lui reproche, elle passe les premiers jours, effondrée, à pleurer dans sa cellule. Les sœurs ont reçu une recommandation de discrétion et ne lui parlent guère […] Sans nouvelles d’elle et devant le mutisme de sa congrégation, sa famille porte plainte. Personne ne sait, ne veut ou ne peut leur dire où elle est ».
Dans un communiqué de mère Marie de Saint-Charles, prieure générale, le 30 novembre 2020, il est affirmé qu’il « ne s’agit pas d’une réclusion. La présence de sœur Marie Ferréol dans cette abbaye est intervenue bien sur avec son adhésion et son consentement. Les raisons qui ont conduit à cet éloignement sont parfaitement connues d’elle, et elle accepte aujourd’hui de se retrouver face à elle-même et à Dieu pour approfondir ce qui lui a été demandé ».
Une mauvaise…foi et une sécheresse qui font bondir mère Marie Ferréol : « faux ! J’ai mon franc-parler, je n’ai jamais pu attraper l’esprit bonne sœur, c’est peut-être pour cela qu’on m’a coffré ! » La cour d’appel de Rennes pourra donc se demander quelle est cette congrégation qui traite les innocents comme les pires criminels, qui les emprisonne et les réduit au silence en s’inspirant des dictateurs et non du droit – et encore moins des vertus cardinales – et quel crédit donner à ses arguments et à sa défense.
Mère Marie Ferréol a été traitée comme la pire des criminelles
Au sujet de son exclaustration et son exfiltration à Solesmes, mère Marie Ferréol confie dans les colonnes de Golias : « Je suis en clôture pendant trois ans renouvelables, sans téléphone, ni courrier, ni internet », se rappelle-t-elle. Une peine de «réclusion sans droit de correspondance » que certains pays réservent aux pires criminels, tueurs de masse, pédophiles…
« Je suis exclaustrée pour faire pénitence dans un endroit qui devra être tenu secret pour faire chemin de vie », confie-t-elle à Golias, et ce, sous peine de renvoi définitif. « Je tenais plus à ma vocation qu’à ma vie ».
Comme elle l’affirme aujourd’hui, « mon erreur avait été de croire que le droit canonique avait été respecté et que l’ordre était juste. Or, il n’y a ni matière à l’obéissance ni la désobéissance lorsque le précepte est injuste. J’ai même le devoir de le dire ».
Et, comme l’a rappelé la justice bretonne, sans aucun motif – et sans qu’on sache à ce jour – officiellement tout au moins, si le cardinal Ouellet avait réellement un mandat du Pape, et si le Pontife avait validé l’exclaustration par écrit. « S’agissant des motifs de l’exclaustration, faute d’énoncé et de preuvre des faits précis et datés reprochés à [mère Marie Ferréol] le tribunal doit en conclure que la décision n’était pas suffisamment motivée“. Et pour son renvoi, « tant sur la forme que sur le fond la procédure ”disciplinaire” employée à l’encontre de [mère Marie Ferréol] n’a pas été respectueuse du droit canonique et des principes généraux du droit, conduisant à qualifier d’abusives les décisions prises à l’encontre de l’intéressée par le cardinal Ouellet ».
Au moment de la première audience, cet automne à Lorient, un de ses proches affirmait qu’aucune personne ne doit être traitée comme l’a été Mère Marie Ferréol. Les persécuteurs de Mère Marie Ferréol ont perdu le sens des réalités, dévoyé le droit canonique, ignoré le droit civil…et appliqué la loi du plus fort , continuait cette personne, concluant que la loi du plus fort et l’ignorance des droits fondamentaux conduisait au chaos.
Comme s’en désole l’avocat ecclésiastique Cyrille Dounot, qui l’avait accompagnée en avril 2021 lorsqu’un entretien lui est enfin accordé – puis annulé après qu’elle ait demandé son dossier ecclésiastique – puis lors de son renvoi définitif cette même année, « il est de plus affligeant, pour l’historien du droit que je suis, de constater à quel point l’Eglise qui avait réinventé le droit au moyen-âge », face, justement, au règne de la loi du plus fort, « n’est plus capable de respecter les principes essentiels qu’elle avait elle-même dégagé : présomption d’innocence, respect des droits de la défense, respect des procédures, appel hiérarchiques… la Mère est devant un déni de justice absolu ».
Après lecture de l’article , je suis choquée de leur façon d’agir par une procédure abusive envers cette femme !! C’est rare en justice , d’exécuter cette procédure me semble t’il .. autrement dit , cette femme aurait dû rentré dans le moule , agir comme un mouton qui n’a pas de cerveau et se taire. En 2023 ?? L ‘Eglise régresse très très vite !
Et pas qu’en 2023…
J’ai connu une autre affaire de renvoi d’un séminariste étranger, à des milliers de km de sa famille, mis à la rue la veille de Noël, lui aussi sans motif réel et sérieux (le motif, je le connais et je ne le dirai pas par souci de confidentialité). Le ou les auteurs de ce forfait, sans nous l’avoir dit, avait escompté que nous ne le laisserions pas ainsi.
Je ne connais pas les tenants et les aboutissants de l’affaire à Pontcallec.
J’espère simplement que cette saine réaction de la Justice sonnera comme un avertissement pour les ayatollahs de sacristie qui sévissent encore, en toute impunité. Ils se déshonorent et beaucoup plus grave, ils déshonorent leur institution.
Sans oublier ces prêtres étrangers, dépendant d’instituts religieux présents sur les cinq continents, qui peuvent être envoyés à l’autre bout du monde du jour au lendemain car ils ont déplu à l’évêque ou au recteur du sanctuaire, ou ont été un peu lents à faire leur 3e dose, ou autre… et s’exécutent par “obéissance” et qu’on leur fait bien comprendre que c’est ça ou la rue.