Le Samedi Saint est le Jour sacré du repos du Seigneur ; on pourrait l’appeler le second sabbat après la création. La liturgie l’appelle Sabbatum sanctum — le saint Sabbat. Ce jour est et devrait être le jour le plus silencieux de l’année liturgique. On ne devrait y célébrer aucune fonction liturgique. Réjouissons-nous que cela soit aujourd’hui possible de nouveau. Le Souverain Pontife Pie XII, par son décret du 8 février 1951, a rétabli l’ancienne célébration de la nuit de Pâques et réglé le rite de cette célébration. Il a fait de nouveau de ce jour le plus silencieux de l’année. Nous pouvons considérer cette nouveauté en partie comme le fruit de nos efforts durant bien des années. Il y a vingt-cinq ans que nous frappions à la porte du Père de la chrétienté et aujourd’hui nous sommes exaucés. Dans la précédente édition de notre ouvrage, nous écrivions encore : « La grande tâche du renouveau liturgique sera de rendre au monde catholique sa seconde nuit sainte, la nuit de Pâques, la « mère de toutes les vigiles » comme l’appelle saint Augustin. L’absence d’esprit et de sens liturgiques des quatre derniers siècles nous a ravi la plus sainte de toutes les nuits, l’esprit liturgique de notre siècle réparera ce défaut.
Nous allons maintenant exposer et décrire la liturgie du Samedi Saint d’après le nouveau rite. Avant de décrire la célébration de la nuit pascale elle-même, il nous faut parler des modifications apportées à l’office des heures du Samedi Saint. Le premier changement réside dans le fait que les matines qui étaient habituellement chantées le soir du Vendredi Saint en grande solennité doivent être récitées non plus la veille, mais le matin du Samedi Saint.
L’Office des heures, le seul office de la journée, doit être réparti à l’heure convenable (hora competenti) au cours de la journée, sans solennité. Donc dès le matin on récitera matines et laudes. Aux laudes il y a déjà une modification. Après l’antienne « Christus factus est obediens » on ne récite plus comme les jours précédents le psaume Miserere, mais on ajoute immédiatement une nouvelle Oraison : « Accordez-nous, Dieu Tout-Puissant, à nous qui célébrons à l’avance, par une pieuse attente, la résurrection de votre Fils que nous obtenions la gloire de sa résurrection ».
Cette Oraison termine aujourd’hui toutes les, heures qui doivent être récitées également à l’heure fixée (sans le psaume 50). Les Vêpres sont dites l’après-midi. (Ce sont les Vêpres du Jeudi Saint) avec une Ire antienne ainsi modifiée : « Aujourd’hui je suis très opprimé, mais demain je me débarrasserai de mes liens » et avec une nouvelle antienne de Magnificat : « Les princes des prêtres et les pharisiens firent garder le sépulcre par des gardes et scellèrent la pierre ». Jadis les Vêpres étaient jointes à la Communion de la messe de la vigile, à présent elles sont célébrées l’après-midi. Les Complies aussi sont récitées de la même manière.
Toute la journée est donc un jour silencieux qui n’est interrompu que par l’office des heures.
La nouvelle Vigile Pascale.
Dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques, on célèbre la nuit pascale. On commence vers dix heures de sorte que la messe solennelle de la vigile puisse commencer à minuit. L’autel qui, depuis le Jeudi Saint, était dénudé, est recouvert de nappes, mais les cierges ne seront allumés que plus tard avec le feu nouveau. Entre-temps, à la porte de l’église, on a tiré du feu de la pierre et allumé les charbons. Le prêtre, revêtu des ornements violets, bénit le feu nouveau, en disant : « Dieu, qui par votre Fils, véritable pierre angulaire, avez allumé en vos fidèles le feu de votre lumière, sanctifiez ce feu nouveau tiré de la pierre et qui doit servir à notre usage, et faites-nous la grâce d’être tellement enflammés de célestes désirs, durant ces fêtes de Pâques, que nous puissions par la pureté de nos cœurs, arriver à ces fêtes éternelles où nous jouirons d’une lumière sans fin. » Le feu est aspergé trois fois avec de l’eau bénite. L’acolyte prend des charbons bénits et les met dans l’encensoir. Le prêtre y dépose de l’encens et encense le feu. Un cierge est allumé au feu nouveau.
Le clergé se présente ensuite à la porte de l’église ; l’acolyte porte le cierge pascal devant le prêtre. Ce cierge est bénit avec de solennelles cérémonies. Le prêtre trace sur le cierge pascal des signes symboliques qui doivent signifier que le cierge représente le Sauveur ressuscité. Le prêtre trace avec un stylet une croix sur le cierge pascal et dit en traçant la barre verticale : « Le Christ hier et aujourd’hui », puis en traçant la barre horizontale « le commencement et la fin ». Il trace ensuite au-dessus et au-dessous de la croix les lettres grecques alpha et omega. Dans les quatre angles de la croix il écrit les chiffres de l’année (par exemple 1952) et dit à chacun de ces chiffres : « A Lui les temps », « et l’éternité », « à Lui la gloire et l’empire », « pour tous les siècles, éternellement Amen ». Ensuite le diacre présente au prêtre les cinq grains d’encens qui sont aspergés à trois reprises avec de l’eau bénite puis encensés. Ces grains d’encens représentent les plaies transfigurées du Ressuscité, c’est ce qu’expriment clairement les paroles du prêtre, lorsqu’il les enfonce dans le cierge pascal : « Que par ses saintes plaies glorieuses, le Christ Notre-Seigneur nous garde et nous conserve. Amen. » Puis le diacre présente le cierge bénit au prêtre qui allume le cierge pascal, en disant : « Que la lumière du Christ ressuscitant glorieusement dissipe les ténèbres du cœur et de l’esprit ». Le prêtre bénit ensuite le cierge pascal allumé en disant cette Oraison : « qu’une effusion abondante de votre bénédiction se répande sur ce cierge allumé, nous vous en prions, Dieu tout-puissant, et régénérateur invisible, allumez vous-même ce feu qui doit nous éclairer pendant cette nuit, afin que le sacrifice offert cette nuit reçoive les impressions secrètes de votre lumière et qu’en tout lieu où l’on portera l’une des choses que nous bénissons ici, les artifices et la malice du démon soient expulsés et la puissance de votre majesté y réside.
Alors on éteint toutes les lumières de l’église, afin qu’elle soit éclairée par le cierge pascal. A présent a lieu avec le cierge pascal, à travers l’église, une procession solennelle qui constitue un des moments les plus impressionnants de toute la cérémonie. A l’entrée de l’église le diacre, portant la dalmatique blanche, héraut pascal, reçoit le cierge pascal allumé. La procession se compose ainsi : le thuriféraire, le sous-diacre portant la croix et les deux acolytes, le diacre avec le cierge pascal, le prêtre, le clergé et les servants, ensuite des délégations des fidèles. Le diacre s’arrête à trois reprises dans l’église, élève le cierge pascal, reste debout et chante chaque fois Lumen Christi. La première fois, le prêtre allume son cierge au cierge pascal, la seconde fois le clergé fait de même et la troisième fois c’est le tour des fidèles. A chaque fois, tous s’agenouillent et chantent Deo gratias. Finalement, tous les assistants ont allumé leurs cierges au cierge pascal. Toute l’église est illuminée de centaines de cierges. Le diacre pose alors le cierge pascal devant l’autel sur un petit chandelier. Tous gagnent leurs places et écoutent debout (comme pour l’évangile) leur cierge allumé à la main, l’hymne pascal, premier hommage au Ressuscité. Le diacre demande la bénédiction du prêtre qui dit : « Que le Seigneur soit dans ton cœur et sur tes lèvres, pour que tu annonces dignement et comme il convient la proclamation pascale ». Le diacre encense le livre et le cierge pascal, en en faisant le tour. Alors, le diacre chante le célèbre Exultet que nous ne cessons pas d’admirer. Vers la fin de l’Exultet il faut noter un petit changement. Autrefois on y nommait l’empereur romain et on priait pour lui, à présent cette oraison est étendue à tous les chefs d’état : « Jetez également un regard sur ceux qui ont autorité pour nous gouverner, et par l’inexprimable vertu de votre miséricorde paternelle, orientez leurs pensées vers la justice et la paix, afin que leurs efforts d’ici-bas les fassent parvenir à la patrie céleste avec tout votre peuple ».
Après l’Exultet, le diacre ôte la dalmatique blanche, les cierges des fidèles sont éteints, tous s’assoient et l’ancienne vigile se célèbre devant le cierge pascal. Autrefois il y avait douze leçons ; elles sont maintenant réduites à quatre, on a choisi, en plus de la première, celles qui sont suivies d’un Trait. Ière Leçon : Genèse 1,1-2,2 (l’œuvre des six jours) ; 2e Leçon, Exode 14,24-15,1 (Passage de la mer Rouge) avec le cantique de Moïse. 3e Leçon, Isaïe 4,1-6 (Splendeur du royaume messianique) avec le cantique de la vigne. 4e Leçon, Deutéronome 31,22-3 (dernière exhortation de Moïse à garder la fidélité envers Dieu avec le célèbre cantique de Moïse. A la fin de chaque Leçon, tous se lèvent pour l’Oraison. Le prêtre dit : « Prions ! » Le diacre ajoute : « Fléchissons les genoux ! » (Il invite à prier en silence). Au bout d’un instant, le diacre dit : « Levez-vous ! » A présent seulement le prêtre récite à haute voix l’oraison.
Après les Leçons a lieu la bénédiction de l’eau baptismale qui, d’après les nouvelles rubriques, est encadrée par les litanies des saints. On commence par l’invocation des Saints, puis a lieu la bénédiction de l’eau, non pas aux fonts baptismaux, mais au milieu de l’église, sous les yeux des fidèles ; ensuite a lieu la cérémonie nouvelle, la rénovation des promesses baptismales, en langue vulgaire. Les fidèles pendant ce temps portent leur cierge allumé ; puis à la fin ils peuvent recevoir l’aspersion de l’eau bénite. Songeons à la profonde impression que produirait cette cérémonie, si des adultes recevaient le baptême et faisaient leur première communion.
On chante ensuite la seconde partie des litanies des Saints tandis que le clergé se rend à la sacristie pour revêtir les ornements blancs. Le cierge pascal est placé sur le grand chandelier de l’ambon — pour y brûler durant quarante jours comme image du Ressuscité. La messe n’a que quelques modifications, mais très significatives. Il n’y a ni prières au bas de l’autel ni dernier évangile, donc disparaissent les parties de la messe qui n’ont été introduites que dans le bas moyen âge et ne sont pas essentielles. Après la Communion sont supprimées les Vêpres en abrégé comme nous l’avons remarqué plus haut.
Tel est le nouvel office de la nuit pascale dont les chrétiens amis de la liturgie ont le droit de se réjouir de tout cœur.
Dom Pius Parsch